Fragment Loi figurative n° 17 / 31  – Papier original : RO 37-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Loi figurative n° 303 p. 131 / C2 : p. 158

Éditions de Port-Royal : Chap. X - Juifs : 1669 et janvier 1670 p. 86  / 1678 n° 13 p. 86

Éditions savantes : Faugère II, 325, XXV / Havet XV.8 bis / Brunschvicg 762 / Tourneur p. 261-1 / Le Guern 245 / Lafuma 262 / Sellier 293

 

 

 

Que pouvaient faire les Juifs, ses ennemis ? S’ils le reçoivent ils le prouvent par leur réception, car les dépositaires de l’attente du Messie le reçoivent, et s’ils le renoncent ils le prouvent par leur renonciation.

 

 

Comme c’est le cas pour plusieurs fragments de la liasse Loi figurative, la présence de ce fragment y semble assez inattendue. Pascal y expose l’impasse dans laquelle se trouvent les Juifs charnels à l’égard de Jésus-Christ : qu’ils le reçoivent comme Messie ou qu’ils le récusent, de gré ou de force, ils le prouvent. Mais le rapport avec le double sens des Écritures, qui fait l’objet essentiel de la liasse, n’est pas immédiatement évident.

Il s’agit en fait d’une conséquence du refus des Juifs charnels de comprendre le sens spirituel des figures prophétiques. Ce refus, selon Pascal, ne peut être considéré comme une objection solide contre la religion chrétienne, parce qu’il confirme les prophéties qui annoncent le martyre du Christ. Bien au contraire, il la renforce. D’autre part, ce même refus fait des Juifs des témoins irréprochables, que l’on ne saurait soupçonner d’avoir conservé des prophéties qui annonçaient un Messie spirituel auquel ils étaient hostiles.

Ce genre d’argumentation paradoxale est fréquent sous la plume de Pascal.

 

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Fragments connexes

 

Commencement 13 (Laf. 163, Sel. 195). Un homme dans un cachot, ne sachant pas si son arrêt est donné, n’ayant plus qu’une heure pour l’apprendre, cette heure suffisant s’il sait qu’il est donné pour le faire révoquer. Il est contre nature qu’il emploie cette heure là, non à s’informer si l’arrêt est donné, mais à jouer au piquet. Ainsi il est surnaturel que l’homme etc. C’est un appesantissement de la main de Dieu. Ainsi non seulement le zèle de ceux qui le cherchent prouve Dieu, mais l’aveuglement de ceux qui ne le cherchent pas.

Loi figurative 28 (Laf. 273, Sel. 304). Ceux qui ont peine à croire cherchent un sujet en ce que les Juifs ne croient pas. Si cela était si clair, dit-on, pourquoi ne croiraient-ils pas ? et voudraient quasi qu’ils crussent afin de n’être point arrêtés par l’exemple de leur refus. Mais c’est leur refus même qui est le fondement de notre créance. Nous y serions bien moins disposés s’ils étaient des nôtres : nous aurions alors un bien plus ample prétexte.

Prophéties V (Laf. 488, Sel. 734). Les Juifs en le tuant pour ne le point recevoir pour Messie, lui ont donné la dernière marque du Messie. Et en continuant à le méconnaître ils se sont rendus témoins irréprochables. Et en le tuant et continuant à le renier ils ont accompli les prophéties.

Prophéties VIII (Laf. 502, Sel. 738). Raison pourquoi figures. [...] Il fallait que pour donner foi au Messie il y eût eu des prophéties précédentes et qu’elles fussent portées par des gens non suspects et d’une diligence et fidélité et d’un zèle extraordinaire et connu de toute la terre.

Pour faire réussir tout cela Dieu a choisi ce peuple charnel auquel il a mis en dépôt les prophéties qui prédisent le Messie comme libérateur et dispensateur des biens charnels que ce peuple aimait.

Et ainsi il a eu une ardeur extraordinaire pour ses prophètes et a porté à la vue de tout le monde ces livres qui prédisent leur Messie assurant toutes les nations qu’il devait venir et en la manière prédite dans les livres qu’ils tenaient ouverts à tout le monde. Et ainsi ce peuple déçu par l’avènement ignominieux et pauvre du Messie ont été ses plus cruels ennemis, de sorte que voilà le peuple du monde le moins suspect de nous favoriser et le plus exact et zélé qui se puisse dire pour sa loi et pour ses prophètes qui les porte incorrompus.

De sorte que ceux qui ont rejeté et crucifié J.-C. qui leur a été en scandale sont ceux qui portent les livres qui témoignent de lui et qui disent qu’il sera rejeté et en scandale, de sorte qu’ils ont marqué que c’était lui en le refusant et qu’il a été également prouvé et par les justes juifs qui l’ont reçu et par les injustes qui l’ont rejeté, l’un et l’autre ayant été prédit.

 

Mots-clés : Attendre – EnnemiJuifMessieRenoncer.