Pensées diverses I – Fragment n° 24 / 37 – Papier original : RO 109-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 99 p. 339 v°  / C2 : p. 293

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 265-266 /

1678 n° 56 p. 258

Éditions savantes : Faugère II, 232, XXV ; I, 215, CXX (Vallant) / Havet XXIV.34, XXV.118 ter (Vallant) / Brunschvicg 263 / Tourneur p. 79-4 / Le Guern 491 / Lafuma 574 (série XXIII) / Sellier 477

 

 

 

Un miracle, dit‑on, affermirait ma créance. On le dit quand on ne le voit pas. Les raisons qui, étant vues de loin, paraissent borner notre vue, mais quand on y est arrivé on commence à voir encore au‑delà. Rien n’arrête la volubilité de notre esprit. Il n’y a point, dit‑on, de règle qui n’ait quelque exception, ni de vérité si générale qui n’ait quelque face par où elle manque. Il suffit qu’elle ne soit pas absolument universelle pour nous donner sujet d’appliquer l’exception au sujet présent, et de dire : cela n’est pas toujours vrai, donc il y a des cas où cela n’est pas. Il ne reste plus qu’à montrer que celui‑ci en est et c’est à quoi on est bien maladroit ou bien malheureux si on ne trouve quelque jour.

 

 

Pascal aborde dans ce fragment le problème du peu d’efficacité des miracles pour la conversion. Alors qu’à première vue un miracle devrait emporter la persuasion, Pascal explique par quel artifice de raisonnement on parvient à ne pas voir un miracle, et à éluder sa signification.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Misère 14 (Laf. 65, Sel. 99). Diversité.

La théologie est une science, mais en même temps combien estce de sciences ? Un homme est un suppôt, mais si on l’anatomise, que sera-ce ? la tête, le cœur, l’estomac, les veines, chaque veine, chaque portion de veine, le sang, chaque humeur du sang ?

Une ville, une campagne, de loin c’est une ville et une campagne, mais à mesure qu’on s’approche, ce sont des maisons, des arbres, des tuiles, des feuilles, des herbes, des fourmis, des jambes de fourmis, à l’infini. Tout cela s’enveloppe sous le nom de campagne.

Souverain bien 2 (Laf. 148, Sel. 181). L’exemple nous instruit peu. Il n’est jamais si parfaitement semblable qu’il n’y ait quelque délicate différence et c’est de là que nous attendons que notre attente ne sera pas déçue en cette occasion comme en l’autre, et ainsi le présent ne nous satisfaisant jamais, l’expérience nous pipe, et de malheur en malheur nous mène jusqu’à la mort qui en est un comble éternel.

Conclusion 2 (Laf. 378, Sel. 410). Si j’avais vu un miracle, disent-ils, je me convertirais. Comment assurent-ils qu’ils feraient ce qu’ils ignorent. Ils s’imaginent que cette conversion consiste en une adoration qui se fait de Dieu comme un commerce et une conversation telle qu’ils se la figurent. La conversion véritable consiste à s’anéantir devant cet être universel qu’on a irrité tant de fois et qui peut vous perdre légitimement à toute heure, à reconnaître qu’on ne peut rien sans lui et qu’on n’a rien mérité de lui que sa disgrâce. Elle consiste à connaître qu’il y a une opposition invincible entre Dieu et nous et que sans un médiateur il ne peut y avoir de commerce.

Pensées diverses (Laf. 527, Sel. 454). Les exemples qu’on prend pour prouver d’autres choses, si on voulait prouver les exemples on prendrait les autres choses pour en être les exemples. Car comme on croit toujours que la difficulté est à ce qu’on veut prouver, on trouve les exemples plus clairs et aidants à le montrer. Ainsi quand on veut montrer une chose générale, il faut en donner la règle particulière d’un cas. Mais si on veut montrer un cas particulier, il faudra commencer par la règle [générale]. Car on trouve toujours obscure la chose qu’on veut prouver et claire celle qu’on emploie à la preuve. Car quand on propose une chose à prouver, d’abord on se remplit de cette imagination qu’elle est donc obscure, et au contraire que celle qui la doit prouver est claire, et ainsi on l’entend aisément.

Miracles III (Laf. 891, Sel. 445). Miracle.

C’est un effet qui excède la force naturelle des moyens qu’on y emploie. Et non-miracle est un effet qui n’excède pas la force naturelle des moyens qu’on y emploie. Ainsi ceux qui guérissent par l’invocation du diable ne font pas un miracle. Car cela n’excède pas la force naturelle du diable ; mais...

 

Sur les miracles, voir les fragments Miracles I (Laf. 830, Sel. 419) à Miracles III (Laf. 903-912, Sel. 450-451).

 

Mots-clés : Croyance – Esprit – Exception – MiracleRègleUniverselVéritéVoir.