Pensées diverses II – Fragment n° 26 / 37 – Papier original : RO 65-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 111 p. 359  / C2 : p. 315 v°

Éditions de Port-Royal : Chap. IX - Injustice, & corruption de l’homme : 1669 et janvier 1670 p. 75 / 1678 n° 9 p. 76

Éditions savantes : Faugère I, 226, CLVII / Havet XXIV.57 bis / Brunschvicg 495 / Tourneur p. 92-3 / Le Guern 530 / Lafuma 623 (série XXIV) / Sellier 516

 

 

 

Si c’est un aveuglement surnaturel de vivre sans chercher ce qu’on est, c’en est un terrible de vivre mal en croyant Dieu.

 

 

Le fragment compare la condition des incrédules paresseux et celle des chrétiens médiocres. Celle des seconds est infiniment plus mauvaise, car ils font un mauvais usage du don de la foi qui leur a été fait par grâce.

 

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Fragments connexes

 

Commencement 13 (Laf. 163, Sel. 195). Un homme dans un cachot, ne sachant pas si son arrêt est donné, n’ayant plus qu’une heure pour l’apprendre, cette heure suffisant s’il sait qu’il est donné pour le faire révoquer. Il est contre nature qu’il emploie cette heure là, non à s’informer si l’arrêt est donné, mais à jouer au piquet.

Ainsi il est surnaturel que l’homme, etc. C’est un appesantissement de la main de Dieu.

Ainsi non seulement le zèle de ceux qui le cherchent prouve Dieu, mais l’aveuglement de ceux qui ne le cherchent pas.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Et ainsi, qu’il se trouve des hommes indifférents à la perte de leur être et au péril d’une éternité de misères, cela n’est point naturel. Ils sont tout autres à l’égard de toutes les autres choses : ils craignent jusqu’aux plus légères, ils les prévoient, ils les sentent ; et ce même homme qui passe tant de jours et de nuits dans la rage et dans le désespoir pour la perte d’une charge ou pour quelque offense imaginaire à son honneur, c’est celui-là même qui sait qu’il va tout perdre par la mort, sans inquiétude et sans émotion. C’est une chose monstrueuse de voir dans un même cœur et en même temps cette sensibilité pour les moindres choses et cette étrange insensibilité pour les plus grandes.

C’est un enchantement incompréhensible, et un assoupissement surnaturel, qui marque une force toute-puissante qui le cause.

Il faut qu’il y ait un étrange renversement dans la nature de l’homme pour faire gloire d’être dans cet état, dans lequel il semble incroyable qu’une seule personne puisse être. Cependant l’expérience m’en fait voir un si grand nombre, que cela serait surprenant, si nous ne savions que la plupart de ceux qui s’en mêlent se contrefont et ne sont pas tels en effet.

Pensées diverses (Laf. 432 série XXX, Sel. 662). Nous en ferons le premier argument qu’il y a quelque chose de surnaturel car un aveuglement de cette sorte n’est pas une chose naturelle. Et si leur folie les rend si contraires à leur propre bien, elle servira à en garantir les autres par l’horreur d’un exemple si déplorable, et d’une folie si digne de compassion.

Est-ce qu’ils sont si fermes qu’ils soient insensibles à tout ce qui les touche ? Éprouvons-le dans la perte des biens ou de l’honneur. Quoi ? c’est un enchantement.

Pensées diverses (Laf. 620, Sel. 513). L’homme est visiblement fait pour penser. C’est toute sa dignité et tout son mérite ; et tout son devoir est de penser comme il faut. Or l’ordre de la pensée est de commencer par soi, et par son auteur et sa fin.

Or à quoi pense le monde ? jamais à cela, mais à danser, à jouer du luth, à chanter, à faire des vers, à courir la bague, etc., à se battre, à se faire roi, sans penser à ce que c’est qu’être roi et qu’être homme.

Pensées diverses (Laf. 632, Sel. 525). La sensibilité de l’homme aux petites choses et l’insensibilité aux plus grandes choses, marque d’un étrange renversement.

 

Mots-clés : Aveuglement – Chercher – CroireDieuSurnaturel.