Prophéties I  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 67 p. 259 bis à 265  / C2 : p. 477 à 483 v°

Éditions savantes : Faugère II, 393 / Havet XXV.171 / Brunschvicg 726 / Le Guern 448 / Lafuma 483 (série XII) / Sellier 718

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Bibliographie

 

 

CAZELLES Henri (dir.), Introduction à la Bible, t. 2, Introduction critique à l’Ancien Testament, Paris, Desclée, 1973.

CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, Paris, Champion, 2013.

COHN Lionel, “Pascal et le judaïsme”, in Pascal. Textes du tricentenaire, Paris, Fayard, 1963, p. 195-224.

COHN Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Age et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969.

FORCE Pierre, Le problème herméneutique, Paris, Vrin, 1989.

GROTIUS Hugo, De veritate religionis christianae, V, 17 ou 18 (selon les éditions).

LHERMET Joseph, Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931.

MARTINUS Raymundus, Pugio fidei Raymundi Martii ordinis praedicatorum adversus Mauros et Judaeos (...), Paris, M. et J. Henault, 1651.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, 2e éd., Paris, SEDES-CDU, p. 271.

MESNARD Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 433 sq.

MESNARD Jean, “Sluse et Pascal”, in Actes du colloque international René-François de Sluse, Liège, Bulletin de la Société Royale des Sciences, t. 55, fasc. 1,1986, p. 59-70.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970.

 

 

Éclaircissements

 

Prophéties.

 

215. En Égypte.

 

À quoi renvoie ce nombre ? Les Copies l’associent à l’Égypte, et non au Pugio fidei, qui n’est mentionné qu’en marge. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le nombre 215 n’est pas la référence à un livre. C’est en réalité le nombre des années qui se sont écoulées, selon la chronologie admise à Port-Royal, entre le moment où Jacob est descendu en Égypte, l’an 2 298 de l’âge du monde, soit 1 706 ans avant Jésus-Christ, et l’Exode, qui a commencé en l’an 2 513 de l’âge du monde, 1 491 ans avant Jésus-Christ. On peut sur ce point se rapporter à la chronologie donnée à la fin de l’Histoire du vieux et du nouveau Testament, de Nicolas Fontaine (éd. de J. Léonard, Bruxelles, 1747, p. 543). 

 

 

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Pug., 659, Talmud :

C’est une tradition entre nous que, quand le Messie arrivera, la maison de Dieu destinée à la dispensation de sa parole, sera pleine d’ordure et d’impureté, et que la sagesse des scribes sera corrompue et pourrie. Ceux qui craindront de pécher seront réprouvés du peuple et traités de fous et d’insensés.

 

Pascal a eu recours à l’un des ouvrages les plus solides connus de son temps, quoiqu’il fût ancien, le Pugio fidei Raymundi Martii ordinis praedicatorum adversus Mauros et Judaeos (...), Paris, M. et J. Henault, 1651, ouvrage du dominicain espagnol du XIIIe siècle qui avait été récemment publié avec des annotations et des éclaircissements par Joseph de Voisin. L’état du manuscrit montre qu’il n’en est pas encore à comprendre tout le contenu des textes talmudiques, mais qu’il cherche surtout à en comprendre l’architecture d’ensemble. Sur le Pugio fidei de Raymond Martin, voir 

Cohn Lionel, “Pascal et le judaïsme”, in Pascal. Textes du tricentenaire, Paris, Fayard, 1963, p. 195-224.

Cohen Lionel (Yehuda Arye), Une polémique judéo-chrétienne au Moyen Age et ses rapports avec l’analyse pascalienne de la religion juive, Reprint of Bar Ilan, volume in Humanities and social sciences, Jérusalem, 1969.

Mesnard Jean, “La théorie des figuratifs dans les Pensées de Pascal”, in La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., 1992, p. 433 sq.

Leduc-Fayette Denise, Pascal et le mystère du mal, p. 109. Notice. Raymond Martin, Ramon Marti est au XIIIe siècle, un moine catalan de l’ordre des Frères prêcheurs, inquisiteur renommé pour sa science, le plus grand orientaliste médiéval peut-être avec Raymond Lulle. Professeur au Studium hebraicum, fondé par Raymond de Penafort qui estimait que pour convertir les Juifs il fallait connaître leur religion afin d’en établir l’insuffisance et chargé par lui de fonder à Tunis un Studium arabicum, il possédait un savoir extraordinaire des textes arabes et judaïques, avait longuement discuté avec des rabbins, et connaissait bien leur pratique exégétique. En 1278, il rédige à Barcelone le Pugio fidei, où il offre un florilège de textes empruntés aux midrashim. Au XVIIe siècle, Joseph de Voisin et son condisciple au collège de Foix, le futur évêque de Lodève, découvrent une copie qu’ils demandent à un orientaliste allemand, Joseph de Rozen, de transcrire ; elle servira de base à l’édition de 1642, dédiée au cardinal de Richelieu estimée insuffisante par Joseph de Voisin, ce dernier en donne, en 1651, une édition complète avec un commentaire qui a intéressé Pascal.

Sur la méthode de dépouillement de Pascal sur le Pugio fidei, voir la présentation de la liasse Rabbinage.

Le passage du Pugio fidei que cite Pascal se trouve dans la Tertia pars, Dist. III, Caput XVI ; De passione Christi, p. 655 sq. Les passages que R. Martin y cite visent à rapporter les prophéties bibliques au Christ. Le passage de la p. 659 est relatif au Psaume de la Bible, XXII, 17 : « Quoniam circumdederunt me canes multi : concilium malignantium obsedit me » ; tr. de Port-Royal, XXI : « Car un grand nombre de chiens m’ont environné ; une assemblée de personnes remplies de malice m’a assiégé ».

Le texte du Pugio fidei, Tertia pars, Dist. III, cap. XVI, § VII est le suivant : « In Psalmo 22. v. 17. [...] Quoniam circumdederunt me canes ; congregatio malignantium obsederunt me. » Le commentaire du Pugio, que Pascal cite en traduction française ci-dessus, est le suivant : « Quod autem hoc sit de Christo intelligendum, innuitur ubi in libro Sanhedrin, distinctione Chelek taliter scribitur [...] Traditio est quod R. Juda dixit, Generatio in qua filius David veniet, domus praedicationis erit ad meretricandum : et Galilaea desolabitur, et viri Galileae circumibunt de civitate in civitatem, et nemo illorum miserebitur. Et Sapientia scribarum fortebit, et timentes peccatum reprobabuntur, et facies generationis illius erunt sicut facies canum : et erit veritas diminuata ; et declinans a malo privatus erit, etc. Esaiae 59. vers. 15. Quicunque enim declinaverit a malo reputabitur privatus ratione apud creaturas. Glossa R. Salomoh [...] Totus mundus dicet contra eum, stultus est. »

Le Pugio texte renvoie dans ces dernières lignes à Isaïe, LIX, 15 : « Et facta est veritas in oblivionem : et qui recessit a malo, praedae patuit : et vidit Dominus, et malum apparuit in oculis ejus, quia non est judicium » ; tr. de Port-Royal : « La vérité a été en oubli, et celui qui s’est retiré du mal a été exposé en proie : le Seigneur l’a vu, et ses yeux ont été blessés de ce qu’il n’y avait plus de justice au monde ».

Il semble que Pascal ne poursuive pas plus loin la lecture du Pugio fidei, car la référence à Isaïe XLIX qui suit sous la plume de Pascal ne figure pas dans ce passage du Pugio. Pascal se reporte apparemment à la Bible.

 

Is., 49 :

Écoutez, peuples éloignés et vous habitants des îles de la mer : le Seigneur m’a appelé par mon nom dès le ventre de ma mère. Il me protège sous l’ombre de sa main, il a mis mes paroles comme un glaive aigu et m’a dit : Tu es mon serviteur. C’est par toi que je ferai paraître ma gloire. Et j’ai dit : Seigneur, ai‑je travaillé en vain ? Est‑ce inutilement que j’ai consommé toute ma force ? Faites‑en le jugement, Seigneur, mon travail est devant vous.

 

Versets 1-4 du chapitre d’Isaïe, dont Pascal établit sa propre traduction. « Audite insulae, et attendite populi de longe : Dominus ab ventre matris meae recordatus est nominis mei. 2. Et posuit os meum quasi gladium acutum : in umbra manus suae protexit me, et posuit me sicut sagittam electam : in pharetra sua abscondit me. 3. Et dixit mihi : Servus meus es tu, Israël, quia in te gloriabor. 4. Et ego dixi : In vacuum laboravi, sine causa, et vane consumpsi : ergo judicium meum cum domino, et opus meum cum Deo meo ». Comparer avec la traduction de Port-Royal : « 1. Écoutez, îles, et vous, peuples éloignés, prêtez l’oreille : Le Seigneur m’a appelé dès le sein de ma mère, il s’est souvenu de mon nom lorsque j’étais encore dans ses entrailles. 2. Il a rendu ma bouche comme une épée perçante, il m’a protégé sous l’ombre de sa main, il m’a mis en réserve comme une flèche choisie, il m’a tenu caché dans son carquois. 3. Et il m’a dit : Israël, vous êtes mon serviteur, et je me glorifierai en vous. 4. Je lui ai dit : J’ai travaillé en vain, j’ai consumé inutilement et sans fruit toute ma force, mais le Seigneur me fera justice, et j’attends de mon Dieu la récompense de mon travail ».

Tout ce chapitre d’Isaïe, selon la Bible de Port-Royal, doit s’entendre du Christ : « quoique l’Église applique ces paroles à saint Jean Baptiste, et qu’elles lui conviennent beaucoup mieux qu’à Isaïe ou à Cyrus auxquels on a voulu les attribuer, elles appartiennent néanmoins proprement à Jésus-Christ, qui déclare de quelle manière il a été destiné de Dieu son Père pour convertir les Juifs qui étaient son peuple et pour appeler ensuite à la foi toutes les nations de la terre ».

 

Lors le Seigneur, qui m’a formé lui‑même dès le ventre de ma mère pour être tout à lui afin de ramener Jacob et Israël, m’a dit : Tu seras glorieux en ma présence, et je serai moi‑même ta force. C’est peu de chose que tu convertisses les tribus de Jacob ; je t’ai suscité pour être la lumière des gentils et pour être mon salut jusqu’aux extrémités de la terre. Ce sont les choses que le Seigneur a dites à celui qui a humilié son âme, qui a été en mépris et en abomination aux gentils et qui s’est soumis aux puissants de la terre : Les princes et les rois t’adoreront, parce que le Seigneur qui t’a élu est fidèle.

 

Pascal se réfère ici à Isaïe, XLIX, 5. « Et nunc dixit Dominus, formans me ex utero servum sibi, ut reducam Jacob ad eum, et Israël non congregabitur : et glorificatus sum in oculis Domini, et Deus meus factus est fortitudo mea. 6. Et dixit : Parum est ut sis mihi servus ad suscitandas tribus Jacob, et faeces Israël convertendas. Ecce dedi te in lucem gentium, ut sis salus mea usque ad extremum terrae. 7. Haec dicit Dominus redemptor Israël, Sanctus ejus, ad contemptibilem animam, ad abominatam gentem, ad servum dominorum : Reges videbunt, et consurgent principes, et adorabunt propter Dominum, quia fidelis est, et Sanctum Israël qui elegit te ». La traduction des Pensées est celle de Pascal lui-même. Comparer avec la traduction de Port-Royal : « 5. Et maintenant le Seigneur m’a dit, lui qui m’a formé dès le sein de ma mère pour être son serviteur, pour ramener Jacob à lui ; et quoique Israël ne se réunisse point à lui, je serai néanmoins glorifié aux yeux du Seigneur, et mon Dieu deviendra ma force ; 6. Le Seigneur, dis-je, m’a dit : C’est peu que vous me serviez pour réparer les tribus de Jacob, et pour convertir à moi les restes d’Israël. Je vous ai établi pour être la lumière des nations, et le salut que j’envoie jusqu’aux extrémités de la terre. 7. Voici ce que dit le Seigneur, le Rédempteur et le Saint d’Israël, à celui qui a été dans le dernier mépris, à la nation détestée, à l’esclave de ceux qui dominent : Les rois vous verront, et les princes se lèveront devant vous, et ils vous adoreront à cause du Seigneur qui a été fidèle dans ses paroles, et du Saint d’Israël, qui vous a choisi ».

Cependant les rabbins massorètes ont voulu que, dans le texte hébreu, le non congregabitur soit changé en illi congregabitur c’est-à-dire se réunisse à lui, et d’autres lisent an non congregabitur.

Ce passage est transcrit par Symmaque comme suit : « Et nunc dixit Dominus, formans me ex utero servum sibi, ut reducam Jacob ad eum, et Israël non congregabitur : et glorificatus sum in oculis Domini, et Deus meus factus est fortitudo mea ».

Le grec des Septante est traduit en latin formavit me ex utero servum sibi, ut congregarem Jacob et Israël : congregabor et glorificabor coram Domino et Deus meus erit fortitudo mea.

La Vulgate de saint Jérôme donne le texte suivant : Et nunc dicit Dominus, formans me ex utero servum sui, ut reducam Jacob ad eum, et Israël non congregabitur : et glorificatus sum in oculis Domini, et Deus meus factus est fortitudo mea. Certains interprètes juifs, jugeant la leçon non congregabitur insultante pour leur peuple, ont substitué à non le mot ei ou illi, c’est-à-dire à Dieu, donnant illi congregabitur, les graphies hébraïques de ces mots se trouvant assez proches. On obtient alors la pharisaeorum perversa expositio dénoncée par saint Jérôme, Patrologie latine, XXIV, 1845, col. 466, qui fut pourtant suivie par les Septante et plusieurs interprètes chrétiens. Voir GEF VII, p. 335, qui cite le passage de Jérôme : « satis miror quomodo vulgata editio, fortissimum contra Judaeorum perfidiam alia interpretatione subverterit, dicens : Congregabor et glorificabor coram Domino : cum Theodotio et Symmachus nostrae interpretationi congruant. De Aquila autem non miror, quod homo eruditissimus linguae hebraicae, et verbum de verbo exprimens, in hoc loco aut simularit imperitiam, aut pharisaeorum perversa expositione deceptus sit, qui interpretari voluit, et Israel ei congregabitur, hoc est, Deo : cum verbum hebraicum LO, in hoc loco non scribatur per LAMED et VAU (לו) : quod si esset, significaret ei vel illi ; sed per LAMED et ALEPH (לא), quod proprie sonat ».

Sur ce texte d’Isaïe, Pascal a consulté René-François de Sluse, chanoine de la cathédrale de Liège, orientaliste et hébraïsant, dans une lettre aujourd’hui perdue. Sluse lui donne son interprétation, dans sa lettre du 6 avril 1658, OC IV, p. 124 :

« Le passage d’Isaïe c. 49, v. 5, a une difficulté si ancienne et si connue que je m’estimerais téméraire si, après tant de grands hommes, j’en voulais donner mon jugement. Longtemps avant saint Jérôme, l’on a douté si l’on devait suivre la קדו ou le כוהכ ; et l’ancien interprète Aquila, ayant suivi celui-là plutôt que cétui-ci, en a été repris par ce grand docteur qui appelle le ק pharisaicam expositionem. J’avoue pourtant qu’il y a plusieurs lieux de l’écriture où il y a לא et néanmoins on lit לו. Les Massorets en comptent jusques à 15 dans le nombre desquels cétui-ci n’est point. Je sais aussi que la version grecque a plutôt suivi le ק que le כ puisqu’elle a traduit τοῦ συναγαγεὶν τὸ Ἰακῷβ πρὸς αὐτὸν καὶ Ἰσραήλ συναχθήσομαι καὶ δοξασθήσομαι ἑναντίον κυρίου. Mais tout cela ne fait qu’agrandir une difficulté qui déjà surpassait mes forces. J’omets plusieurs autres raisons que vous savez mieux que moi, et je n’en aurais pas même tant dit, connaissant combien j’ai peu de capacité en semblables matières, ne fût que j’ai désiré de vous obéir même à mon désavantage et de vous témoigner combien je suis de cœur et d’affection, etc. »

Voir Mesnard Jean, “Sluse et Pascal”, in Actes du colloque international René-François de Sluse, Liège, Bulletin de la Société Royale des Sciences, t. 55, fasc. 1,1986, p. 59-70. Voir p. 63. Voir la note de OC IV, p. 124.

 

René François de Sluse.

 

Sluse penche pour l’interprétation des Massorètes. Pascal le suit dans sa traduction de Prophéties I, mais il identifie Israël avec le peuple chrétien.

Voir Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 263-264, remarque que Pascal « substitue dans sa traduction le style direct là où le latin emploie le style indirect, et réciproquement. Le verset 5 passe de « et glorificatus sum in oculis Domini et Deus meus factus est fortitudo mea » à « Tu seras glorieux en ma présence et je serai moi-même ta force ». Le temps verbal est aussi changé, puisque Pascal emploie le futur au lieu du passé. C’est un emprunt fait à la traduction de Vatable : « et gloriosus ero in oculis Domini et Deus meus fortitudo mea erit ».

Le commentaire de la Bible de Port-Royal indique que les paroles du verset 6, selon saint Paul, doivent « s’entendre de Jésus-Christ, et que son Père l’a établi pour porter le lumière jusqu’aux extrémités du monde. Ceux qui travaillent aux mêmes ouvrages que Jésus-Christ doivent être appelés comme lui, selon qu’il dit à ses apôtres : Sicut misit me Pater, et ego mitto vos. »

Noter que le verset 6 est celui qui contient la formule Parum est ut…, citée dans le fragment Religion aimable 1 (Laf. 221, Sel. 254). Jésus-Christ pour tous.

Moïse pour un peuple.

Les Juifs bénis en Abraham. Je bénirai ceux qui te béniront, mais toutes nations bénies en sa semence.

Parum est ut,etc. Isaïe.

Lumen ad revelationem gentium.

Non fecit taliter omni nationi, disait David, en parlant de la Loi. Mais en parlant de Jésus-Christ il faut dire : Fecit taliter omni nationi, parum est ut,etc. Isaïe.

 

Le Seigneur m’a dit encore : Je t’ai exaucé dans les jours de salut et de miséricorde, et je t’ai établi pour être l’alliance du peuple et te mettre en possession des nations les plus abandonnées ; afin que tu dises à ceux qui sont dans les chaînes : Sortez en liberté, et à ceux qui sont dans les ténèbres : Venez à la lumière et possédez des terres abondantes et fertiles. Ils ne seront plus travaillés ni de la faim, ni de la soif, ni de l’ardeur du soleil, parce que celui qui a eu compassion d’eux sera leur conducteur : il les mènera aux sources vivantes des eaux et aplanira les montagnes devant eux. Voici, les peuples aborderont de toutes parts, d’orient, d’occident, d’aquilon et de midi. Que le ciel en rende gloire à Dieu ! Que la terre s’en réjouisse, parce qu’il a plu au Seigneur de consoler son peuple, et qu’il aura enfin pitié des pauvres qui espèrent en lui !

Et cependant Sion a osé dire : Le Seigneur m’a abandonnée et n’a plus mémoire de moi. Une mère peut‑elle mettre en oubli son enfant, et peut‑elle perdre la tendresse pour celui qu’elle a porté dans son sein ? Mais, quand elle en serait capable, je ne t’oublierai pourtant jamais, Sion : je te porte toujours entre mes mains, et tes murs sont toujours devant mes yeux. Ceux qui doivent te rétablir accourent et tes destructeurs seront éloignés. Lève les yeux de toutes parts, et considère toute cette multitude qui est assemblée pour venir à toi. Je jure que tous ces peuples te seront donnés comme l’ornement duquel tu seras à jamais revêtue. Tes déserts et tes solitudes et toutes tes terres qui sont maintenant désolées seront trop étroites pour le grand nombre de tes habitants, et les enfants qui te naîtront dans les années de ta stérilité te diront : La place est trop petite, écarte les frontières, et fais‑nous place pour habiter. Alors tu diras en toi‑même : Qui est‑ce qui m’a donné cette abondance d’enfants, moi qui n’enfantais plus, qui étais stérile, transportée et captive ? Et qui est‑ce qui me les a nourris, moi qui étais délaissée sans secours ? D’où sont donc venus tous ceux‑ci ? Et le Seigneur te dira : Voici, j’ai fait paraître ma puissance sur les gentils, et j’ai élevé mon étendard sur les peuples, et ils t’apporteront des enfants dans leurs bras et dans leurs seins. Les rois et les reines seront tes nourriciers, ils t’adoreront le visage contre terre et baiseront la poussière de tes pieds. Et tu connaîtras que je suis le Seigneur, et que ceux qui espèrent en moi ne seront jamais confondus : car qui peut ôter la proie à celui qui est fort et puissant ? Mais encore même qu’on la lui pût ôter, rien ne pourra empêcher que je ne sauve tes enfants et que je ne perde tes ennemis. Et tout le monde reconnaîtra que je suis le Seigneur, ton Sauveur et le puissant Rédempteur de Jacob.

 

« Haec dicit Dominus : In tempore placito exaudivi te, et in die salutis auxiliatus sum tui ; et servavi te, et dedi te in foedus populi, ut suscitares terram, et possideres hereditates dissipatas. 9. ut diceres his, qui vincti sunt : Exite ; et his, qui in tenebris : Revelamini. Super vias pascentur, et in omnibus planis pascua eorum. 10. Non esurient, neque sitient, et non percutiet eos aestus et sol : quia miserator eorum reget eos, et ad fontes aquarum portabit eos. 11. Et ponam omnes montes meos in viam, et semitae meae exaltabuntur. 12. Ecce isti de longe venient, et ecce illi ab aquilone et mari, et isti de terra australi. 13. Laudate caeli, et exulta terra, jubilate montes laudem : quia consolatus est Dominus populum suum, et pauperum suorum miserebitur. 14. Et dixit Sion : Derelinquit me Dominus, et Dominus oblitus est mei. 15. Numquid oblivisci potest mulier infantem suum, ut non misereatur filio uteri sui ? et si illa oblita fuerit, ego tamen non obliviscar tui. 16. Ecce in manibus meis descripsi te : muri tui coram oculis meis semper. 17. Venerunt structores tui : destruentes te et dissipantes, a te exibunt. 18. Leva in circuitu oculos tuos, et vide, omnes isti congregati sunt, venerunt tibi : vivo ego, dicit Dominus, quia omnibus his velut ornamento vestieris, et circumdabis tibi eos quasi sponsa. 19. Quia deserta tua, et solitudines tuae, et terra ruinae tuae, nunc angusta erunt prae habitatoribus, et longe fugabuntur qui absorbebant te. 20. Adhuc dicent in auribus tuis filii sterilitatis tuae : Angustus est mihi locus, fac spatium mihi ut habitem. 21. Et dices in corde tuo : Quis genuit mihi istos ? ego sterilis et non pariens, transmigrata, et captiva : et istos quis enutrivit ? ego destituta et sola : et isti ubi erant ? 22. Haec dicit Dominus Deus : Ecce levo ad gentes manum meam, et ad populos exaltabo signum meum. Et adferent filios tuos in ulnis, et filias tuas super humeros portabunt. 23. Et erunt reges nutricii tui, et reginae nutrices tuae : vultu in terra dimisso adorabunt te, et pulverem pedum tuorum lingent. Et scies quia ego Dominus super quo non confundentur qui expectant eum. 24. Numquid tolletur a forte praeda : aut quod captum fuerit a robusto, salvum esse poterit ? 25. Quia haec dicit Dominus. Equidem, et captivitas a forte tolletur : et quod ablatum fuerit a robusto, salvabitur. Eos vero, qui judicaverunt te, ego iudicabo, et filios tuos ego salvabo. 26. Et cibabo hostes tuos carnibus suis : et quasi musto, sanguine suo inebriabuntur : et sciet omnis caro, quia ego Dominus salvans te, et redemptor tuus fortis Iacob ».

Traduction de Port-Royal : « 8. Voici ce que dit le Seigneur : Je vous ai exaucé au temps favorable, je vous ai assisté au jour du salut ; je vous ai conservé, et je vous ai établi pour être la réconciliation du peuple, pour renouveler la terre, et posséder les héritages dissipés ; 9. Pour dire à ceux qui étaient dans les chaînes : Sortez de prison ; et à ceux qui étaient dans les ténèbres : Voyez la lumière. Ils paîtront dans les chemins, et toutes les plaines leur serviront de pâturages. 10. Ils n’auront plus ni faim ni soif, la chaleur et le soleil ne les brûleront plus, parce que celui qui est plein de miséricorde pour eux les conduira, et les mènera boire aux sources des eaux. 11. Alors je changerai toutes mes montagnes en un chemin aplani, et mes sentiers seront rehaussés. 12. Je les vois venir de bien loin, les uns du septentrion, les autres du couchant, et les autres de la terre du midi. 13. Cieux, louez le Seigneur ; terre, soyez dans l’allégresse ; montagnes, faites retentir ses louanges, parce que le Seigneur consolera son peuple, et qu’il aura compassion de ses pauvres. 14. Cependant Sion a dit : Le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée ! 15. Une mère peut-elle oublier son enfant, et n’avoir point de compassion du fils qu’elle a porté dans ses entrailles ? Mais quand même elle l’oublierait, pour moi je ne vous oublierai jamais. 16. Je vous porte gravée sur ma main, vos murailles sont sans cesse devant mes yeux. 17. Ceux qui vous doivent rebâtir sont venus, ceux qui vous détruisaient et qui vous dissipaient sortiront du milieu de vous. 18. Levez les yeux, et regardez tout autour de vous ; toute cette grande assemblée vient se rendre à vous. Je jure par moi-même, dit le Seigneur, que tous ceux-ci seront comme un habillement précieux dont vous serez revêtue, et que vous en serez parée comme une épouse l’est de ses ornements. 19. Vos déserts, vos solitudes, et votre terre pleine de ruines, seront trop étroits pour la foule de ceux qui s’y viendront établir ; et ceux qui vous dévoraient seront chassés loin de vous. 20. Les enfants qui vous viendront après votre stérilité vous diront encore : Le lieu où je suis est trop étroit, donnez-moi une place pour y pouvoir demeurer. 21. Et vous direz en votre cœur : Qui m’a engendré ces enfants, moi qui étais stérile et n’enfantais point, moi qui avais été chassée de mon pays, et qui étais demeurée captive ? Qui a nourri tous ces enfants ? Car pour moi, j’étais seule et abandonnée, et d’où sont-ils venus ? 22. Voici ce que dit le Seigneur notre Dieu : Je m’en vais étendre ma main vers les nations, et j’élèverai mon étendard devant tous les peuples. Ils vous apporteront vos fils entre leurs bras, et ils vous amèneront vos filles sur leurs épaules. 23. Les rois seront vos nourriciers, et les reines vos nourrices ; ils vous adoreront en baissant le visage contre terre, et ils baiseront la poussière de vos pieds. Et vous saurez que c’est moi qui suis le Seigneur, et que tous ceux qui m’attendent ne seront point confondus. 24. Peut-on ravir à un géant son butin, et enlever à un homme fort ceux qu’il a faits captifs ? 25. Mais voici ce que dit le Seigneur : Les captifs du géant lui seront ravis, et ceux que le fort avait pris seront arrachés de ses mains. Je jugerai ceux qui vous avaient jugée, et je sauverai vos enfants. 26. Je ferai manger à vos ennemis leur propre chair, je les enivrerai de leur propre sang comme d’un vin nouveau, et toute chair saura que c’est moi qui suis le Seigneur qui vous sauve, et que le puissant Dieu de Jacob est votre Rédempteur. »

Sur le v. 24 : Port-Royal interprète le géant comme le démon, « dont la puissance n’a rien qui l’égale sur la terre, comme il est dit au livre de Job ».

 

Le Seigneur dit ces choses : Quel est ce libelle de divorce par lequel j’ai répudié la Synagogue ? Et pourquoi l’ai‑je livrée entre les mains de vos ennemis ? N’est‑ce pas pour ses impiétés et pour ses crimes que je l’ai répudiée ?

Car je suis venu, et personne ne m’a reçu. J’ai appelé, et personne n’a écouté. Est‑ce que mon bras est accourci, et que je n’ai pas la puissance de sauver ?

C’est pour cela que je ferai paraître les marques de ma colère : je couvrirai les cieux de ténèbres et les cacherai sous des voiles.

Le Seigneur m’a donné une langue bien instruite, afin que je sache consoler par ma parole celui qui est dans la tristesse. Il m’a rendu attentif à ses discours, et je l’ai écouté comme un maître.

Le Seigneur m’a révélé ses volontés et je n’y ai point été rebelle.

J’ai livré mon corps aux coups et mes joues aux outrages. J’ai abandonné mon visage aux ignominies et aux crachats. Mais le Seigneur m’a soutenu, et c’est pourquoi je n’ai point été confondu.

Celui qui me justifie est avec moi : qui osera m’accuser, qui se lèvera pour disputer contre moi, et pour m’accuser de péché, Dieu étant lui‑même mon protecteur ?

Tous les hommes passeront et seront consommés par le temps. Que ceux qui craignent Dieu écoutent donc les paroles de son serviteur. Que celui qui languit dans les ténèbres mette sa confiance au Seigneur. Mais pour vous, vous ne faites qu’embraser la colère de Dieu sur vous, vous marchez sur les brasiers et entre les flammes que vous‑mêmes vous avez allumées. C’est ma main qui a fait venir ces maux sur vous : vous périrez dans les douleurs.

 

je l’ai écouté comme un maître : voir le commentaire de GEF XIV, p. 181. Le mot disciple est en correction, en marge de gauche sur la copie C1 (la seule que considère Brunschvicg). Il a été écrit une première fois par le copiste et souligné ; le mot a été barré par un réviseur et réécrit plus bas, à hauteur du mot maître. Sur C2, le mot se trouve en marge de gauche, souligné et placé à hauteur du mot maître, conformément à sa transcription (probable) dans la Copie de référence C0. On trouve des exemples de pareilles présentations ailleurs dans les Copies (voir notamment C1 p. 271 (Prophéties III - Laf. 485, Sel. 720), où Pascal a hésité entre terre et argile). Dans le cas présent, il semble que Pascal, ou le premier copiste, a hésité entre deux rédactions. La rédaction initiale « Il m’a rendu attentif à ses discours et je l’ai écouté comme un maître » s’explique par le texte latin d’Isaïe, qui donne quasi magistrum. Dans ce cas, l’accusatif ne permet pas d’hésitation sur le sens : le magister est celui que le locuteur écoute. Mais le français ne comportant pas de déclinaison, la traduction devient équivoque, car on pourrait comprendre que le mot maître se rapporte au sujet du verbe je l’ai écouté. C’est sans doute pour résoudre la difficulté qu’a été envisagée une correction qui conduit à la substitution de disciple à maître, ce qui donne « je l’ai écouté comme un disciple ». Dans l’ignorance où l’on se trouve sur l’auteur de la mention marginale disciple, il est préférable de conserver le mot maître, tout en signalant la substitution possible de disciple. Une rédaction comme Il m’a rendu disciple attentif à ses discours et je l’ai écouté comme en maître aurait évité toute ambiguïté ; mais la situation du mot disciple dans la marge exclut cette lecture.

On appelle dans la loi juive libelle de divorce (guet) un document manuscrit sur parchemin, présenté par le mari à sa femme, personnellement ou par un intermédiaire, en vue de s’en séparer et de dissoudre le mariage. Voir A. Cohen, Le Talmud, Paris, Payot, 1976, p. 220. La leçon libelle est donc préférable à libellé, proposé par plusieurs éditions.

Isaïe, L. « Haec dicit Dominus : Quis est hic liber repudii matris vestrae, quo dimisi eam ? aut quis est creditor meus, cui vendidi vos ? Ecce in iniquitatibus vestris venditi estis ; et in sceleribus vestris dimisi matrem vestram. 2. Quia veni, et non erat vir : vocavi, et non erat qui audiret. Numquid abbreviata et parvula facta est manus mea, ut non possim redimere ? aut non est in me virtus ad liberandum ? Ecce in increpatione mea desertum faciam mare, ponam flumina in siccum ; computrescent pisces sine aqua, et morientur in siti. 3. Induam caelos tenebris, et saccum ponam operimentum eorum. 4. Dominus dedit mihi linguam eruditam, ut sciam sustentare eum, qui lassus est, verbo : erigit mane, mane erigit mihi aurem ut audiam quasi magistrum. 5. Dominus Deus aperuit mihi aurem : ego autem non contradico, retrorsum non abii. 6. Corpus meum dedi percutientibus, et genas meas vellentibus : faciem meam non averti ab increpantibus et conspuentibus in me. 7. Dominus Deus auxiliator meus, ideo non sum confusus. Ideo posui faciem meam ut petram durissimam, et scio quoniam non confundar. 8. Juxta est qui iustificat me, quis contradicet mihi ? Stemus simul, quis est adversarius meus ? accedat ad me. 9. Ecce Dominus Deus auxiliator meus : quis est qui condemnet me ? Ecce omnes quasi vestimentum conterentur, tinea comedet eos. 10. Quis ex vobis timens Dominum, audiens vocem servi sui ? Qui ambulavit in tenebris, et non est lumen ei, speret in nomine Domini, et innitatur super Deum suum. 11. Ecce vos omnes accendentes ignem, accincti flammis, ambulate in lumine ignis vestri, et in flammis quas succendistis : de manu mea factum est hoc vobis, in doloribus dormietis. »

Traduction de Port-Royal : « 1. Voici ce que dit le Seigneur : Quel est cet écrit de divorce, par lequel j’ai répudié votre mère, ou quel est ce créancier auquel je vous ai vendus ? Je vous déclare que c’est à cause de vos péchés que vous avez été vendus, et que ce sont vos crimes qui m’ont fait répudier votre mère. 2. Car je suis venu vers vous, et il ne s’est point trouvé d’homme qui m’ait voulu recevoir ; j’ai appelé, et personne ne m’a entendu. Ma main s’est-elle raccourcie ? est-elle devenue plus petite ? n’ai-je plus le pouvoir de vous racheter, ni la force de vous délivrer ? Si je veux, au seul bruit de mes menaces, je tarirai les eaux de la mer, je mettrai les fleuves à sec ; les poissons, n’ayant plus d’eau, pourriront et mourront de soif, 3. J’envelopperai les cieux de ténèbres, et je les couvrirai comme d’un sac. 4. Le Seigneur m’a donné une langue savante, afin que je puisse soutenir par la parole celui qui est abattu. Il me prend et me touche l’oreille tous les matins, afin que je l’écoute comme un maître. 5. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et je ne lui ai point contredit ; je ne me suis point retiré en arrière. 6. J’ai abandonné mon corps à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient le poil de la barbe ; je n’ai point détourné mon visage de ceux qui me couvraient d’injures et de crachats. 7. Le Seigneur mon Dieu est mon protecteur ; c’est pourquoi je n’ai point été confondu. J’ai présenté mon visage comme une pierre très dure, et je sais que je ne rougirai point. 8. Celui qui me justifie est auprès de moi ; qui est celui qui se déclarera contre moi ? Allons ensemble devant le juge ; qui est mon adversaire ? qu’il s’approche. 9. Le Seigneur mon Dieu me soutient de son secours ; qui entreprendra de me condamner ? Je les vois déjà pourrir tous comme un vêtement ; ils seront mangés des vers. 10. Qui d’entre vous craint Dieu, et entend la voix de son serviteur ? Que celui qui marche dans les ténèbres, et qui n’a point de lumière, espère au nom du Seigneur, et qu’il s’appuie sur son Dieu. 11. Mais vous avez tous allumé un feu qui vous brûle, vous êtes environnés de flammes ; marchez dans la lumière du feu que vous avez préparé, et des flammes que vous avez allumées. C’est ma main puissante qui vous a traités de la sorte ; vous serez frappés d’assoupissement au milieu de vos douleurs. »

Le sommaire de la Bible de Port-Royal pour ce chapitre d’Isaïe est le suivant : « La Synagogue rejetée pour ses iniquités, et non parce que Dieu n’aurait pas le pouvoir de la rétablir. Elle n’a pas reçu le Messie, quoiqu’il n’eût rien omis pour se faire recevoir, jusqu’à s’exposer à des traitements ignominieux pour l’amour d’elle. C’est pourquoi la Synagogue expirera dans les douleurs. » Le commentaire de Port-Royal insiste sur le fait que ce chapitre, comme les précédents, doit s’entendre de Jésus-Christ.

Sur le verset 4, voir Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 278-279. Le texte de la Vulgate est le suivant : « Dominus dedit mihi linguam eruditam, ut sciam sustentare eum qui lassus est verbo. Erigit mane, mane erigit mihi aurem, ut audiam quasi magistrum ». La Bible de Louvain traduit : « Le Seigneur m’a donné une langue bien enseignée, à fin que je sache soutenir celui qui est las de la parole. Il me fait lever au matin, au matin il me fait dresser l’oreille à fin que j’oye comme le maître ». Lhermet remarque que Pascal corrige une erreur de Louvain dans sa traduction.

Sur les versets 10-11, voir Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 286-287, qui mentionne ce passage comme cas où Pascal modifie les temps et les modes verbaux par rapport à la Bible de Louvain et la Vulgate hiéronymienne.

Texte de la Vulgate : « 10. Qui ex vobis timens Dominum, audiens vocem servi sui, qui ambulavit in tenebris et non est lumen ei ? Speret in nomine Domini et innitatur super Deum. 11. Ecce vos omnes accendentes ignem accincti flammis, ambulate in lumine ignis vestri et in flammis quas succendistis ; de manu mea factum est hoc vobis, in doloribus dormietis ».

Texte de Vatable : « 10. Quicumque inter vos Dominum timet, audiat vocem servi ejus et quicumque in tenebris ambulât, fidat nomini Domini. 11. Ecce omnes vos succenditis ignem, ambulatis in foco ignis et in scintillas quas succenditis ; de manu mea fuit hoc vobis ; in dolore moriemini ».

Texte de Louvain : « 10. Qui est d’entre vous craignant le Seigneur écoutant le voix de son serviteur qui a cheminé en ténèbres et n’a point de lumières ? Icelui aye espérance au nom du Seigneur et qu’il s’appuie sur son Dieu. 11. Voici vous tous allumez le feu et vous êtes environnés de flammes. Cheminez en lumière de votre feu et ès flammes que vous avez allumées : de ma main vous a été faite cette chose. Vous dormirez en douleurs ».

 

Écoutez‑moi, vous qui suivez la justice et qui cherchez le Seigneur. Regardez à la pierre d’où vous êtes taillés, et à la citerne d’où vous êtes tirés. Regardez à Abraham votre père, et à Sara qui vous a enfantés. Voyez qu’il était seul et sans enfants quand je l’ai appelé et que je lui ai donné une postérité si abondante. Voyez combien de bénédictions j’ai répandues sur Sion, et de combien de grâces et de consolations je l’ai comblée.

Considérez toutes ces choses, mon peuple, et rendez-vous attentifs à mes paroles, car une loi sortira de moi, et un jugement qui sera la lumière des gentils.

 

Isaïe, LI, v. 1-14. « Audite me qui sequimini quod justum est, et quaeritis Dominum : attendite ad petram unde excisi estis, et ad cavernam laci, de qua praecisi estis. 2. Attendite ad Abraham patrem vestrum ; et ad Saram, quae peperit vos : quia unbum vocavit eum, et benedixi ei, et multiplicavi eum. 3. Consolabitur ergo Dominus Sion, et consolabitur omnes ruinas ejus : et ponet desertum ejus quasi delicias et solitudinem ejus quasi hortum Domini. Gaudium et laetitia invenietur in ea, gratiarum actio et vox laudis. 4. Attendite ad me popule meus, et tribus mea me audite : quia lex a me exiet, et judicium meum in lucem populorum requiescet ».

Traduction de Port-Royal : « 1. Écoutez-moi, vous qui suivez la justice, et qui cherchez le Seigneur ; rappelez dans votre esprit cette roche où vous avez été taillés, et cette carrière profonde d’où vous avez été tirés. 2. Jetez les yeux sur Abraham, votre père, et sur Sara, qui vous a enfantés ; et considérez que l’ayant appelé lorsqu’il était seul, je l’ai béni et je l’ai multiplié. 3. C’est ainsi que le Seigneur consolera Sion ; il la consolera de toutes ses ruines ; il changera ses déserts en des lieux de délices, et sa solitude en un jardin du Seigneur. On y verra partout la joie et l’allégresse ; on y entendra les actions de grâces et les cantiques de louanges. 4. Écoutez-moi, vous qui êtes mon peuple ; nation que j’ai choisie, entendez ma voix, car la loi sortira de moi, et ma justice éclairera les peuples et se reposera parmi eux. »

Pour le verset 2, voir Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 263-264. La Vulgate donne le texte suivant : « Attendite ad Abraham, patrem vestrum, et ad Saram quae peperit nos, quia unum vocavi eum et benedixi ei et multiplicavi eum ». La Bible de Louvain traduit : « Regardez à Abraham, votre père et à Sara qui vous a enfanté : car je l’ai seul appelée et l’ai bénite et multipliée ». La traduction de Pascal corrige le contresens.

Commentaire de la Bible de Port-Royal sur ces versets : « Le prophète a parlé dans le chapitre précédent contre les persécuteurs de Jésus-Christ et de ses serviteurs, qui devaient un jour se rendre odieux aux hommes en leur annonçant la vérité. Il parle maintenant au peuple fidèle pour l’encourager au milieu des persécutions, et pour l’assurer que quelques efforts que le monde fasse pour le renverser, Dieu néanmoins est assez puissant pour le faire croître en force et en nombre. »

Commentaire du verset 4 : « Dieu parle à son peuple, et il l’oblige d’espérer en lui. Il lui promet que la vérité de son jugement dissipera tous les faux jugements des hommes, et qu’il le sauvera de l’oppression par la force toute puissante de son bras. Il marque toute l’Église, en disant que les îles seront dans l’attente de son secours : non seulement parce que ce mot signifie dans la langue orientale toutes les nations [...], mais encore parce que les âmes des saints, selon la remarque de saint Jérôme, « sont ici comme des îles, et que la solidité de la foi qu’ils ont en Dieu les rend inébranlables à toutes les persécutions du monde qui les environne, comme les îles sont environnées de toutes parts des eaux de la mer » [Hier. In hunc locum]. C’est pour les fortifier dans cette fermeté que Dieu leur représente la stabilité de ses promesses. Il les fait souvenir que la terre et les cieux passeront, comme dit Jésus-Christ dans l’Évangile, mais que la moindre de ses paroles ne passera pas ; et que dans la ruine de toutes choses, lorsque le ciel disparaîtra comme une fumée, et que la terre s’en ira en poudre, comme un vêtement usé, on reconnaîtra que rien n’est stable que les promesses de Dieu ».

 

Agar et Sara

 

Sur Sara et son esclave Agar, qu’elle donne à Abraham et qui engendre Ismaël, voir Genèse, XVI et XXI. On peut consulter, dans le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, l’article Sarah, p. 1027-1029, ainsi que les notes relatives à ces deux chapitres dans l’édition de Port-Royal de la Genèse.

Saint Augustin, Cité de Dieu, XV, Bibliothèque augustinienne, p. 39. Ces deux femmes symbolisent les deux alliances ; voir saint Paul, Gal. IV, 21-31. Agar, esclave de Sara, enfante pour la servitude, elle correspond à la Jérusalem actuelle ; Sara représente la Jérusalem d’en haut. La Jérusalem terrestre est figure de la céleste, p. 41. Voir Livre XVI, p. 271 : Agar concubine d’Abraham.

Voir aussi la Figure 29 de L’Histoire du vieux et du nouveau Testament, de Fontaine, qui illustre l’histoire de Sara et d’Agar.

 

Amos, 8.

Le prophète, ayant fait un dénombrement des péchés d’Israël, dit que Dieu a juré d’en faire la vengeance.

Dit ainsi :

En ce jour‑là, dit le Seigneur, je ferai coucher le soleil à midi, et je couvrirai la terre de ténèbres dans le jour de lumière. Je changerai vos fêtes solennelles en pleurs, et tous vos cantiques en plaintes.

Vous serez tous dans la tristesse et dans les souffrances, et je mettrai cette nation en une désolation pareille à celle de la mort d’un fils unique, et ces derniers temps seront des temps d’amertume. Car voici, les jours viennent, dit le Seigneur, que j’enverrai sur cette terre la famine, la faim, non pas la faim et la soif de pain et d’eau, mais la faim et la soif d’ouïr des paroles de la part du Seigneur. Ils iront errants d’une mer jusqu’à l’autre, et se porteront d’aquilon en orient ; ils tourneront de toutes parts en cherchant qui leur annonce la parole du Seigneur, et ils n’en trouveront point.

Et leurs vierges et leurs jeunes hommes périront en cette soif, eux qui ont suivi les idoles de Samarie, qui ont juré par le dieu adoré en Dan, et qui ont suivi le culte de Bersabée ; ils tomberont et ne se relèveront jamais de leur chute.

 

Le prophète ayant fait un dénombrement des péchés d’Israël : voir les versets 1-7, qui se concluent sur ces mots : « Le Seigneur a prononcé ce serment contre l’orgueil de Jacob : Je jure que je n’oublierai jamais toutes leurs œuvres ».

Amos, VIII, 9-14. « Et erit in die illa, dicit Dominus, occidet sol in meridie, et tenebrescere faciam terram in die luminis. 10. Et convertam festivitates vestras in luctum, et omnia cantica vestra in planctum, et inducam super omne dorsum vestrum saccum, et super omne caput calvitium ; et ponam eam quasi luctum unigeniti, et novissima ejus quasi diem amarum. 11. Ecce dies veniunt, dicit Dominus, et mittam famem in terram ; non famem panis, neque sitim aquae, sed audiendi verbum Domini. 12. Et commovebuntur a mari usque ad mare, et ab Aquilone usque as Orientem : circuibunt quaerentes verbum Domini, et non invenient. 13. In die illa deficient virgines pulchrae, et adolescentes in siti. 14. Qui jurant in delicto Samariae, et dicunt : Vivit Deus tuus Dan, et vivit via Bersabee ; et cadent, et non resurgent ultra ».

Traduction de Port-Royal : « En ce jour-là, dit le Seigneur notre Dieu, le soleil se couchera en plein midi, et je couvrirai la terre de ténèbres, lorsqu’elle devrait être pleine de lumière ; 10. Je changerai vos jours de fêtes en des jours de larmes, et vos chants de joie en des plaintes lamentables. Je vous réduirai tous à vous revêtir d’un sac, et à vous raser la tête. Je plongerai Israël dans les larmes, comme une mère qui pleure son fils unique, et sa fin ne sera qu’amertume et que douleur. 11. Il viendra un temps, dit le Seigneur, où j’enverrai la famine sur la terre, non la famine du pain, ni la soif de l’eau, mais la famine et la soif de la parole du Seigneur. 12. Ils seront dans le trouble depuis une mer jusqu’à l’autre, et depuis l’aquilon jusqu’à l’orient. Ils iront chercher de tous côtés la parole du Seigneur, et ils ne la trouveront point. 13. En ce temps-là les vierges d’une beauté extraordinaire mourront de soif, et avec elles les jeunes hommes, 14. Qui jurent par le péché de Samarie, en disant : Ô Dan, vive votre Dieu ! vive la religion de Bersabée ! Et ils tomberont sans que jamais ils se relèvent. »

Commentaire de la Bible de Port-Royal sur le sens littéral de ce passage : sur le verset 9, le commentateur note que « ces paroles peuvent signifier que les Juifs seront réduits à une telle extrémité de misère, que le ciel en plein midi leur paraitra couvert de ténèbres. Ou que, lorsqu’ils seront dans la prospérité, comme dans un jour clair et serein, cet éclat de grandeur se changera tout d’un coup en une nuit profonde d’affliction et de maux. Cette prédiction s’est accomplie à la lettre à la mort de Jésus-Christ ».

Sur le verset 10 : « Ces paroles peuvent marquer ou l’état dans lequel les Juifs se mettraient eux-mêmes à cause de l’excès de leur affliction, ou la misère dans laquelle leurs ennemis les réduiraient, ne leur donnant qu’un sac pour se couvrir, et leur coupant les cheveux comme à des esclaves. »

Sur le verset 11 : « Le prophète semble marquer assez clairement par ces paroles l’état où les Juifs sont présentement. Ils ont dans l’Écriture le pain du ciel et la source des eaux vivantes. Ils croient l’y chercher, et ils ne l’y trouvent point, parce qu’ils n’y veulent point reconnaître Jésus-Christ, et qu’ils résistent toujours à Dieu qui les a abandonnés justement aux ténèbres et à l’endurcissement de leur cœur. C’est ce que l’on peut dire de ceux d’entr’eux qui ont conservé quelque amour pour la vérité. Mais la plupart en songent nullement à ce qui pourrait nourrir leur âme, étant tout plongés dans l’amour du siècle. Et c’est là la famine la plus dangereuse, dont Dieu nous puisse frapper, d’être dans une extrême indigence, et de n’en avoir aucun sentiment ».

Commentaire de la Bible de Port-Royal sur le sens spirituel : « Ce jugement de Dieu sur les Juifs est juste et terrible. Après les avoir menacés des peines sensibles et de la ruine de leur pays, il leur déclare qu’il les frappera par l’esprit, et qu’il les couvrira de ténèbres en les abandonnant à leur propre aveuglement, pour les punir de ce qu’ils ont préféré cette nuit profonde dans laquelle leur orgueil les avait plongés, à la lumière véritable qui était venue du ciel pour les éclairer. Il ajoute qu’il leur envoiera la famine, non du corps, mais du pain de l’âme, parce qu’ayant méprisé la parole souveraine qui était présente parmi eux, ils la cherchent maintenant, et ils ne la peuvent trouver, étant devenue muette pour eux, comme ils sont demeurés sourds et insensibles pour elle. » Le commentaire élargit ensuite la perspective, en soulignant que « c’est ainsi [...] que Dieu punit souvent les péchés des hommes, et surtout d’un aveuglement volontaire, par lequel étant enchantés des plaisirs du monde, ils disent aux ministres éclairés, selon la parole de l’Écriture, Retirez-vous de nous, nous ne voulons point connaître les voies de Dieu » [Job, XXI, v. 14].

 

Amos, 3, 3.

De toutes les nations de la terre, je n’ai reconnu que vous pour être mon peuple.

 

Amos, III, 2 (la référence de la première copie est erronée ; celle de la deuxième a été partiellement rectifiée, mais demeure fausse). « Tantummodo vos cognovi ex omnibus cognationibus terrae : idcirco visitabo super vos omnes iniquitates vestras ».

Traduction de la Bible de Port-Royal : « Je n’ai connu que vous de toutes les nations de la terre. C’est pourquoi je vous punirai de toutes vos iniquités ». Paraphrase de la Bible de Port-Royal : « Vous êtes les seuls d’entre toutes les nations de la terre que j’ai choisis pour mon peuple, que j’ai aimés, et comblés de grâces ; et néanmoins vous n’avez eu que de l’ingratitude pour moi, au lieu de la reconnaissance que vous me deviez. C’est pour cela que je vous châtierai plus sévèrement ». Ce discours est censé s’adresser aux Juifs.

 

Daniel, 12, 7.

Daniel ayant décrit toute l’étendue du règne du Messie, dit :

Toutes ces choses s’accompliront lorsque la dispersion du peuple d’Israël sera accomplie.

 

Daniel, I, 7 (la référence des Copies est erronée). « Et audivi virum qui indutus erat lineis, qui stabat super aquas fluminis, cum elevasset dexteram et sinistram suam in coelum, et jurasset per viventem in aeternum, quia in tempus, et tempora et dimidium temporis. Et cum completa fuerit dispersio manus populi sancti, complebuntur universa haec ».

Traduction de Port-Royal : « Et j’entendis cet homme qui était vêtu de lin, et qui se tenait debout sur les eaux du fleuve, qui, élevant au ciel la main droite et la main gauche, jura par celui qui vit dans l’éternité, que ce serait dans un temps, deux temps, et la moitié d’un temps, et que toutes ces choses seraient accomplies, lorsque la dispersion de l’assemblée du peuple saint serait achevée ».

Commentaire de la Bible de Port-Royal : L’homme en question est l’ange Gabriel. Daniel lui a demandé quand devait arriver la fin des prodiges qu’il lui a décrits. L’ange répond que « la désolation du peuple de Dieu ci-devant prédite, qui devait arriver sous Antiochus, serait consommée dans l’espace de trois années et demie ; et que la persécution de l’Antéchrist figuré par Antiochus durerait le même temps : qu’ainsi toutes choses seraient accomplies lorsque la dispersion du peuple saint serait consommée, c’est-à-dire que la fin du monde arriverait, lorsque le peuple chrétien aurait été répandu par toute la terre ». Cependant, « d’autres entendent encore ceci de la persécution d’Antiochus, et disent que la fin de tous les maux qu’il ferait aux Juifs devait arriver lorsque l’assemblée du peuple saint et consacré au Seigneur aurait été toute dispersée par la violence et par la fureur extrême de ce roi impie, comme on le peut voir dans l’histoire des Macchabées ». Mais les deux sens sont conciliables.

 

Aggée, 2, 4.

Vous qui, comparant cette seconde maison à la gloire de la première, la méprisez, prenez courage, dit le Seigneur, à vous Zorobabel, et à vous Jésus grand-prêtre, et à vous, tout le peuple de la terre, et ne cessez point d’y travailler. Car je suis avec vous, dit le Seigneur des armées : la promesse subsiste, que j’ai faite quand je vous ai retirés d’Égypte ; mon esprit est au milieu de vous. Ne perdez point espérance, car le Seigneur des armées dit ainsi : Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, et la mer et la terre ferme (façon de parler pour marquer un changement grand et extraordinaire), et j’ébranlerai toutes les nations. Et alors viendra celui qui est désiré par tous les gentils, et je remplirai cette maison de gloire, dit le Seigneur.

L’argent et l’or sont à moi, dit le Seigneur (c’est‑à-dire que ce n’est pas de cela que je veux être honoré ; comme il est dit ailleurs : Toutes les bêtes des champs sont à moi : à quoi sert de me les offrir en sacrifice ?) ; la gloire de ce nouveau temple sera bien plus grande que la gloire du premier, dit le Seigneur des armées. Et j’établirai ma maison en ce lieu‑ci, dit le Seigneur.

 

Les deux parties mises ici entre parenthèse, qui sont des commentaires ajoutés aux citations par Pascal, sont en fait dans la marge de gauche sur les Copies C1 et C2.

Aggée, II, 4-10. « Quis in vobis est derelictus, qui vidit domum istam in gloria sua prima ? quid vos videtis hanc nunc ? Nunquid non ista est, quasi non sit in oculis vestris ? 5. Et nunc confortare Zorobabel, dicit Dominus : et confortare Jesu fili Josedec sacerdos magne, et confortare omnis populus terrae, dicit Dominus exercituum, et facite (quoniam ego vobiscum sum, dicit Dominus exercituum). 6. Verbum quod pepigi vobiscum cum egrederemini de terra Aegypti, et spiritus meus erit in medio vestrum, nolite timere. 7. Quia haec dicit Dominus exercituum. Adhuc unum modicum est, et ego commovebo caelum et terram, et mare, et aridam. 8. Et movebo omnes gentes, et veniet desideratus cunctis gentibus : et implebo domum istam gloria dicit Dominus exercituum. 9. Meum est argentum, meum est aurum, dicit Dominus exercituum. 10. Magna erit gloria domus istius novissimae plus quam primae, dicit Dominus exercituum ; et in loco isto dabo pacem, dicit Dominus exercituum. »

Traduction de la Bible de Port-Royal : « 4. Qui est celui d’entre vous qui ait vu cette maison dans sa première gloire, et en quel état la voyez-vous maintenant ? Ne paraît-elle point à vos yeux comme n’étant rien, au prix de ce qu’elle a été ? 5. Mais, ô Zorobabel, armez-vous de force, dit le Seigneur ; armez-vous de force, Jésus, fils de Josédec, grand prêtre ; armez-vous de force, vous tous qui êtes restés du peuple, dit le Seigneur des armées, et travaillez hardiment, parce que je suis avec vous, dit le Seigneur des armées. 6. Et moi je garderai l’alliance que j’ai faite avec vous lorsque vous êtes sortis de l’Égypte, et mon Esprit sera au milieu de vous. Ne craignez point. 7. Car voici ce que dit le Seigneur des armées : Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et tout l’univers. 8. J’ébranlerai tous les peuples, et le Désiré de toutes les nations viendra, et je remplirai de gloire cette maison dit le Seigneur des armées. 9. L’argent est à moi, et l’or est aussi à moi, dit le Seigneur des armées. 10. La gloire de cette dernière maison sera encore plus grande que celle de la première, dit le Seigneur des armées ; et je donnerai la paix, dit le Seigneur des armées. »

Commentaire de la Bible de Port-Royal sur le verset 4 : « Comme il y avait soixante et neuf ans que le temple magnifique de Salomon avait été ruiné par les Chaldéens, il y avait peu de Juifs entre ceux à qui parlait le prophète, qui l’eussent vu avant qu’il eût été détruit, et qui pussent comparer le premier avec celui dont Zorobabel avait jeté alors les fondements. Dieu néanmoins veut que ce peu de Juifs qui avaient vu le premier temple, apprissent aux autres combien il était plus magnifique que celui que Zorobabel avait entrepris, pour les préparer à la promesse que Dieu leur fait ensuite, que ce second temple serait la figure d’un autre, dont la gloire surpasserait sans comparaison toute la gloire de celui de Salomon ».

Et j’ébranlerai le ciel et la terre, et la mer et la terre ferme (façon de parler pour marquer un changement grand et extraordinaire) : le commentaire est de Pascal.

L’argent et l’or sont à moi, dit le Seigneur (c’est-à-dire que ce n’est pas de cela que je veux être honoré ; comme il est dit ailleurs : Toutes les bêtes des champs sont à moi ; à quoi sert de me les offrir en sacrifice ?) : le commentaire est de Pascal. La référence est sans doute Psaumes, XLIX, 8-13. « Écoutez, mon peuple, et je parlerai : Israël, écoutez-moi, et je vous attesterai la vérité. C’est moi qui suis Dieu, qui suis votre Dieu. 9. Je ne vous reprendrai point pour vos sacrifices ; car vos holocaustes sont toujours devant moi. 10. Je n’ai pas besoin de prendre des veaux de votre maison, ni des boucs du milieu de vos troupeaux, 11. Parce que toutes les bêtes qui sont dans les bois m’appartiennent, aussi bien que celles qui sont répandues sur les montagnes, et les bœufs. 12. Je connais tous les oiseaux du ciel, et tout ce qui fait la beauté des champs est en ma puissance. 13. Si j’ai faim, je ne vous le dirai pas, car toute la terre est à moi, avec tout ce qu’elle renferme » (tr. de la Bible de Port-Royal).

Peut-être faut-il penser aussi à Amos, V, 22 : « En vain vous m’offrirez des holocaustes et des présents ; et quand vous me sacrifierez les hosties les plus grasses pour vous acquitter de vos vœux, je ne daignerai pas les regarder » (tr. de la Bible de Port-Royal).

Sur Aggée, voir la brève notice de Philippe Sellier dans l’édition de la Bible de Port-Royal de la collection Bouquins, p. 1176, qui place les oracles de ce « petit prophète » entre août et décembre 520, à l’époque où les Israélites revenus d’exil, entreprennent de reconstruire le Temple de Jérusalem ; « l’espérance en un temple plus saint que le premier et la célébration, en termes messianiques, de la descendance de David, ont été interprétés par les chrétiens comme d’obscures annonces du Christ, vrai temple de Dieu et Messie ». Voir aussi la préface du livre d’Aggée reproduite dans le recueil de Bernard Chédozeau, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, vol. I, p. 267-268. : Aggée a prophétisé cinq cents ans avant Jésus-Christ, après que les Juifs furent revenus de la captivité de Babylone sous la conduite de Zorobabel, par permission de Cyrus, roi de Perse. Mais la reconstruction du Temple rencontra l’opposition des gouverneurs et des satrapes voisins qui haïssaient les Juifs et retardèrent de plusieurs années le reconstruction de l’édifice. Darius se fit le protecteur de l’entreprise. « C’est dans la vue de cet état où les Juifs étaient alors que l’on doit entendre les paroles de ce prophète, qui étant, aussi bien que Zacharie et Malachie, plus proche de Jésus-Christ que ceux qui les avaient précédés, prophétise comme eux son avènement, son règne, et l’établissement de son Église, qui est cette maison de Dieu plus pleine sans comparaison de sa gloire que n’avait été le temple bâti par Salomon et rétabli par Zorobabel. »

Le deuxième chapitre est particulièrement marqué par la perspective de la grandeur du Temple. Voir la bibliographie et le commentaire de Cazelles Henri (dir.), Introduction à la Bible, t. 2, Introduction critique à l’Ancien Testament, Paris, Desclée, 1973, p. 440-443.

 

En Horeb, au jour que vous y étiez assemblés, et que vous dîtes : Que le Seigneur ne parle plus lui-même à nous, et que nous ne voyions plus ce feu, de peur que nous ne mourions. Et le Seigneur me dit : Leur prière est juste. Je leur susciterai un prophète tel que vous du milieu de leurs frères, dans la bouche duquel je mettrai mes paroles, et il leur dira toutes les choses que je lui aurai ordonnées. Et il arrivera que quiconque n’obéira point aux paroles qu’il leur portera en mon nom, j’en ferai moi‑même le jugement.

 

Deutéronome, XVIII, 16-19. « Ut petisti a Domino Deo tuo in Horeb, quando concio congregata est, atque dixisti : Ultra non audiam vocem Domini mei, et ignem hunc maximum amplius non videbo, ne moriar. 17. Et ait Dominus mihi : Bene omnia sunt locuti. 18. Prophetam suscitabo eis de medio fratrum suorum similem tui ; et ponam verba mea in ore ejus, loqueturque ad eos omnia quae praecepero illi. 19. Qui autem verba ejus, quae loquetur in nomine meo, audire noluerit, ego ultor existam ».

Traduction de Port-Royal : « Selon la demande que vous fîtes au Seigneur votre Dieu, près du mont Horeb, où tout le peuple était assemblé, en lui disant : Que je n’entende plus la voix du Seigneur mon Dieu, et que je ne voie plus ce feu effroyable, de peur que je ne meure. 17. Et le Seigneur me dit : Tout ce que le peuple vient de dire est raisonnable. 18. Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète semblable à vous, je lui mettrai mes paroles dans la bouche, et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai. 19. Si quelqu’un ne veut pas entendre les paroles que ce prophète prononcera en mon nom, ce sera moi qui en ferai la vengeance. »

Horeb : mont proche du mont Sinaï, sur lequel Yahvé a donné le Décalogue à Moïse.

Le commentaire de la Bible de Port-Royal indique que Moïse, dans l’intention de détourner les Juifs de recourir à des devins païens, « les assure que le Seigneur leur suscitera du milieu d’eux un prophète semblable à lui, qu’ils seront tous obligés d’écouter avec respect ». Les Juifs l’entendent de Josué ; « mais les Pères de l’Église, fondés sur l’autorité de l’Écriture, l’entendent de Jésus-Christ, figuré [...] par Josué même, et que les Juifs ont dû reconnaître pour le vrai Messie ». « Le premier de tous les apôtres », en Actes XXII, « a expliqué cette prédiction du Fils de Dieu, en faisant entendre qu’il était véritablement ce prophète que le Seigneur Dieu devait susciter du milieu des Israélites, et qu’ils devaient écouter en tout ce qu’il leur dirait ». Le Christ est ainsi « le grand prophète de la loi nouvelle ». Selon Origène, « Moïse a voulu marquer un prophète extraordinaire qui serait en quelque chose semblable à lui, quoique sans comparaison plus grand, c’est-à-dire qui ferait, comme il avait fait lui-même, mais d’une manière infiniment plus élevée, l’office de médiateur entre les hommes et Dieu », que les Juifs « seraient obligés de l’écouter ».

 

Genèse, 49.

Vous, Juda, vous serez loué de vos frères, et vainqueur de vos ennemis. Les enfants de votre père vous adoreront. Juda, faon de lion, vous êtes monté à la proie, ô mon fils, et vous êtes couché comme un lion, et comme une lionnesse qui s’éveillera.

Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que Scilo vienne, et les nations s’assembleront à lui pour lui obéir.

 

Preuves de Jésus-Christ 19 (Laf. 317, Sel. 348). Jésus-Christ prédit quant au temps et à l’état du monde. Le duc ôté de la cuisse, et la 4e monarchie. Duc signifie par figure le sceptre royal.

Genèse, XLIX, 8-10. « Juda, te laudabunt fratres tui : manus tua in cervicibus inimicorum tuorum, adorabunt te filii patris tui. 9. Catulus leonis Juda : ad praedam, fili mi, ascendisti : requiescens accubuisti ut leo, et quasi leaena, quis suscitabit eum ? Non auferetur sceptrum de Juda, et dux de femore ejus, donec veniat qui mittendus est : et ipse erit expectatio gentium ».

Traduction de la Bible de Port-Royal : « Juda, vos frères vous loueront, votre main mettra sous le joug vos ennemis ; les enfants de votre père vous adoreront. 9. Juda est un jeune lion. Vous vous êtes levé, mon fils, pour ravir la proie. En vous reposant vous vous êtes couché comme un lion et une lionne : qui osera le réveiller ? 10. Le sceptre ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé soit venu ; et c’est lui qui sera l’attente des nations. »

Commentaire de Sacy : « Cette prophétie, selon le consentement des plus savants Interprètes, enferme certainement le terme de la venue du Messie, comme la plupart des Hébreux le reconnaissent, aussi bien que la Paraphrase Chaldaïque. »

Ce sont, comme l’indique la Bible de Port-Royal, les dernières paroles prophétiques de Jacob, qui, avant de mourir, prédit à chacun de ses enfants ce qui doit leur arriver.

Sur la prophétie de Jacob et le sceptre ôté de la cuisse, voir Prophéties II (Laf. 484, Sel. 719) : Ils étaient étrangers en Égypte sans aucune possession en propre ni en ce pays-là ni ailleurs. Il n’y avait pas la moindre apparence ni de la royauté qui y a été si longtemps après, ni de ce conseil souverain de 70 juges, qu’ils appelaient le synedrin, qui ayant été institué par Moïse a duré jusqu’au temps de Jésus-Christ. Toutes ces choses étaient aussi éloignées de leur état présent qu’elles le pouvaient être lorsque Jacob mourant et bénissant ses douze enfants, leur déclare qu’ils seront possesseurs d’une grande terre, et prédit particulièrement à la famille de Juda, que les rois qui les gouverneraient un jour seraient de sa race, et que tous ses frères seraient de ses sujets. Et que le Messie qui devait être l’attente des nations, naîtrait de lui, et que la royauté ne serait point ôtée de Juda, ni le gouverneur et le législateur de ses descendants, jusqu’à ce que ce Messie attendu arrivât dans sa famille.

Lhermet Joseph, Pascal et la Bible, p. 242. Passage traduit d’après la Bible de Louvain, qui donne « Juda, Faon de lion, tu es monté à la proie, mon fils..., as geü [sic] comme le lion et comme la lionnesse. Qui l’éveillera ? ». Pascal en conserve les archaïsmes. Lhermet transcrit le texte de Pascal comme suit : « Juda, faon de lion, vous êtes monté à la proie, ô mon fils, et vous êtes couché comme un lion et comme une lionnesse : qui l’éveillera ? ».

Cependant, la suite du texte ne peut pas être prise de la Bible de Louvain, qui donne : « Le sceptre ne sera ôté de Juda, ni le duc de sa cuisse, jusques à ce que celui qui doit être envoyé, vienne ; et il sera l’attente des Gentils ». Le nom de Silo n’apparaît pas.

De même, la Vulgate donne « Non auferetur sceptrum de Juda, et dux de femore ejus, donec veniat qui mittendus est, et ipse erit expectatio gentium ». Pensées, éd. Havet, II, p. 13, tr de la Vulgate : « Le sceptre ne sera pas ôté de Juda, ni le chef ne sera pas pris hors de sa race, jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé et qui doit être l’attente des nations ».

Silo : l’édition Sellier orthographie Scilo, conformément aux Copies. On trouve aussi Siloh, et Schiloh. L’interprétation de ce passage est très discutée. Selon Havet, éd. des Pensées, II, p. 197, on s’accorde généralement à prendre le mot au sens de Messie, mais sans aucune explication satisfaisante. Pascal a-t-il pensé à apporter sa propre explication à ce terme mystérieux ?

Commentaire de Calmet, Commentaire littéral sur tous les livres de l’ancien et du nouveau Testament, tome I, Paris, 1724, p. 335. L’hébreu à la lettre signifie jusqu’à la venue de Silo. Ce dernier terme embarrasse les commentateurs. « Saint Jérôme lisait apparemment Schiloach, puisqu’il traduit Celui qui doit être envoyé. Mais les Septante semblent avoir lu dans l’hébreu Siloh, comme nous y lisons aujourd’hui : ils traduisent Jusqu’à la venue de celui à qui il s’est réservé (à qui le royaume est réservé). Ou selon d’autres exemplaires : Jusqu’à ce qu’on voie arriver ce qui lui est réservé. » « On pourrait traduire à la lettre l’hébreu de cette sorte : Le sceptre ne sortira point de Juda, jusqu’à la venue de celui à qui il appartient, qui est le légitime possesseur du sceptre et du royaume ». Calmet mentionne au passage l’interprétation « jusqu’à la naissance d’un fils qui naîtra d’une femme, sans le commerce de l’homme », qui semble renvoyer à la vierge Marie (interprétation mentionnée par Joseph de Voisin). Il traduit en définitive par celui qui est envoyé.

Voir la note de GEF, XIV, qui renvoie à différents commentateurs mentionnés dans le De veritate religionis christianae de Grotius, qui interprètent le mot Silo au sens de Messie.

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, 17 ou 18 (selon les éditions). Grotius dit, selon Genèse, XLIX, que « venturum SILO, quem Chaldaeus et alii interpretes Messiam exponunt, cui pariturae essent etiam exterae gentes ». Il fournit en notes les références suivantes : « Chaldaeus : « Tam Jonathan quam Hierosolymitanae paraphraseos scripto. Item Thalmudici titulo de Synedrio, Beresith Rabba, Jakumus ad Pentateuchum, Rabbi Salomo et alii שכט, quod nunc Judaei volunt esse virgam castigationum, Thargum Chaldaeo exponitur ןטלש, et Graecis eodem sensu ἄρχων, princeps, Aquila σκῆπτρον, sceptrum,, Symmacho ἐξωσία, potestas. היש autem per ובכ filius ejus exponunt Chaldaeus, R.  Siloh, R. Bachai, R. Salomo, Abenesdra et Kimchi. » Le texte français ne donne qu’une note abrégée : « l’on vit accompli ce que Jacob avait prophétisé au Ch. XLIX de la Genèse, qu’avant que l’autorité du Gouvernement civil fût entièrement ôtée à la postérité de Juda, le Silo, c’est-à-dire le Messie, selon la Paraphrase Chaldaïque, et selon tous les Interprètes, le Silo, dis-je, viendrait, et que les Nations étrangères mêmes se viendraient soumettre à lui » ; en note : « Et selon tous les Interprètes, etc. Ces Interprètes sont les Rabbins Siloch, Béchaï, Salomon, Abenezra et Kimehi. »

Martin Raymond, Pugio Fidei, Pugio fidei, Pars II, ch. IV, Probatio quod Messias jam venit continuatur per prophetiam Jacobi, § 1, cite la Genèse comme suit : « Non recedet sceptrum de Juda, vel virga ; et legumdator, vel dator de medio pedum ejus donec veniat Siloh, et ei obedientia populorum, vel nationum, id est gentium ».

Le § XI de ce chapitre, p. 254, pose la question Quid sit Siloh, mais confirme l’interprétation de Messie : « Donec veniat Siloh, id est Filius ejus. Et est prophetia super Messiam ; id est de Messia ». L’interprétation est associée à l’idée de la naissance du Christ par la vierge Marie.

Joseph de Voisin mentionne cependant une autre interprétation rabbinique due à R. Bechai, selon laquelle le passage de la Genèse, XLIX, 10, « designat redemptionem ex Aegyptiis proxime futuram, de sorte que le nom de Siloh désignerait pour lui Moïse. Cette rédemption d’Égypte annonce celle de la fin des temps, dont elle est la figure. « Illud Gen. 49. v. 10, Non recedet sceptrum de Juda donex veniat Siloh etc., designat redemptionem ex Aegyptiis proxime futuram. Quomodo enim consentaneum esset, ut tunc instante captivitate Jacob, et seminis ejus, mentio nulla fieret primi redemptoris proximi, neque de eo prophetaret (Jacob) neque eum praedicaret illis ; et tamen mentionem faceret futurae longo post tempore redemptionis per redemptorem novissimum in fine dierum ? Quamobrem dicit, Donec veniat Siloh, sic designando Mosem ita ut significet Scriptura regnum pênes Judam futurum usque ad tempus Mosis, qui translaturus erat regnum, et dominationem Levi. Moses enim magister noster fuit Primus redemptor, et rex Israel, juxta Deut. 33, v. 5, et fuit in Israel rex, quando congregaverunt se capita populi : omnes enim Israelitae ad eum collecti sunt. Ideo diocitur Genes. 49, v. 10, et ei erit aggregatio populorum. » Puis : « Postquam designavit redemptionem aegyptiacam, designavit praeterea redemptionem hanc novissimam in fine dierum : quippe hae duae similes sunt inter se ; et traditio prophetarum est redemptionem nostram fore similem redemptioni aegyptiaca in multis rebus ; praestantiorem tamen futuram, majoremque in cordibus futuram Dei notitiam ».

L’interprétation « le tribut lui soit apporté », proposée par la Bible de Jérusalem, conserve les consonnes de l’hébreu « vienne Siloh », mais en modifie la vocalisation.

La prédiction de Jacob, Genèse, XLIX : Le sceptre ôté de la cuisse : « le sceptre ne s’éloignera pas de Juda, ni le bâton de chef d’entre ses pieds, jusqu’à ce que le tribut lui soit apporté et que les peuples lui obéissent... »

L’accord se fait généralement pour voir dans Silo la figure du Messie. Mais Juifs et chrétiens diffèrent naturellement sur l’identification de Silo avec Jésus-Christ.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 442. Voir p. 480, n. 68 et p. 489, n. 22 et 23. Référence à Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVIII, 45. Juifs et chrétiens donnaient au texte de la Genèse une portée messianique (voir, outre le présent fragment, Prophéties II - Laf. 484, Sel. 719).

Commentaire de Sacy :

« Le sens qui paraît le plus simple et le plus autorisé, est que le mot de Juda se prend ici au sens qu’il se prenait communément au temps d’Hérode, et de la venue de Notre Seigneur, et longtemps encore auparavant, c’est-à-dire, pour la Judée et pour l’état des Juifs. Car depuis que les dix tribus eurent été emmenées captives par les Chaldéens, elle ne revinrent plus, et elles ne composèrent plus un corps et une Monarchie particulière. Il n’y eut que la tribu de Juda qui revint en cette manière avec celle de Benjamin, qui en faisait comme une partie ; en sorte qu’au lieu qu’autrefois tous les Hébreux s’appelaient Israélites, et que le royaume des dix tribus portait le nom d’Israël, depuis le retour de la captivité, le pays s’appela la Judée, et les peuples s’appelèrent Juifs.

Il semble même que ce soit une marque de la vérité de cette prédiction, que Jacob qui avait appris de Dieu que ses descendants se devaient appeler Israélites de son nom Israël, ait prévu tant de siècles auparavant, qu’au temps où le Messie devait naître ils s’appelleraient Juifs, et que leur terre se nommerait la Judée.

Depuis ce changement de nom et leur retour de la captivité, le commandement se conserva toujours parmi eux sous divers noms, ou de Juges, ou de souverains Pontifes, ou de Princes et de Rois, jusqu’à ce qu’Hérode étranger s’empara de la Couronne de Judée par une usurpation manifeste, et par la ruine de la race royale.

C’est pourquoi il ne régna que comme un tyran par le pouvoir qu’il en avait reçu de l’Empereur Auguste ; et à sa mort même il voulut que le royaume fût partagé entre ses enfants, selon qu’il plairait à cet Empereur.

Un savant Interprète [NB : il s’agit de Grotius] remarque avec raison que cette prophétie a été vérifiée à la lettre en la personne d’Archelaüs fils d’Hérode le Grand, lorsque après avoir succédé à son père, le royaume lui fut ôté, et que la Judée devint ensuite une province de l’Empire Romain, sans qu’elle ait jamais depuis recouvré le sceptre et la puissance royale : Archelao ereptum regnum ; ac Judæa provincia Romanorum facta nunquam postea sceptrum recuperavit. »

Boucher Jean, Triomphes de la religion chrétienne, II, Q. 4. p. 158 sq. « Jacob étant sur le point de mourir prédit la venue du Messie dix-huit cents ans devant sa naissance, remarquant dans sa prédiction la circonstance du temps, disant que le sceptre royal et dignité de duc ne sortiraient point de la maison de Juda jusques au temps de la venue du Messie ».

Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, éd. Pléiade, p. 784 sq. La prophétie de Jacob. Le sceptre, c’est-à-dire l’autorité, ne sortira point de Juda, jusqu’à ce que vienne celui qui doit être envoyé. Le mot sceptre : en français, il signifie royauté, mais dans la langue sainte, il veut dire en général puissance, autorité, magistrature : p. 785. La prophétie marque un double changement, d’une part le royaume de Juda est menacé de ruine ; d’autre part doit s’élever un nouveau royaume, non d’un seul peuple, mais de tous les peuples, dont le Messie est le chef. Interprétation des Juifs, p. 883 : opinion répandue chez les Rabbins (Talmud, Gemara, Tr. Sanhedr. c. 11) que dans le temps où le Christ viendrait, il n’y aurait plus de magistrature, « de sorte qu’il n’y avait rien de plus important, pour connaître le temps de leur Messie, que d’observer quand ils tomberaient dans cet état malheureux ». À cette époque, changement de la république judaïque. La puissance de vie et de mort leur fut ôtée. Cas du Christ présenté à Pilate : p. 883. Un ancien auteur juif remarque qu’à l’époque du Christ, le sceptre était éloigné de Juda, et que l’autorité n’était pas dans les chefs du peuple ; « ainsi, selon eux-mêmes, il était temps que le Christ parût ».

Voir le § 9, p. 253 sq. ; § XVIII, p. 264, et les notes de Joseph de Voisin sur le non recedet et les manières dont les Juifs ont tenté de tourner la prophétie.

Voir le Dictionnaire de théologie catholique, art. Daniel, col. 86 et 89, sur le rapport avec les 70 semaines de Daniel.

Plusieurs fragments traitent des problèmes posés aux historiens et aux interprètes par cette prophétie de Jacob.

Elle comporte des contrariétés. Voir dans Force Pierre, Le problème herméneutique chez Pascal, p. 73, une analyse des contradictions de la prophétie. Voir Loi figurative 18 (Laf. 263, Sel. 294). Contrariétés. Le sceptre jusqu’au Messie. Sans roi ni prince. Pascal fonde sur cette prophétie et sur les contrariétés qu’elle engendre dans la Bible un argument en faveur de la nécessité d’interpréter les textes scripturaires. Voir le fragment Loi figurative 14 (Laf. 259, Sel. 290). Figure. Si la loi et les sacrifices sont la vérité il faut qu’elle plaise à Dieu et qu’elle ne lui déplaise point. S’ils sont figures il faut qu’ils plaisent et déplaisent. Or dans toute l’Écriture ils plaisent et déplaisent. Il est dit que la loi sera changée, que le sacrifice sera changé, qu’ils seront sans roi, sans princes et sans sacrifices, qu’il sera fait une nouvelle alliance, que la loi sera renouvelée, que les préceptes qu’ils ont reçus ne sont pas bons, que leurs sacrifices sont abominables, que Dieu n’en a point demandé. Il est dit au contraire que la loi durera éternellement, que cette alliance sera éternelle, que le sacrifice sera éternel, que le sceptre ne sortira jamais d’avec eux, puisqu’il n’en doit point sortir que le roi éternel n’arrive. Tous ces passages marquent-ils que ce soit réalité ? non ; marquent-ils aussi que ce soit figure ? non, mais que c’est réalité ou figure ; mais les premiers excluant la réalité marquent que ce n’est que figure. Tous ces passages ensemble ne peuvent être dits de la réalité ; tous peuvent être dits de la figure. Ils ne sont pas dits de la réalité mais de la figure.

 

L’objection de l’exil à Babylone

 

D’autres circonstances paraissent pouvoir correspondre aux prédictions de Jacob, notamment l’exil à Babylone, qui a engendré une perte du pouvoir royal chez les Juifs. Or la prophétie déclare que le sceptre ne sera point enlevé à Juda, jusqu’à ce que le Messie soit venu. Les prophètes ont donné pour marque de l’avènement du Messie que le sceptre fût alors ôté de Juda. Une objection s’imposait naturellement : l’exil et la captivité à Babylone constituaient une rupture grave dans la continuité de la monarchie juive ; si le Messie devait arriver avant cette interruption, il aurait dû précéder la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor. Ce qui exclut Jésus-Christ, né plusieurs siècles plus tard. Pascal répond que la déportation à Babylone ne peut pas être considéré comme une véritable rupture dans la continuité du règne des Judéens : non seulement l’exil n’a pas duré longtemps, mais le retour du peuple juif dans sa terre avait été annoncé par les prophètes, notamment par Jérémie. Voir

Preuves de Jésus-Christ 16 (Laf. 314, Sel. 345). Quand Nabuchodonosor emmena le peuple, de peur qu’on ne crût que le sceptre fût ôté de Juda, il leur fut dit auparavant qu’ils y seraient peu, et qu’ils y seraient, et qu’ils seraient rétablis. Ils furent toujours consolés par les prophètes ; leurs rois continuèrent.

Prophéties 21 (Laf. 342, Sel. 374). Prophéties. Le sceptre ne fut point interrompu par la captivité de Babylone à cause que leur retour était prompt et prédit.

 

Hérode et la prédiction sur le sceptre de Juda

 

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 442. Voir p. 480, n. 68 et p. 489, n. 22 et 23. Juifs et chrétiens donnaient au texte de la Genèse une portée messianique (voir, outre le présent fragment, Prophéties II - Laf. 484, Sel. 719). Mais la prophétie de Jacob a aussi un rapport avec la fin de la royauté juive. Or d’autres personnes que Jésus-Christ semblaient pouvoir remplir les conditions marquées par la prophétie.

Il régna en Judée des princes judéens jusqu’à Aristobule II (67-63), comme le remarque Augustin, Cité de Dieu, XVIII, 36 et 45. Une période troublée suivit et se termina par l’avènement de l’Iduméen Hérode (374 avant Jésus-Christ). Les temps prévus par la prophétie semblaient donc arrivés. La royauté n’était plus entre les mains de Juda, le Messie était imminent. Voir Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 489 : Saint Augustin insiste bien sur le fait que Hérode était étranger, Cité de Dieu, XVIII, 45.

Voir le fragment Prophéties 16 (Laf. 337, Sel. 369) : Hérode cru le Messie. Il avait ôté le sceptre de Juda, mais il n’était pas de Juda. Cela fit une secte considérable.

Bossuet le souligne aussi dans le Discours sur l’histoire universelle, éd. Pléiade, p. 885 : « C’est aussi ce qui donna lieu à la secte des Hérodiens, dont il est tant parlé dans l’Évangile », Matt. XVII, 16 ; Marc, III, 6 et XII, 1.

Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, I, V, éd. Gustave Bardy, Sources chrétiennes, Paris, Cerf, 2001, p. 22 sq. En son temps, conformément aux prophéties, ont fait défaut les chefs du peuple juif, pris jusqu’alors dans la succession ancestrale, et Hérode est le premier étranger qui règne sur eux. « À ce moment, Hérode, le premier étranger par la race, reçut la royauté du peuple juif et la prophétie faite par Moïse reçut son accomplissement : elle annonçait qu’un chef issu de Juda ne ferait pas défaut, ni un prince sorti de sa race, jusqu’à ce que vienne celui à qui il est réservé, celui qu’il montre comme devant être l’attente des nations. Les termes de la prédiction ne furent pas accomplis durant le temps où il fut permis aux Juifs de vivre sous des chefs de leur race en commençant dans le passé par Moïse lui-même et en descendant jusqu’au règne d’Auguste, au temps duquel le premier étranger, Hérode, gouverna les Juifs sous l’autorité des Romains. À ce que rapporte Josèphe, il était iduméen par son père et arabe par sa mère ; mais selon Africain qui fut aussi un historien et non un homme quelconque, ceux qui ont écrit sur lui avec exactitude, disent qu’Antipater, c’est-à-dire le père d’Hérode, était né lui-même d’un certain Hérode d’Ascalon, un des hiérodules du temple d’Apollon. Cet Antipater, emmené tout enfant en captivité par des brigands iduméens, resta avec eux parce que son père qui était pauvre ne pouvait pas payer sa rançon ; après avoir été élevé selon leurs usages, il fut aimé plus tard par Hyrcan, le grand-prêtre des Juifs. De lui naquit Hérode, au temps de notre Sauveur. La royauté des Juifs étant donc passée entre ses mains, l’attente des nations conformément à la prophétie était déjà aux portes, étant donné qu’à partir de lui les chefs et les princes qui depuis Moïse s’étaient succédé chez les Juifs vinrent à manquer. Avant leur captivité et leur exil à Babylone, les Juifs avaient eu des rois à partir de Saül, le premier, et puis David, et, avant les rois, des chefs les avaient commandés, ceux qu’on appelle juges : ceux-ci étaient venus après Moïse et son successeur Josué. Après le retour de Babylone, ils ne cessèrent pas d’avoir un gouvernement aristocratique et oligarchique – les prêtres en effet présidaient aux affaires – jusqu’à ce que Pompée, général des Romains, eut assiégé et pris Jérusalem par la force, souillé les lieux saints, pénétré dans les parties sacrées du sanctuaire, envoyé en captivité à Rome avec ses enfants celui qui, par succession ancestrale, avait été jusqu’à ce temps roi et grand-prêtre et qui s’appelait Aristobule, et finalement donné le pontificat suprême à son frère Hyrcan et soumis toute la nation des Juifs à payer le tribut aux Romains. Or Hyrcan, en qui s’achève la succession des grands-prêtres, fut fait prisonnier, par les Parthes ; et le premier, comme je l’ai déjà dit, l’étranger Hérode, sous l’autorité du Sénat romain et de l’empereur Auguste, prit en mains la nation des Juifs. De son temps s’établit manifestement la présence du Christ qu’accompagnèrent le salut attendu des nations et leur vocation, conformément à la prophétie. Car à partir de ce temps, le chef et les princes sortis de Juda, je veux dire issus du peuple juif, vinrent à manquer, et semblablement aussi le souverain sacerdoce, qui passait régulièrement des ancêtres à leurs descendants immédiats, selon les générations, fut troublé dans sa succession » : p. 23-24. Eusèbe invoque la garantie de Josèphe, Antiquités judaïques, XX, 247, 249.

Petau Denis, Rationarium temporum, partis secundae, Liber III, p. 170 sq. « De Jacobi patriarchae celebri illo vaticinio, quod est Genes. Cap. 49. de Christo Domino, cujus probabilis adducitur interpretatio ? » Chap. XVI. « Quidam ex antiquis [En marge : Vide Hieron. In c. 9. Dan. Prosper. 2. de Prom. C. 40.], cum alienum esse ab Jacobi, sive Israëlis sanguine Herodem animadverterent, peregrinaeque stirpis, et originis, in eo finem habere crediderunt verus ilud oraculum Jacob. Gen. 40. 10. « Non auferetur sceptrum de Iuda, et dux de femoris ejus, donec veniat, qui mittendus est : et ipse erit expellatio gentium ». Hinc Herodiani, quae fuit secta Judaeorum sub Christi tempus exorta, Herodem dicebant fuisse Messiam ; quoniam ad eum usque principatus penes Iudae tribum extiterat. At Graece it conceptum est Jacobi vaticinium : [...] Non deficiet princeps à Juda, donec venerit, qui reposituum est. Hoc est cui repositum est ut sit Christus, ait Epiphanius. Ea quippe de caussa dictos herodianos, quod Herodem profitebantur esse Christum, magis probamus quam quae alii commenti sunt. »

Grotius Hugo, De veritate religionis christianae, V, 14 ou 15 (selon les éditions). Les annonces du Messie ont produit une attente si ferme que « plusieurs » Juifs « regardèrent Hérode comme le Messie ». La traduction de Le Jeune donne les indications suivantes V, 17 ou 19 :

« Jusqu’ici j’ai prouvé que le Messie doit être venu : je vais présentement montrer qu’il n’est autre que le Jésus que nous adorons. Tous les autres qui se sont vantés d’être le Messie, ou qui ont même passé pour tels n’ont laissé aucune secte qui conservât ce sentiment. Nous n’en voyons aujourd’hui aucune qui fasse profession de reconnaître pour tel, ni Hérode, ni Judas le Gaulonite, ni Barchochébas, qui sous l’empire d’Adrien se dit être le Messie, et qui trompa les plus éclairés. Mais depuis que Jésus-Christ est venu au Monde, jusqu’à notre siècle, il y a toujours eu dans toute l’étendue de la Terre, et il y a encore aujourd’hui un nombre infini de personnes qui suivent sa doctrine, et qui le révèrent comme le Christ. Je pourrais apporter ici beaucoup de choses, qui ont été autrefois ou prédites ou crues touchant le Messie, lesquelles nous croyons avoir été vérifiées en la personne de Jésus-Christ, et qu’on ne prétend pas même avoir été accomplies en aucun autre. En voici quelques-unes. Jésus-Christ était de la famille de David : il est né d’une vierge, comme l’apprit par révélation celui qui avait épousé Marie, et qui l’aurait renvoyée, s’il eût cru qu’elle fût enceinte d’un autre selon les voies ordinaires : il est né à Bethléem, il a commencé à prêcher en Galilée : il a guéri toutes sortes de maladies : il a rendu la vue aux aveugles, et redressé les boiteux. Mais je me contente de remarquer une chose que David, Isaïe, Zacharie, et Osée avaient prédite, et dont l’accomplissement subsiste encore aujourd’hui ; c’est que le Messie devait être le docteur non seulement des Juifs, mais aussi des autres nations : qu’il anéantirait le culte des fausses divinités, et qu’il rangerait au service d’un seul Dieu une grande multitude d’Étrangers.

Avant la venue de Jésus-Christ, presque tout le monde était plongé dans l’idolâtrie. À peine a-t-il paru, qu’elle commença à s’évanouir peu à peu, et que non seulement plusieurs Particuliers, mais des rois, et des Nations entières quittèrent les faux dieux, pour ne plus adorer que le seul vrai Dieu. Cet heureux changement n’est pas l’effet des enseignements des Docteurs Juifs, mais de la doctrine que les disciples de Jésus-Christ, et ceux qui vinrent après eux, prêchèrent par tout le Monde. Par là, ceux qui n’étaient pas encore le peuple de Dieu, le devinrent ; et l’on vit accompli ce que Jacob avait prophétisé au ch. XLIX de la Genèse, qu’avant que l’autorité du gouvernement civil fût entièrement ôtée à la postérité de Juda, le Silo, c’est-à-dire le Messie, selon la paraphrase chaldaïque, et selon tous les Interprètes, le Silo, dis-je, viendrait, et que les nations étrangères mêmes se viendraient soumettre à lui. »

De même, sur Barcosba et Judas le Gaulonite, voir les indications dans le dossier du fragment Prophéties 16 (Laf. 337, Sel. 369).