Fragment joint à C1 – Papier original : C1 p. 154

Éditions modernes : Brunschvicg 624 (note 3) / Lafuma 292 (note) / Mesnard (Textes inédits p. 29) / Le Guern 278 bis / Sellier 741

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Bibliographie

 

BARTMANN Bernard, Précis de théologie dogmatique, I, Mulhouse, Salvator, 1941, p. 282 sq.

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Gembloux, Duculot, 1970.

LHERMET Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin,1970, p. 453 sq.

REGUIG-NAYA Delphine, Le corps des idées. Pensées et poétiques du langage dans l’augustinisme de Port-Royal. Arnauld, Nicole, Mme de La Fayette, Racine, Paris, Champion, 2007, p. 356 sq.

 

Éclaircissements

 

Car, quoiqu’il y eût environ deux mille ans qu’elles avaient été faites, le peu de générations qui s’étaient passées faisait qu’elles étaient aussi nouvelles aux hommes qui étaient en ce temps‑là que nous le sont à présent celles qui sont arrivées il y a environ trois cents ans. Cela vient de la longueur de la vie des premiers hommes. En sorte que Sem, qui a vu Lamech, etc.

 

Sur la tradition héréditaire, voir Preuves de Moïse 6 (Laf. 296, Sel. 327). Sur les problèmes de chronologie qu’elle pose, voir les explications de ce texte.

Deux mille ans : voir la note de GEF XIV, p. 66-67 ; Brunschvicg tient de Havet, éd. des Pensées, I, 1866, p. 217, la remarque suivante : « dans la généalogie des patriarches, depuis Adam jusqu’à Jacob, on trouve vingt-deux générations en 2 315 ans ; et si on prend la vie entière de chaque patriarche, cinq vies au bout l’une de l’autre remplissent toute cette étendue. La pensée de Pascal est que les hommes à qui Moïse disait qu’il n’y avait que cinq vies d’hommes entre la Création et eux, étaient parfaitement à même de vérifier, chacun par les traditions de sa famille, s’il disait vrai ou non ».

Environ 2 000 ans : la chronologie du De doctrina temporum, Venise, 1757, du p. Petau donne pour l’époque de la naissance de Moïse l’année 2 413 après la création.

 

Cette preuve suffit pour convaincre les personnes raisonnables de la vérité du Déluge et de la Création.

 

Sur le Déluge et la Création, voir Preuves de Moïse 6 (Laf. 296, Sel. 327).

L’appel aux personnes raisonnables peut sembler problématique aujourd’hui. Il est moins incompréhensible si l’on pense que la chronologie de l’univers était considérée comme beaucoup plus courte qu’aujourd’hui.

Pascal développe ces idées dans le texte suivant :

Pensées inédites, Joly de Fleury, f° 248 v°-249 r°, XV (Sel. 785). Dieu est caché. Mais il se laisse trouver à ceux qui le cherchent. Il y a toujours eu des marques visibles de lui dans tous les temps. Les nôtres sont les prophéties. Les autres temps en ont eu d’autres. Toutes ces preuves s’entretiennent toutes. Si l’une est vraie, l’autre l’est. Ainsi, chaque temps, ayant eu celles qui lui étaient propres, a connu par celles-là les autres. Ceux qui ont vu le Déluge ont cru la Création, et ont cru le Messie à venir. Ceux qui ont vu Moïse ont cru le Déluge et l’accomplissement des prophéties. Et nous qui voyons l’accomplissement des prophéties devons croire le Déluge et la Création. Dans ce texte, l’expression Si l’une est vraie, l’autre l’est étend la certitude des témoins du Déluge à l’accomplissement des prophéties, puis de cet accomplissement aux contemporains de Pascal. La forme du raisonnement rappelle la démonstration par induction de la Conséquence XII du Traité du Triangle arithmétique (rédaction française ; XI dans la version en latin), par laquelle Pascal montre que si une relation est vraie sur une base du Triangle arithmétique, elle est vraie sur la suivante, et ainsi de suite : voir OC II, éd. J. Mesnard, p. 1294-1295. Ce mode de raisonnement n’a rien qui choque des personnes raisonnables.

 

Et cela fait voir la Providence de Dieu, lequel, voyant que la Création commençait à s’éloigner, a pourvu d’un historien qu’on peut appeler contemporain et a commis tout un peuple pour la garde de son Livre.

 

L’historien contemporain est Moïse, considéré comme auteur du Pentateuque, dans lequel le livre de la Genèse raconte le Déluge et la Création.

Bartmann Bernard, Précis de théologie dogmatique, I, p. 282 sq. La providence divine.

Pascal présente la fin poursuivie par la providence dans le fragment (Laf. 594, Sel. 491). Conduite générale du monde envers l’Église. Dieu voulant aveugler et éclairer.

L’événement ayant prouvé la divinité de ces prophéties le reste doit en être cru et par là nous voyons l’ordre du monde en cette sorte.

Les miracles de la création et du déluge s’oubliant Dieu envoya la loi et les miracles de Moïse, les prophètes qui prophétisent des choses particulières. Et pour préparer un miracle subsistant il prépare des prophéties et l’accomplissement. Mais les prophéties pouvant être suspectes il veut les rendre non suspectes, etc.

 

Et ce qui est encore admirable, c’est que ce Livre a été embrassé unanimement et sans aucune contradiction, non seulement par tout le peuple juif, mais aussi par tous les rois et tous les peuples de la terre qui l’ont reçu avec un respect et une vénération toute particulière.

 

Pascal peut-il réellement estimer que tous les peuples de la terre ont reçu la Bible avec vénération ?

L’expression sans aucune contradiction inscrite dans l’avant-dernière ligne, a été biffée. La raison en est sans doute que dire que tous les rois et tous les peuples de la terre ont reçu la Bible sans aucune contradiction est une exagération manifeste, l’accueil de la Bible ayant été très différent selon les peuples, et nul pour certains.

L’interprétation de cette phrase dépend de la présence d’une virgule entre les mots tous les peuples de la terre et la subordonnée qui l’ont reçu. Les derniers éditeurs diffèrent. Ne donnent pas de virgule les éditions Brunschvicg (GF XIV, p. 67) et Lafuma 1951, Notes, p. 56. Les éditions Sellier, 741, et Le Guern, 278 bis, Pléiade, II, p. 246, placent la virgule après peuples de la terre.

Le manuscrit ne porte pas de virgule. Le pronom relatif qui introduit une proposition déterminative : Pascal ne parle pas de tous les rois et tous les peuples absolument parlant, mais seulement de ceux qui ont reçu la Bible, faisant preuve de respect et de vénération.

Il faut d’autre part remarquer que dans l’interligne entre les deux premières lignes du paragraphe, a été ajoutée l’expression embrassé unanimement et sans aucune contradiction, placée de manière à s’appliquer d’abord à tout le peuple juif, et s’appliquant ensuite à tous les rois et tous les peuples qui ont reçu la Bible (et non à tous les peuples absolument). Voir la transcription diplomatique.

Ces modifications ont pour effet de remplacer une affirmation extrêmement contestable (le peuple juif et tous les peuples de la terre ont reçu la Bible sans aucune contradiction) par une proposition défendable : la Bible a été embrassée avec respect par tout le peuple juif et par tous les rois qui l’ont reçue.