Dossier de travail - Fragment n° 15 / 35  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 13 p. 193 v° / C2 : p. 5

Éditions savantes : Faugère II, 131, X / Havet XXV.84 / Brunschvicg 426 / Le Guern 376 / Lafuma 397 / Sellier 16

 

 

 

La vraie nature étant perdue tout devient sa nature.

Comme, le véritable bien étant perdu tout devient son véritable bien.

 

 

Ce fragment reprend des idées qui ont été formulées dans les liasses Vanité, Misère et Contrariétés. Il les met en rapport avec l’idée principale de Souverain bien. Pascal reprend ici l’idée des sceptiques que l’homme n’a pas de nature fixe et constante, et qu’il met son bien en n’importe quoi. Mais il y ajoute une raison des effets que les sceptiques n’ont pas connue : c’est parce que la corruption du péché leur a fait perdre leur vraie nature et la connaissance de leur vrai bien qu’ils se retrouvent dans l’état que les premières liasses des Pensées ont décrit. Le fragment est donc relié à l’idée de la corruption, qu’abordent aussi plusieurs fragments du Dossier de travail.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Vanité 31 (Laf. 44, Sel. 78). Imagination.

[...] Cette superbe puissance ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l’homme une seconde nature.

Contrariétés 8 (Laf. 125, Sel. 158). Qu’est-ce que nos principes naturels sinon nos principes accoutumés ? Et dans les enfants ceux qu’ils ont reçus de la coutume de leurs pères comme la chasse dans les animaux ?

Une différente coutume en donnera d’autres principes naturels. Cela se voit par expérience et s’il y en a d’ineffaçables, à la coutume. Il y en a aussi de la coutume contre la nature ineffaçables à la nature et à une seconde coutume. Cela dépend de la disposition.

Contrariétés 9 (Laf. 126, Sel. 159)Les pères craignent que l’amour naturel des enfants ne s’efface. Quelle est donc cette nature sujette à être effacée.

La coutume est une seconde nature qui détruit la première.

Mais qu’est-ce que nature ? Pourquoi la coutume n’est-elle pas naturelle ?

J’ai grand peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature.

Contrariétés 12 (Laf. 129, Sel. 62). [Métier.] Pensées.

Tout est un, tout est divers. Que de natures en celle de l’homme. Que de vacations, et par quel hasard. Chacun prend d’ordinaire ce qu’il a ouï estimer.

Talon bien tourné.

Souverain bien 2 (Laf 148, Sel. 181). Qu’est-ce donc que nous crie cette avidité et cette impuissance sinon qu’il y a eu autrefois dans l’homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace toute vide et qu’il essaye inutilement de remplir de tout ce qui l’environne, recherchant des choses absentes le secours qu’il n’obtient pas des présentes, mais qui en sont toutes incapables parce que ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable, c’est-à-dire que par Dieu même.

Lui seul est son véritable bien. Et depuis qu’il l’a quitté c’est une chose étrange qu’il n’y a rien dans la nature qui n’ait été capable de lui en tenir la place, astres, ciel, terre, éléments, plantes, choux, poireaux, animaux, insectes, veaux, serpents, fièvre, peste, guerre, famine, vices, adultère, inceste. Et depuis qu’il a perdu le vrai bien tout également peut lui paraître tel jusqu’à sa destruction propre, quoique si contraire à Dieu, à la raison et à la nature tout ensemble.

Les uns le cherchent dans l’autorité, les autres dans les curiosités et dans les sciences, les autres dans les voluptés.

Dossier de travail (Laf. 408, Sel. 27). 280 sortes de souverain bien dans Montaigne.

Pensées diverses (Laf. 630, Sel. 523). La nature de l’homme est tout nature, omne animal.

Il n’y a rien qu’on ne rende naturel. Il n’y a naturel qu’on ne fasse perdre.

Pensées diverses (Laf. 634, Sel. 527). La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose.

La coutume fait les maçons, soldats, couvreurs, C’est un excellent couvreur, dit-on, et en parlant des soldats : ils sont bien fous, dit-on, et les autres au contraire : il n’y a rien de grand que la guerre, le reste des hommes sont des coquins. A force d’ouïr louer en l’enfance ces métiers et mépriser tous les autres on choisit [...]. Tant est grande la force de la coutume que de ceux que la nature n’a fait qu’hommes on fait toutes les conditions des hommes. Car des pays sont tout de maçons, d’autres tout de soldats etc. Sans doute que la nature n’est pas si uniforme ; c’est la coutume qui fait donc cela, car elle contraint la nature, et quelquefois la nature la surmonte et retient l’homme dans son instinct malgré toute coutume bonne ou mauvaise.

Pensées diverses (Laf. 794, Sel. 647). C’est une plaisante chose à considérer de ce qu’il y a des gens dans le monde qui ayant renoncé à toutes les lois de Dieu et de la nature, s’en sont fait eux-mêmes auxquelles ils obéissent exactement comme par exemple les soldats de Mahomet, etc., les voleurs, les hérétiques, etc., et ainsi les logiciens.

Il semble que leur licence doive être sans aucunes bornes, ni barrières voyant qu’ils en ont franchi tant de si justes et de si saintes.

 

Mots-clés : BienNaturePerdreVérité.