Fragment Preuves de Jésus-Christ n° 17 / 24  – Papier original : RO 51-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de J.-C. n° 346 p. 161 v° / C2 : p. 193

Éditions savantes : Faugère II, 273, IX / Havet XVI.1 bis / Brunschvicg 752 / Tourneur p. 280-3 / Le Guern 296 / Lafuma 315 / Sellier 346

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Bibliographie

 

 

CAZELLES Henri (dir.), Introduction critique à l’Ancien Testament, t. 2, Paris, Desclée, 1973.

CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, t. 1, Les Préfaces de l’Ancien Testament, Paris, Champion, 2013.

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, art. David, Paris, Cerf, 1993.

ERNST Pol, Approches pascaliennes, Paris, Colin, 1970.

Les deux premiers livres des Rois, traduits en français avec une explication tirée des SS Pères et des auteurs ecclésiastiques, Lyon, Anisson, Posuel et Rigaud, 1674.

MARTIN Raymond, Pugio fidei Raymundi Martini, ordinis praedicatorum, adversus Mauros et Judaeos [...], Cum observationibus Domini Joseph de Voisin [...], Paris, Henault, 1651.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

GOYET Thérèse, L’humanisme de Bossuet, II, Klincksieck, Paris, 1965.

SELLIER Philippe, “Jésus-Christ chez Pascal”, Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 485-510.

 

 

Éclaircissements

 

Moïse d’abord enseigne la Trinité, le péché originel, le Messie.

 

Voir nos commentaires sur la liasse Preuves de Moïse.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 444 sq. D’abord signifie d’emblée. Pascal pense comme saint Augustin que les premiers saints ont eu la connaissance des mystères et la plus grande pureté morale.

L’idée vient sans doute du R. Martin : Martin Raymond, Pugio fidei, Pars III, Dist. III, ch. XX, § 10, p. 690. Messias similis Moysi. « De solo igitur Christo, sive Messia supra dicta authoritas de propheta suscitado qui esset, ut Moyses, intelligenda est per id quod in Midrasch Kohelet taliter scribitur super Eccl. I. v. 9. [...] Quod fuit est id quod erit Eccles. I. v. 9. Dixit R. Berachia in nomine R. Isaac, sicut redemptir primus, i. e. Moyses, ita et Redemptor ultimus. Quomodo fuit redemptor primus ? De illo scribitur Exod. 4. v. 20. Et accepit Moyses uxorem suam, et filios suos, et posuit illos super asinum suum : sic Redemptor ultimus, sicut dictum est, Zach. 9. v. 9. Humilis, et equitans super asinum, et super pullum filium sinarum. Quomodo fuit redemptor primus ? Descendere fecit manna de caelo, sicut scriptum est Exod. 16. v. 4. Ecce ego pluere vobis faciam panem de caelis : etiam Redemptor ultimus erit placenta panis in terra, Ps. 72. v. 16. Item sicut Redemptor primus ascendere fecit puteum ; ita Redemptor ultimus qui est rex Messias ascendere faciet aquas, sicut dictum est, Joel. 3. v. 23. Et fons de domo Domini exibit, et irrigabit planitiem, vel convalles Sittim. Haec Traditio. Sittim nomen est regionis in Graecia, ut credo, de qua egressus est Alexander, ut dicitur in principio primi Maccabaeorum. Hoc itaque tunc videtur impletum, quando Apostoli Graecis praedicaverunt, et baptisati sunt. » Une note de Voysin éclaircit le nom de Sittim.

Mais est-ce bien ce que veut dire Pascal ? Ce n’est pas de Moïse qu’il dit qu’il aurait pu se dire le Messie, mais de David. La référence semble donc bien tomber à faux.

Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 1 et 12. « Il faut bien de la subtilité pour trouver dans ce que Pascal appelle Moïse, le Messie, et encore plus pour y découvrir la Trinité. »

Voir Genèse I, 26. Mais on ne trouve rien de très pertinent, sinon que dans « et ait faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram et praesit piscibus maris et volatilibus caeli et bestiis universaeque terrae omnique reptili quod movetur in terra », le verbe est au pluriel. Mais c’est normal dans un subjonctif à sens d’impératif (il n’existe pas de première personne au singulier).

On interprète traditionnellement comme une première expression de la Trinité un passage de la Genèse, XVIII, 1-2, où « trois personnages » se présentent à Abraham. Voir l’éd. des Pensées de Le Guern, 1, Folio, p. 321, n. 296.

Genèse, XVIII, 2. « Cumque elevasset oculos, apparuerunt ei tres viri stantes prope eum. Quos cum vidisset, cucurrit in occursum eorum de ostio tabernaculi et adoravit in terram, 3. et dixit : Domine mi, si inveni gratiam in oculis tuis, ne transeas servum tuum ».

Sacy explique comme suit le sens spirituel de ce verset :

« v. 2. 3. Abraham ayant levé les yeux en haut, il parut trois hommes auprès de lui. Il courut au-devant d’eux, il les adora se prosternant en terre, et il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce devant vos yeux, ne passez pas sans vous arrêter chez votre serviteur. Les saints Pères ont remarqué dans ces trois Anges qui apparurent à Abraham, une excellente image du mystère de la Trinité, ce saint Patriarche ayant considéré ces trois Anges comme représentant l’unité d’un Dieu dans la Trinité des personnes, selon cette parole qui est devenue si commune : Il en vit trois, et il n’en adora qu’un.

C’est ce que saint Augustin enseigne, en ces termes [August. de Trin. lib. 2. cap. 11] : Ces trois Anges s’étant présentés devant Abraham, il n’est point dit dans l’Écriture que l’un d’eux eût quelque chose, ou dans sa forme extérieure, ou dans son âge, ou dans quelque marque d’autorité, qui parût le mettre au-dessus des autres. Pourquoi donc ne croirons-nous pas que Dieu nous a voulu faire voir dans cette apparition, une image sensible du mystère de la très sainte Trinité, et la parfaite égalité des trois personnes, dans l’unité d’une même nature et d’une même substance ? Cum tres viri visi sunt, nec quisquam in eis, vel formâ, vel potestate major ceteris dictus est, cur non hîc accipiamus visibiliter insiuuatam per creaturam visibilem Trinitatis æqualitatem, atque in tribus personis unam camdemque substantiam ? [Aug. Ibid.]

Saint Justin, saint Irénée, Tertullien, saint Hilaire même, et quelques autres des anciens Pères, avoient crû comme une chose qui paraissait vraisemblable, que dans l’apparition de ces trois Anges, et en d’autres qui sont rapportées dans l’Écriture, l’Ange qui parlait en la personne de Dieu, était le Verbe éternel, qui avait voulu paraître ainsi dans le vieux Testament sous la forme d’un Ange, avant qu’il se revêtit d’une forme humaine.

Les Ariens s’étaient attachés à cette explication avec une grande opiniâtreté : et la soutenant en un sens tout contraire à celui de ces Saints, en la bouche desquels elle était très catholique, ils s’étaient efforcés d’en faire un dogme capital, et de l’établir sous peine d’anathème [Ex Hil. de Syn.], dans un des Canons de leurs faux Conciles. Si quelqu’un, disent-ils, soutient que ce n’est pas le Fils qui ait apparu à Abraham, mais que ce soit Dieu le Père, qu’il soit anathème. Ils disaient la même chose de l’Ange qui lutta avec Jacob, voulant que ce fût nécessairement le Fils de Dieu, frappant d’anathème ceux qui diraient le contraire : car ils voulaient donner ainsi à entendre, que ces apparitions ne pouvant nullement convenir au Père, mais seulement au Fils, étaient une marque certaine de l’inégalité et l’infériorité du Fils avec Dieu son Père.

Saint Augustin considérant les avantages que les Ariens tiraient de cette explication, dont ils abusaient visiblement, soutient premièrement, que dans l’apparition de ces trois Anges à Abraham, on ne peut point dire que celui auquel Abraham s’adresse comme au premier des trois, était le fils de Dieu, et que les deux autres étaient deux Anges. Car, comme ajoute ce Saint [August. de Trin. lib. 2. cap. 12], ces deux mêmes Anges ayant été ensuite envoyé à Sodome, Lot leur parle d’abord à tous deux, et peu après il s’adresse à l’un deux, et lui parle comme il aurait fait à Dieu, en lui disant : Seigneur, je vous prie, puisque votre serviteur a trouvé grâce devant vos yeux, et le reste, le traitant en la même manière, qu’Abraham avait traité celui que l’on prétendait avoir dû être le Verbe de Dieu.

Secondement, le même Père considérant avec une profonde lumière une si importante vérité, soutient, que la nature, l’essence et la substance de Dieu ne peut point certainement être vue en elle-même, et paraître d’une manière sensible et corporelle : Ispa natura, vel substantia, vel essentia, vel idipsum quod Deus est, quidquid illud est, corporaliter videri non potest. Et il ajoute [August. de Trin. lib. 2. cap. 8], qu’il est certain que Dieu se peut servir du ministère ou de l’interposition d’une créature qui lui est soumise, pour se faire connaître aux sens des hommes sous quelque ressemblance corporelle, mais que cela n’est point particulier au Fils, comme le prétendaient les Ariens, pour détruire ainsi son inégalité avec le Père. Il enseigne au contraire que ceci est commun au Saint-Esprit, et au Père même comme au Fils ; chacune des Personnes divines pouvant se faire connaître aux hommes de la même sorte [August. Ibid.] : Per subjectam creaturam non solum Filium, vel Spiritum Sanctum, sed etiam corporali specie sive similitudine mortalibus sensibus significationem sui dare potuisse credendum est.

C’est pourquoi ce même Saint conclut avec une grande sagesse [August. de Trin. lib. 2. cap. 18], qu’il y avait de la témérité à définir, quelle est celle des trois Personnes de la très sainte Trinité qui s’est fait connaître sous quelque figure corporelle à quelqu’un des Patriarches ou des Prophètes ; à moins que cette détermination ne fût fondée sur des raisons fortes et probables tirées des circonstances particulières de ce même endroit de l’Écriture sur lequel on aurait voulu l’établir. Et que si nous en usions d’une autre sorte, nous blesserions cette circonspection pleine de respect et de retenue, avec laquelle nous devons considérer les paroles et les vérités que Dieu nous enseigne.

Le même Saint remarque avec grande raison [August. ibid. cap. 13.], que s’il y a quelque endroit de l’Écriture, où il semble que Dieu ait voulu apparaître en sa propre personne à un Saint, c’est lorsqu’il apparut à Moïse dans le buisson ardent, en lui disant ces paroles qui marquent si sensiblement la souveraine majesté de Dieu [Exod. 3. 14.] : Je suis celui qui est : Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Et cependant saint Etienne parlant aux Juifs [Act. 7. 30.], dit clairement que c’était un Ange qui apparut à Moïse dans le buisson qui brûlait sans se consumer.

Cet Ange, ajoute saint Augustin [August. ibid.] , parlait sans doute au nom de Dieu : mais qui oserait assurer qu’il parlait en la personne du Fils, ou en celle du Saint-Esprit, ou en celle de Dieu le Père, ou au nom de la sainte Trinité ; puisque ces paroles qu’il dit à Moïse : Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, conviennent également ou au Père, ou au Fils, ou au Saint-Esprit, ou à la sainte Trinité, comme enfermant les trois Personnes divines en une seule nature ?

Il est difficile aussi de trouver dans toute l’Écriture une occasion où Dieu ait voulu plus paraître en Dieu, et dans toutes les marques de sa souveraine majesté, que lorsqu’il donna sa foi à son peuple sur la montagne de Sina, dans un feu brûlant, comme dit saint Paul [Hebr. 13. 10], environné d’un nuage obscur et ténébreux, parmi les foudres, les tempêtes et les éclairs ; en sorte que Moïse dit lui-même : Je suis tout tremblant et tout effrayé, tant ce qui parois soit était terrible. Et cependant saint Étienne dit aux Juifs [Act. 5. 36], que c’était un Ange qui parlait à Moïse sur le mont Sina.

Et saint Augustin dit encore, qu’on ne peut pas bien discerner si cet Ange parlait au nom de la sainte Trinité, ou en la personne du Père, ou en celle du Fils, ou en celle du Saint-Esprit. »

Moïse enseigne le péché originel : c’est Moïse qui est censé avoir fait dans la Genèse le récit du péché originel commis par Adam.

Moïse enseigna le Messie : voir Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, qui renvoie à Quaestiones Evangeliorum, II, q. 38, n. 4.

 

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David grand témoin.

 

Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon esprit, puissant. Il prophétise et son miracle arrive. Cela est infini.

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Il n’avait qu’à dire qu’il était le Messie s’il eût eu de la vanité, car les prophéties sont plus claires de lui que de Jésus-Christ.

 

David d’après les Psaumes traduits par Port-Royal.

L’histoire de David (c. 1040-970 av. J.-C.), second roi d’Israël, est contée dans les deux premiers Livres de Samuel, appelés dans la Bible de Port-Royal les deux premiers Livres des Rois (voir l’éd. de la Bible de Sacy par Philippe Sellier, p. 316 sq.).

Cazelles Henri (dir.), Introduction critique à l’Ancien Testament, t. 2, p. 43-44, sur la place de David dans l’histoire de la formation du royaume d’Israël. Sur son histoire telle qu’elle est rapportée dans les deux premiers Livres de Samuel, voir p. 285 sq. Sur la valeur prophétique de l’histoire de David, qui exprime une foi et une attente tournées vers l’accomplissement à venir de certaines valeurs, voir p. 299.

Voir la Préface des Deux premiers livres des Rois dans l’édition de Port-Royal, dans Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, t. 1, Les Préfaces de l’Ancien Testament, p. 229 sq. Sur le caractère extraordinaire de la personne de David, voir p. 236-237.

Dictionnaire encyclopédique du Judaïsme, art. David, Paris, Cerf, 1993, p. 295 sq.

 

Les prophéties sont plus claires de lui que de J.-C. : Havet signale que cette phrase a été supprimée par Port-Royal. L’idée provient peut-être d’un passage du Pugio fidei de R. Martin, Pars II, ch. V, § 8, p. 276. Messias saepissime dicitur David. « Et notandum, quod cum Antiquus dierum in Daniele describitur, hoc modo dicitur, Thronus ejus flamma ignis ; quaeritur ergo in Talmud quare ibidem statim subjungutir, et throni positi sunt ? Et respondetur quod hoc ideo in plurali dictum est, quia unus est thronus ponendus est Deo ; et alius Davidi, id est Messiae. Sic enim frequenter accipitur David apud eos. » Voir Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 507, sur les sources augustiniennes de cette idée.

Preuves par les Juifs VI (Laf. 459, Sel. 697). Ezéch., XXXVII, 25 : David, mon serviteur, sera éternellement prince sur eux.

Preuves de Moïse 2 (Laf. 291, Sel. 323). Cette religion si grande en miracles, saints, purs, irréprochables, savants et grands témoins, martyrs ; rois - David - établis ; Isaïe prince du sang ; si grande en science après avoir étalé tous ses miracles et toute sa sagesse. Elle réprouve tout cela et dit qu’elle n’a ni sagesse, ni signe, mais la croix et la folie.

Roi : le manuscrit porte incontestablement une virgule entre Roi et bon, de sorte qu’il faut exclure la lecture roi bon, qui aurait pu être recevable. David est le deuxième roi d’Israël, après Saül, mort à la bataille de Gelboé.

Bon : David a pourtant quelques méfaits à son actif, notamment l’adultère avec Bethsabée et la mort de son mari (Deuxième livre des Rois, XI-XII). La Préface de la Bible de Sacy explique en quoi ses fautes lui ont été pardonnées par Dieu, et peuvent servir à l’instruction des hommes. La note relative au chapitre XI tire de cet épisode une instruction sur cette chute exemplaire d’un roi pourtant saint.

Pardonnant : voir par exemple le Deuxième livre des Rois, IX, sur le pardon accordé par David à Miphiboseth ; XIV, sur le pardon accordé à Absalon, et XVIII, 33, sur la douleur de David à la nouvelle de la mort de son fils rebelle.

Belle âme : Goyet Thérèse, L’humanisme de Bossuet, II, p. 299. Pour Bossuet, David est “admirable” non pas pour ses qualités d’homme, ni pour sa réussite politique, mais en ce que, comme Salomon, il sert à manifester la volonté de Dieu. La signification mystique est plus importante que l’exemple moral de leur conduite. Dans les combats de David, on voit figurativement les travaux par lesquels il faut mériter la gloire céleste.

Puissant : c’est Saül lui-même qui prédit la puissance de David (Premier livre des Rois, XXVI, 25).

Il prophétise et son miracle arrive : voir Saint Augustin, La cité de Dieu, XVII, Bibliothèque augustinienne, p. 401 sq. Prophétie de David.

Une tradition historique attribue à David la rédaction des Psaumes ; cette attribution n’est sans doute valide que pour un certain nombre d’entre eux : Cazelles Henri (dir.), Introduction critique à l’Ancien Testament, t. 2, p. 513. Sur les Psaumes messianiques, voir p. 505 sq. Voir la position de Port-Royal dans la Préface des Psaumes dans la Bible de Sacy, in Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, t. 1, Les Préfaces de l’Ancien Testament, p. 554-555.

Ernst Pol, Approches pascaliennes, p. 434 sq., remarque que les Psaumes constituent la plus grande réserve de prophéties sur le Christ ; voir par exemple Loi figurative 24 (Laf. 269, Sel. 300) : Quand David prédit que le Messie délivrera son peuple de ses ennemis on peut croire charnellement que ce sera des Égyptiens. Et alors je ne saurais montrer que la prophétie soit accomplie, mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquités. Car dans la vérité les Égyptiens ne sont point ennemis, mais les iniquités le sont.

Ce mot d’ennemis est donc équivoque, mais, s’il dit ailleurs comme il fait qu’il délivrera son peuple de ses péchés, aussi bien qu’Isaïe et les autres, l’équivoque est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d’iniquités. Car s’il avait dans l’esprit les péchés il les pouvait bien dénoter par ennemis mais s’il pensait aux ennemis il ne les pouvait pas désigner par iniquités.

Or Moïse et David et Isaïe usaient de mêmes termes. Qui dira donc qu’ils n’avaient pas même sens et que le sens de David qui est manifestement d’iniquités lorsqu’il parlait d’ennemis, ne fût pas le même que Moïse en parlant d’ennemis.

Cela est infini : quel sens donner à cette formule ? Il faut sans doute l’interpréter à l’aide des fragments suivants :

Prophéties 11 (Laf. 332, Sel. 364). Prophéties. Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions de J.-C. pour le temps et pour la manière et que J.-C. serait venu conformément à ces prophéties ce serait une force infinie.

Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680). Et ainsi notre proposition est dans une force infinie, quand il y a le fini à hasarder, à un jeu il y a pareils hasards de gain que de perte, et l’infini à gagner.

 

Contre David

 

Voir Bayle Pierre, Dictionnaire historique et critique, article David, qui trace du roi un portrait moins favoirable que les notes de la Bible de Port-Royal.

Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 1 et 12. Renvoie à Bayle qui a fait de David un portrait tout différent, qui fit scandale dans toute la chrétienté, et fit à plusieurs reprises rappelé par Voltaire.

Voltaire, Dictionnaire philosophique, éd. Etiemble, Paris, Garnier, 1967, p. 345 sq. Sur l’article David du Dictionnaire de Bayle. Les vices de David : pillard, traître, massacreur, prodigieusement incontinent. Bayle dit que si David fut selon le cœur de Dieu, ce fut « par sa pénitence, et non par ses forfaits », p. 346. Voir p. 160-162, article David de Voltaire : il y exprime ses “scrupules” sur les forfaits de David, ce “Mandrin juif”. Contre “cet imbécile de Dom Calmet” qui canonise tous ses crimes : p. 162.

 

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Et saint Jean de même.

 

Pensées, éd. Havet, II, Delagrave, 1866, p. 1 et 12. Le premier Jean, celui qu’on appelle Jean Baptiste.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 507 sq. et Havet, éd. des Pensées, II, Delagrave, 1866, p. 1 et 12, précisent qu’il ne s’agit pas de l’évangéliste, mais de Jean Baptiste le précurseur du Christ.

Saint Jean l’Évangéliste rapporte dans son Évangile, I, 18-26, qu’interrogé par des prêtres et des lévites, leur répondit qu’il n’était pas le Christ, mais seulement son précurseur. Voir aussi Luc, III, 16, et Matthieu III, 11. Le commentaire de la Bible de Port-Royal sur Jean I, 19-25, hésite entre deux interprétations sur le sujet des questions que les délégués des prêtres posèrent à Jean, soit pour lui tendre un piège, soit pour savoir s’il « pouvait être effectivement celui que les prophéties leur promettaient depuis si longtemps ». « Si saint Jean avait été susceptible de l’orgueil si naturel à tous les hommes, qui les porte presque toujours à se vouloir élever au-dessus d’eux-mêmes, il eût pu être tenté de recevoir cet honneur qu’on lui présentait, et de consentir à l’opinion que les peuples avaient conçue sur son sujet ; et l’excellence de ses dons, qui le rendaient éclatant aux yeux des hommes, eût pu le faire passer effectivement dans leur esprit pour le Messie. Mais l’humilité, comme dit saint Augustin, était le plus grand de ses dons. La grâce même de celui dont il n’était que le précurseur, l’avait trop bien affermi dans la vérité pour s’en écarter ».