Fragment Preuves de Moïse n° 3 / 7  – Papier original : RO 491-1 et 491-1 v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Preuves de Moïse n° 330 p. 153-153 v° / C2 : p. 184

Éditions de Port-Royal : Chap. XI - Moïse : 1669 et janvier 1670 p. 90-91  / 1678 n° 2 p. 90-91

Éditions savantes : Faugère II, 192, XII et I, 230, CLXXII / Havet XV.16 / Brunschvicg 624 et 204 bis / Tourneur p. 275-1 / Le Guern 275 / Lafuma 292 et 293 / Sellier 324

 

 

 

Preu[ves] de Moïse.

 

Pourquoi Moïse va-t-il faire la vie des hommes si longue et si peu de générations ?

Car ce n’est pas la longueur des années mais la multitude des générations qui rendent les choses obscures.

Car la vérité ne s’altère que par le changement des hommes.

Et cependant il met deux choses les plus mémorables qui se soient jamais imaginées, savoir la création et le déluge si proches qu’on y touche.

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Si on doit donner huit jours on doit donner toute la vie.

 

 

Ce fragment énonce le fondement de l’idée de la tradition héréditaire (Voir Preuves de Moïse 1 - Laf. 290, Sel. 322). Comme l’écrit Pascal dans le fragment Preuves par discours III (Laf. 436, Sel. 688), Toute histoire qui n’est pas contemporaine est suspecte. Mais quoique Moïse ne fût pas encore né lors de la création et du déluge, on peut le considérer comme un historien quasi contemporain ; car la vérité ne s’altère que par le changement des hommes ; or, comme un nombre très restreint de générations a séparé les premiers temps de l’humanité et l’époque de Moïse, la transmission du récit des origines jusqu’à Moïse n’a pas pu subir de graves déformations : l’autorité du Pentateuque peut être admise parce qu’un. C’est pourquoi Pascal présentera Moïse dans le fragment Preuves par les Juifs VI (Laf. 474, Sel. 711) comme un témoin quasi direct des événements qu’il rapporte, quoiqu’ils remontent aux commencements de l’histoire humaine.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Commencement 9 (Laf. 159, Sel. 191). Si on doit donner huit jours de la vie, on doit donner cent ans.

Preuves de Moïse 1 (Laf. 290, Sel. 322). La longueur de la vie des patriarches, au lieu de faire que les histoires des choses passées se perdissent, servait au contraire à les conserver. Car ce qui fait que l’on n’est pas quelquefois assez instruit dans l’histoire de ses ancêtres c’est que l’on n’a jamais guère vécu avec eux, et qu’ils sont morts souvent devant que l’on eût atteint l’âge de raison. Or, lorsque les hommes vivaient si longtemps, les enfants vivaient longtemps avec leurs pères. Ils les entretenaient longtemps. Or de quoi les eussent‑ils entretenus, sinon de l’histoire de leurs ancêtres, puisque toute l’histoire était réduite à celle‑là, qu’ils n’avaient point d’études, ni de sciences, ni d’arts, qui occupent une grande partie des discours de la vie ? Aussi l’on voit qu’en ce temps les peuples avaient un soin particulier de conserver leurs généalogies.

Preuves de Moïse 6 (Laf. 296, Sel. 327). Sem qui a vu Lamech qui a vu Adam a vu aussi Jacob qui a vu ceux qui ont vu Moïse : donc le déluge et la création sont vrais. Cela conclut entre de certaines gens qui l’entendent bien.

Prophéties 5 (Laf. 326, Sel. 358). Quiconque n’ayant plus que huit jours à vivre ne trouvera pas que le parti est de croire que tout cela n’est pas un coup du hasard. Or si les passions ne nous tenaient point, huit jours et cent ans sont une même chose.

Dossier de travail (Laf. 386, Sel. 5). Afin que la passion ne nuise point faisons comme s’il n’y avait que huit jours de vie.

Preuves par les Juifs VI (Laf. 474, Sel. 711). La création du monde commençant à s’éloigner, Dieu a pourvu d’un historien unique contemporain, et a commis tout un peuple pour la garde de ce livre, afin que cette histoire fût la plus authentique du monde et que tous les hommes pussent apprendre par là une chose si nécessaire à savoir, et qu’on ne pût la savoir que par là.

 

Fragment joint à C1 (Sel. 741). Car quoiqu’il y eût environ deux mille ans qu’elles avaient été faites, le peu de générations qui s’étaient passées faisait qu’elles étaient aussi nouvelles aux hommes qui étaient en ce temps-là que nous le sont à présent celles qui sont arrivées il y a environ trois cents ans. Cela vient de la longueur de la vie des premiers hommes. En sorte que Sem, qui a vu Lamech, etc.

Cette preuve suffit pour convaincre les personnes raisonnables de la vérité du Déluge et de la Création, et cela fait voir la Providence de Dieu, lequel, voyant que la Création commençait à s’éloigner, a pourvu d’un historien qu’on peut appeler contemporain, et a commis tout un peuple pour la garde de son livre.

Et ce qui est encore admirable, c’est que ce livre a été embrassé unanimement et sans aucune contradiction, non seulement par tout le peuple juif, mais aussi par tous les rois et tous les peuples de la terre, qui font reçu avec un respect et une vénération toute particulière.

 

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