Preuves par discours III - Fragment n° 8 / 10  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 45 p. 227 / C2 : p. 439 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. XVIII - Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres : 1669 et janvier 1670 p. 138-139  / 1678 n° 4 p. 137

Éditions savantes : Faugère II, 155, XX  / Havet XX. 2 / Brunschvicg 559 / Le Guern 418 / Lafuma 448 (série V) / Sellier 690

 

 

 

S’il n’avait jamais rien paru de Dieu, cette privation éternelle serait équivoque et pourrait aussi bien se rapporter à l’absence de toute divinité, ou à l’indignité où seraient les hommes de le connaître. Mais de ce qu’il paraît quelquefois, et non pas toujours, cela ôte l’équivoque. S’il paraît une fois, il est toujours et ainsi on n’en peut conclure, sinon qu’il y a un Dieu et que les hommes en sont indignes.

 

 

Dans un raisonnement dialectique serré, Pascal expose certaines conséquences de la doctrine du Dieu qui se cache relatives à la condition de l’homme à l’égard de Dieu et à la connaissance qu’il en a.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Preuves par discours II (Laf. 429, Sel. 682). Voilà ce que je vois et ce qui me trouble. Je regarde de toutes parts, et je ne vois partout qu’obscurité. La nature ne m’offre rien qui ne soit matière de doute et d’inquiétude. Si je n’y voyais rien qui marquât une Divinité, je me déterminerais à la négative ; si je voyais partout les marques d’un Créateur, je reposerais en paix dans la foi. Mais, voyant trop pour nier et trop peu pour m’assurer, je suis dans un état à plaindre, et où j’ai souhaité cent fois que, si un Dieu la soutient, elle le marquât sans équivoque ; et que, si les marques qu’elle en donne sont trompeuses, qu’elle les supprimât tout à fait ; qu’elle dît tout ou rien, afin que je visse quel parti je dois suivre. Au lieu qu’en l’état où je suis, ignorant ce que je suis et ce que je dois faire, je ne connais ni ma condition, ni mon devoir. Mon cœur tend tout entier à connaître où est le vrai bien, pour le suivre ; rien ne me serait trop cher pour l’éternité.

Preuves par discours III (Laf. 438-439, Sel. 690). Que si la miséricorde de Dieu est si grande qu’il nous instruit salutairement, même lorsqu’il se cache, quelle lumière n’en devons-nous pas attendre lorsqu’il se découvre ?

Reconnaissez donc la vérité de la religion dans l’obscurité même de la religion, dans le peu de lumière que nous en avons, dans l’indifférence que nous avons de la connaître.

Preuves par discours III (Laf. 440, Sel. 690). L’être éternel est toujours s’il est une fois.

Preuves par discours III (Laf. 444-446, Sel. 690). Il est donc vrai que tout instruit l’homme de sa condition, mais il le faut bien entendre : car il n’est pas vrai que tout découvre Dieu, et il n’est pas vrai que tout cache Dieu. Mais il est vrai tout ensemble qu’il se cache à ceux qui le tentent, et qu’il se découvre à ceux qui le cherchent, parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu et capables de Dieu : indignes par leur corruption, capables par leur première nature.

Que conclurons-nous donc de toutes nos obscurités, sinon notre indignité ?

S’il n’y avait point d’obscurité, l’homme ne sentirait pas sa corruption ; s’il n’y avait point de lumière, l’homme n’espérerait point de remède. Ainsi il est non seulement juste, mais utile pour nous que Dieu soit caché en partie, et découvert en partie, puisqu’il est également dangereux à l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître Dieu.

 

Mots-clés : Absence – ConclusionDieu – Divinité – ÉquivoqueÉternitéHommeIndignité – Paraître – Privation – Toujours.