Fragment Vanité n° 32 / 38 – Papier original : RO 79-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Vanité n° 66 p. 13 / C2 : p. 30

Éditions savantes : Faugère I, 207, XCI / Brunschvicg 163 / Tourneur p. 178-1 / Le Guern 42 / Maeda II p. 148 / Lafuma 46 / Sellier 79

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Bibliographie

 

 

FERREYROLLES Gérard, Les reines du monde, Paris, Champion, 1995, p. 169.

HAVET, éd. des Pensées, 1866, I, p. 92-93, fragment 43 bis.

LAFUMA Louis, “Les trois fragments de Pascal sur Cléopâtre”, XVIIe siècle, 1962, 54-55, p. 54-57.

LESNE-JAFFRO Emmanuèle, La poétique des mémoires (1650-1685), Paris, Champion, 1996, p. 182.

MESNARD Jean, “Achèvement et inachèvement dans les Pensées de Pascal”, Studi francesi, 143, anno XLVIII, maggio-agosto 2004, p. 300-320. Voir p. 306.

MESNARD Jean, La Culture au XVIIe siècle, P.U.F., Paris, 1992, p. 387-392.

SUEMATSU Hisashi, “Lire les Pensées. La relation binaire…”, in Études de langue…, 46, 1985, p. 1 sq.

 

 

Éclaircissements

Vanité.

La cause et les effets de l’amour.

    Cléopâtre.

 

Havet, éd. des Pensées, 1866, I, p. 92-93, rétablit “l’enchaînement des idées” qu’il attribue à Pascal : si le nez de Cléopâtre avait été plus court, il l’aurait été trop, elle n’eût pas été aussi belle, et Antoine n’aurait pas abandonné Octavie pour elle, se brouillant ainsi avec Octave. Il se demande ensuite si cette brouille n’aurait pas infailliblement trouvé un autre prétexte, et si l’empire n’aurait pas de toute façon fini par tomber entre les mains d’un seul. Il renvoie à un “excellent morceau” de M. Deschanel, Causeries de quinzaine, 1861, p. 201-205.

Nicole Pierre, Lettre sur l’hérésie imaginaire, éd. à pagination particulière à chaque lettre, p. 2 (ce passage semble avoir été supprimé par la suite). « N’est-ce pas, par exemple, une chose bien digne d’être admirée de voir tous les royaumes du monde prendre parti dans la querelle d’Auguste et d’Antoine, toutes les formes de l’empire romain et des états voisins réunis dans leurs armées, et ces armées aux mains proches d’Actium si l’on considère qu’une femme est la cause et le prétexte de cette sanglante guerre qui doit donner un maître à l’univers, et abolir entièrement la forme de l’État de Rome ? Ce grand événement, et qui a tant de suite, a pour principe le visage d’une femme. Dans cette folle passion Antoine aurait pris d’autres mesures et rien de ce qui l’a suivie ne serait apparemment arrivé. Mais je m’aime mieux ainsi parce que j’y vois mieux le néant de l’homme. Antoine attache à soi toute la fortune du monde, et il s’attache lui-même au visage d’une femme. Voilà la cause de tout ce grand changement et une étrange image de la vanité de toutes les affaires humaines ».

Méré, Discours, Des agréments, éd. Boudhors, p. 46. Sur la beauté de Cléopâtre ; il insiste sur son esprit.

Ferreyrolles Gérard, Les reines du monde, p. 169. Pour montrer les conséquences destructrices de l’imagination dans le domaine sentimental, Epictète, Propos, I, 28, prend aussi un exemple antique, Hélène femme de Ménélas.

Ne pas confondre avec la Cléopâtre du fragment Prophéties III (Laf. 485, Sel. 720), où il est question de la fille d’Antiochus qui épousa Ptolémée en 194 à Raphia.

Voir dans Mesnard Jean, La Culture au XVIIe siècle, P.U.F., Paris, 1992, p. 387-392, l’étude sur le nez de Cléopâtre.

Lafuma Louis, “Les trois fragments de Pascal sur Cléopâtre”, XVIIe siècle, 1962, 54-55, p. 54-57.

Shiokawa Tetsuya, “Sur le nez de Cléopâtre” [juillet, 1994], in Shiokawa, Tetsuya, Considérations sur Pascal – Recueil des articles choisis par l’auteur, Tokyo, Librairie Iwanami, 2003.

 

Suematsu Hisashi, “Lire les Pensées. La relation binaire…”, in Études de langue…, 46, 1985, p. 1 sq. Le nez de Cléopâtre, texte, sources, sujet. Sur le fait que le nez a une connotation ironique, et que le style noble eût exigé les yeux : p. 3, n. 6.

Le nez est au beau milieu du visage. Ce n’est vraiment pas un je ne sais quoi. On ne parle guère du nez dans l’éloge de la beauté féminine.

Cléopâtre est en rapport avec au moins deux conquérants mentionnés dans le fragment Vanité 35 (Laf. 49, Sel. 82), César et Auguste. Elle n’a aimé que César. Mais cela met les fragments qui la concernent en rapport avec le thème de la vanité des grands événements de l’histoire.

Sur les effets bizarres de l’amour, voir Descartes, Œuvres, Alquié III, p. 741. Anecdote de la louchon dont Descartes était amoureux.

 

Disproportion des causes et des effets : l’effet Cléopâtre

 

Vanité 34 (Laf. 48, Sel. 81). L’esprit de ce souverain juge du monde n’est point si indépendant qu’il ne soit sujet à être troublé par le premier tintamarre qui se fait autour de lui. Il ne faut point le bruit d’un canon pour empêcher ses pensées. Il ne faut que le bruit d’une girouette ou d’une poulie. Ne vous étonnez point, s’il ne raisonne pas bien à présent, une mouche bourdonne à ses oreilles. C’en est assez pour le rendre incapable de bon conseil. Si vous voulez qu’il puisse trouver la vérité, chassez cet animal qui tient sa raison en échec et trouble cette puissante intelligence qui gouverne les villes et les royaumes. Le plaisant dieu que voilà ! O ridicolosissim[o] heroe ! Voir notre commentaire sur ce texte, qui propose un modèle mécanique pour la disproportion des causes et des effets.

Pascal donne un autre modèle physique pour cet effet dans Pensée n° 13 N (Laf. 927, Sel. 756). Le moindre mouvement importe à toute la nature, la mer entière change pour une pierre. Ainsi dans la grâce la moindre action importe pour ses suites à tout ; donc tout est important.

Lesne-Jaffro Emmanuèle, La poétique des mémoires (1650-1685), Paris, Champion, 1996, p. 182. Bussy : « les plus grandes et les plus fâcheuses affaires du monde commencent presque toujours par des bagatelles ». Variante chez le P. Le Moyne : p. 182.

Gleick, Théorie du chaos, Paris, Flammarion,1989, p. 25 sq. Effet papillon.

Ruelle David, Hasard et chaos, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 53 sq. Un petit changement dans l’état du système au temps 0 produit un changement ultérieur qui croît exponentiellement avec le temps. Petite cause et grand effet : p. 54.