Fragment Commencement n° 5 / 16  – Papier original : RO 63-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Commencement n° 220 p. 77 v° / C2 : p. 103

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées Chrétiennes : 1669 et janv. 1670 p. 246 / 1678 n° 19 p. 238

Éditions savantes : Faugère II, 172, II / Havet XXIV.16 ter  / Michaut 169 et 170 / Brunschvicg 237 et 281 / Tourneur p. 225-4 / Le Guern 144 / Lafuma 154 et 155 / Sellier 187

 

Avertissement : les textes barrés verticalement par Pascal sont signalés ci-dessous sur un fond bleuté plus foncé.

 

 

Partis.

 

Il faut vivre autrement dans le monde, selon ces diverses suppositions :

1. Si on pouvait y être toujours.

2. S’il est incertain si on y sera toujours ou non.

           Faux

3. S’il est sûr qu’on n’y sera pas toujours, mais qu’on soit assuré d’y être longtemps.

4. S’il est certain qu’on n’y sera pas toujours et incertain si on y sera longtemps.

5. S’il est sûr qu’on n’y sera pas longtemps, et incertain si on y sera une heure.

Cette dernière supposition est la nôtre.

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Cœur.

Instinct.

Principes.

 

 

Fragment intéressant pour le fond comme pour la forme.

Pour la forme, il permet de suivre de très près la démarche et l’évolution de la pensée de Pascal, qui commence par engendrer un nombre important de propositions par le moyen de combinaisons quasi formelles, puis coupe avec rigueur dans ces propositions, jusqu’à ne conserver qu’une opposition franche entre deux énoncés. Le passage par l’amplification évite à la pensée de s’enfermer dans des simplifications initiales stérilisantes, mais le travail de sélection permet à l’expression de prendre un caractère bref et tranchant qui la rend frappante. On voit ici comment Pascal construit des expressions qui se gravent dans la mémoire, à la manière de Montaigne, d’Épictète et de « salomon de Tultie ».

Quant au fond, Pascal cherche ici à définir différentes manières de vivre des hommes, comme si elles étaient fondées sur des partis, ou des paris, pris sur une durée de vie putative. Certaines personnes vivent comme si elles ne devaient jamais mourir, autrement dit elles vivent dans le divertissement et le seul souci de l’instant suivant, comme s’il devait toujours y en avoir un. Les chrétiens, eux, vivent en sachant que leur vie est limitée, et risque d’être très courte, ce qui rend plus nécessaire l’abandon du divertissement, et urgente la recherche de Dieu. Pascal a aussi envisagé des hypothèses intermédiaires, qui lui ont cependant paru, à la réflexion, soit moins réelles que celles qu’il a conservées, soit réductibles à ces deux cas. Restent en fin de compte deux conduites fortement opposées, qui définissent deux modes de vie : le divertissement et la recherche. Ces deux attitudes seront présentées de manière très concrètes dans le fragment Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681).

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Commencement 9 (Laf. 159, Sel. 191). Si on doit donner huit jours de la vie on doit donner cent ans.

Preuves de Moïse 3 (Laf. 293, Sel. 324). Si on doit donner huit jours, on doit donner toute la vie.

Prophéties 5 (Laf. 326, Sel. 358)Quiconque n’ayant plus que huit jours à vivre ne trouvera pas que le parti est de croire que tout cela n’est pas un coup du hasard. Or si les passions ne nous tenaient point,  huit jours et cent ans sont une même chose.

Dossier de travail (Laf. 386, Sel. 5). Afin que la passion ne nuise point faisons comme s'il n'y avait que 8 jours de vie.

           

Mots-clés : Certain – Heure – Incertain – Longtemps – Supposition – Toujours – Vivre.