Pensées diverses IV – Fragment n° 22 / 23 – Papier original : RO 270-1
Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 167 p. 397 / C2 : p. 371
Éditions savantes : Faugère I, 212, CIX / Havet VI.2 / Brunschvicg 345 / Tourneur p. 120-1 / Le Guern 643 / Lafuma 768 (série XXVI) / Sellier 633
La raison nous commande bien plus impérieusement qu’un maître, car en désobéissant à l’un on est malheureux, et en désobéissant à l’autre on est un sot.
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Cette maxime de moraliste, qui pourrait être d’un La Rochefoucauld, porte essentiellement sur un terme fréquemment employé, mais rarement défini : la sottise.
Fragments connexes
Vanité 4 (Laf. 16, Sel. 50). Vanité.
Qu’une chose aussi visible qu’est la vanité du monde soit si peu connue, que ce soit une chose étrange et surprenante de dire que c’est une sottise de chercher les grandeurs. Cela est admirable.
Misère 7 (Laf. 58, Sel. 92). La tyrannie consiste au désir de domination universel et hors de son ordre.
Diverses chambres de forts, de beaux, de bons esprits, de pieux dont chacun règne chez soi, non ailleurs. Et quelquefois ils se rencontrent et le fort et le beau se battent sottement à qui sera le maître l’un de l’autre, car leur maîtrise est de divers genre. Ils ne s’entendent pas. Et leur faute est de vouloir régner partout. Rien ne le peut, non pas même la force : elle ne fait rien au royaume des savants, elle n’est maîtresse que des actions extérieures.
Raisons des effets 17 (Laf. 98, Sel. 132). D’où vient qu’un boiteux ne nous irrite pas et un esprit boiteux nous irrite ? À cause qu’un boiteux reconnaît que nous allons droit et qu’un esprit boiteux dit que c’est nous qui boitons. Sans cela nous en aurions pitié et non colère.
Épictète demande bien plus fortement : pourquoi ne nous fâchons-nous pas si on dit que nous avons mal à la tête, et que nous nous fâchons de ce qu’on dit que nous raisonnons mal ou que nous choisissons mal.
[...]
L’homme est ainsi fait qu’à force de lui dire qu’il est un sot il le croit. Et à force de se le dire à soi-même on se le fait croire, car l’homme fait lui seul une conversation intérieure, qu’il importe de bien régler. Corrumpunt bonos mores colloquia prava.Il faut se tenir en silence autant qu’on peut et ne s’entretenir que de Dieu qu’on sait être la vérité, et ainsi on se le persuade à soi-même.
Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168). Mais, direz-vous, quel objet a-t-il en tout cela ? Celui de se vanter demain entre ses amis de ce qu’il a mieux joué qu’un autre. Ainsi les autres suent dans leur cabinet pour montrer aux savants qu’ils ont résolu une question d’algèbre qu’on n’aurait pu trouver jusqu’ici, et tant d’autres s’exposent aux derniers périls pour se vanter ensuite d’une place qu’ils auront prise aussi sottement à mon gré. Et enfin les autres se tuent pour remarquer toutes ces choses, non pas pour en devenir plus sages, mais seulement pour montrer qu’ils les savent, et ceux-là sont les plus sots de la bande puisqu’ils le sont avec connaissance, au lieu qu’on peut penser des autres qu’ils ne le seraient plus s’ils avaient cette connaissance.
Philosophes 5 (Laf. 143, Sel. 176). Philosophes.
Nous sommes pleins de choses qui nous jettent au-dehors.
Notre instinct nous fait sentir qu’il faut chercher notre bonheur hors de nous. Nos passions nous poussent au dehors, quand même les objets ne s’offriraient pas pour les exciter. Les objets du dehors nous tentent d’eux-mêmes et nous appellent quand même nous n’y pensons pas. Et ainsi les philosophes ont beau dire : Rentrez-vous en vous-mêmes, vous y trouverez votre bien ; on ne les croit pas et ceux qui les croient sont les plus vides et les plus sots.
Soumission 2 (Laf. 168, Sel. 199). Que je hais ces sottises de ne pas croire l’Eucharistie, etc.
Si l’Évangile est vrai, si Jésus-Christ est Dieu, quelle difficulté y a-t-il là ?
Pensées diverses (Laf. 538, Sel. 458). Celui qui sait la volonté de son maître sera battu de plus de coups à cause du pouvoir qu’il a par la connaissance.
Pensées diverses (Laf. 780, Sel. 644). Préface de la première partie.
Parler de ceux qui ont traité de la connaissance de soi-même, des divisions de Charron, qui attristent et ennuient. De la confusion de Montaigne, qu’il avait bien senti le défaut d’une droite méthode. Qu’il l’évitait en sautant de sujet en sujet, qu’il cherchait le bon air.
Le sot projet qu’il a de se peindre et cela non pas en passant et contre ses maximes, comme il arrive à tout le monde de faillir, mais par ses propres maximes et par un dessein premier et principal. Car de dire des sottises par hasard et par faiblesse c’est un mal ordinaire, mais d’en dire par dessein c’est ce qui n’est pas supportable et d’en dire de telles que celles-ci.
Miracles III (Laf. 896, Sel. 448). Mon Dieu que ce sont de sots discours. Dieu aurait-il fait le monde pour le damner, demanderait-il tant de gens si faibles, etc. Pyrrhonisme est le remède à ce mal et rabattra cette vanité.
2e ms Guerrier (Laf. 989, Sel. 809). C’est un sot poste dans le monde que celui de moines, qu’ils tiennent, par leur aveu même.