Miracles III  – Fragment n° 11 / 11 – Papier original : RO 343 r° / v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 197 p. 467 v° à 471 v° / C2 : p. 267 à 273

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janv. 1670 p. 271-272 /

1678 n° 73 p. 264

Éditions savantes : Faugère I, 289, LXX ; II, 97, XVIII ; I, 272, XXIII ; I, 259, XXXVII ; I, 230, CLXXIII ; I, 268, VIII ; II, 326, XXIX ; I, 269, X ; I, 268, IX ; II, 260, XXVIII / Havet Prov. 343 p. 295 ; VI.60 ; XXIII.42, 33 ; XXIV.83 bis ; XXV.204 ; VII.39 ; Prov. 344 p. 289 ; XXV.130 bis ; XXIV.47 ; XXIV.11 ; XXIII.43 ; XXV. 41 / Brunschvicg 927, 385, 851, 916, 55, 262, 924, 781 / Tourneur p. 160-2 / Le Guern 707 / Lafuma 903 à 912 (série XXXIV, notée XXXIII par erreur) / Sellier 450 et 451

 

Avertissement : nous présentons les textes barrés verticalement par Pascal sur un fond bleuté plus foncé.

 

 

La folle idée que vous avez de l’importance de votre Compagnie vous a fait établir ces horribles voies. Il est bien visible que c’est ce qui vous a fait suivre celle de la calomnie, puisque vous blâmez en moi comme horribles les moindres impostures que vous excusez en vous, parce que vous me regardez comme un particulier et vous comme Imago.

Il paraît bien que vos louanges sont des folies par les folles [visions] comme le privilège de non-damné.

 

Est‑ce donner courage à vos enfants de les condamner quand ils servent l’Église ?

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C’est un artifice du diable de divertir ailleurs les armes dont ces gens‑là combattraient les hérésies.

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Vous êtes mauvais politiques.

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Pyrrhonisme.

 

Chaque chose est ici vraie en partie, fausse en partie. La vérité essentielle n’est point ainsi, elle est toute pure et toute vraie. Ce mélange la déshonore et l’anéantit. Rien n’est purement vrai, et ainsi rien n’est vrai en l’entendant du pur vrai. On dira qu’il est vrai que l’homicide est mauvais. Oui, car nous connaissons bien le mal et le faux. Mais que dira‑t‑on qui soit bon ? La chasteté ? Je dis que non, car le monde finirait. Le mariage ? Non, la continence vaut mieux. De ne point tuer ? Non, car les désordres seraient horribles, et les méchants tueraient tous les bons. De tuer ? Non, car cela détruit la nature. Nous n’avons ni vrai ni bien qu’en partie, et mêlé de mal et de faux.

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Probabilité.

 

Ils ont quelques principes vrais, mais ils en abusent. Or l’abus des vérités doit être autant puni que l’introduction du mensonge.

 

Comme s’il y avait deux enfers, l’un pour les péchés contre la charité, l’autre contre la justice.

 

Vertu apéritive d’une clef, attractive d’un croc.

 

Superstition et concupiscence.

Scrupules, désirs mauvais.

Crainte mauvaise.

Crainte, non celle qui vient de ce qu’on croit Dieu, mais celle de ce qu’on doute s’il est ou non. La bonne crainte vient de la foi, la fausse crainte vient du doute, la bonne crainte jointe à l’espérance parce qu’elle naît de la foi et qu’on espère au Dieu que l’on croit, la mauvaise jointe au désespoir parce qu’on craint le Dieu auquel on n’a point eu foi. Les uns craignent de le perdre, les autres craignent de le trouver.

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Gens sans parole, sans foi, sans honneur, sans vérité, doubles de cœur, doubles de langue et semblables, comme il vous fut reproché autrefois, à cet animal amphibie de la fable qui se tenait dans un état ambigu entre les poissons et les oiseaux.

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Il importe aux rois et princes d’être en estime de piété, et pour cela il faut qu’ils se confessent à vous.

 

Le Port‑Royal vaut bien Voltigerod.

Autant que votre procédé est juste selon ce biais, autant il est injuste si on regarde la piété chrétienne.

 

Quand on dit que Jésus-Christ n’est pas mort pour tous, vous abusez d’un vice des hommes qui s’appliquent incontinent cette exception, ce qui est favoriser leur désespoir au lieu de les en détourner pour favoriser l’espérance. Car on s’accoutume ainsi aux vertus intérieures par ces habitudes extérieures.

 

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L’histoire de l’aveugle-né.

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Que dit saint Paul ? Dit‑il le rapport des prophéties à toute heure ? Non, mais son miracle.

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Que dit Jésus-Christ ? Dit‑il le rapport des prophéties ? Non. Sa mort ne les avait pas accomplies, mais il dit : Si non fecissem. Croyez aux œuvres.

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Deux fondements surnaturels de notre religion toute surnaturelle, l’un visible, l’autre invisible.

Miracles avec la grâce, miracles sans grâce.

 

La synagogue, qui a été traitée avec amour comme figure de l’Église et avec haine parce qu’elle n’en était que la figure, a été relevée étant prête à succomber, quand elle était bien avec Dieu, et ainsi figure.

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Les miracles prouvent le pouvoir que Dieu a sur les cœurs par celui qu’il exerce sur les corps.

 

Jamais l’Église n’a approuvé un miracle parmi les hérétiques.

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Les miracles, appui de [la] religion. Ils ont discerné les Juifs. Ils ont discerné les chrétiens, les saints, les innocents, les vrais croyants.

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Un miracle parmi les schismatiques n’est pas tant à craindre, car le schisme, qui est plus visible que le miracle, marque visiblement leur erreur, mais quand il n’y a point de schisme et que l’erreur est en dispute, le miracle discerne.

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Si non fecissem quæ alius non fecit.

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Ces malheureux qui nous ont obligé[s] de parler des miracles.

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Abraham, Gédéon.

Confirmer la foi par miracles.

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Judith : enfin Dieu parle dans les dernières oppressions.

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Si le refroidissement de la charité laisse l’Église presque sans vrais adorateurs, les miracles en exciteront.

 

Ce sont les derniers efforts de la grâce.

 

S’il se faisait un miracle aux jésuites.

 

Quand le miracle trompe l’attente de ceux en présence desquels il arrive et qu’il y a disproportion entre l’état de leur foi et l’instrument du miracle, alors il doit les porter à changer, mais, etc. Autrement il y aurait autant de raison à dire que si l’Eucharistie ressuscitait un mort il faudrait se rendre calviniste que demeurer catholique, mais quand il couronne l’attente, et que ceux qui ont espéré que Dieu bénirait les remèdes se voient guéris sans remèdes...

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Impies.

 

Jamais signe n’est arrivé de la part du diable sans un signe plus fort de la part de Dieu, au moins sans qu’il eût été prédit que cela arriverait.

 

Les figures de la totalité de la rédemption, comme que le soleil éclaire à tous, ne marquent qu’une totalité, mais les figurantes des exclusions, comme des Juifs élus à l’exclusion des gentils, marquent l’exclusion.

 

Jésus-Christ rédempteur de tous. Oui, car il a offert comme un homme qui a racheté tous ceux qui voudront venir à lui. Ceux qui mourront en chemin, c’est leur malheur, mais quant à lui il leur offrait rédemption. Cela est bon en cet exemple où celui qui rachète et celui qui empêche de mourir sont deux, mais non pas en Jésus-Christ qui fait l’un et l’autre. Non, car Jésus-Christ, en qualité de rédempteur, n’est pas peut‑être maître de tous, et ainsi, en tant qu’il est en lui il est rédempteur de tous.

 

 

Notes prises en vue des polémiques contre les jésuites, mais aussi sur les miracles.

 

Si non fecissem quæ alius non fecit : Si je n’avais pas fait ce que nul autre n’a fait...

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230). Nous brûlons du désir de trouver une assiette ferme, et une dernière base constante pour y édifier une tour qui s’élève à l’infini, mais tout notre fondement craque et la terre s’ouvre jusqu’aux abîmes.

[...]

Presque tous les philosophes confondent les idées des choses et parlent des choses corporelles spirituellement et des spirituelles corporellement, car ils disent hardiment que les corps tendent en bas, qu’ils aspirent à leur centre, qu’ils fuient leur destruction, qu’ils craignent le vide, qu’ils ont des inclinations, des sympathies, des antipathies, toutes choses qui n’appartiennent qu’aux esprits. Et en parlant des esprits ils les considèrent comme en un lieu, et leur attribuent le mouvement d’une place à une autre, qui sont choses qui n’appartiennent qu’aux corps.

Fondement 20 (Laf. 243, Sel. 276). Fondement de notre foi.

La religion païenne est sans fondement aujourd’hui on dit qu’autrefois elle en a eu par les oracles qui ont parlé. Mais quels sont les livres qui nous en assurent ? Sont-ils si dignes de foi par la vertu de leurs auteurs ? Sont-ils conservés avec tant de soin qu’on puisse s’assurer qu’ils ne sont point corrompus ?

La religion mahométane a pour fondement l’Alcoran et Mahomet. Mais ce prophète qui devait être la dernière attente du monde a-t-il été prédit ? Et quelle marque a-t-il que n’ait aussi tout homme qui se voudra dire prophète ? Quels miracles dit-il lui-même avoir faits ? Quel mystère a-t-il enseigné selon sa tradition même ? Quelle morale et quelle félicité ?

La religion juive doit être regardée différemment. Dans la tradition des livres saints et dans la tradition du peuple. La morale et la félicité en est ridicule dans la tradition du peuple mais elle est admirable dans celle de leurs saints. Le fondement en est admirable. C’est le plus ancien livre du monde et le plus authentique et au lieu que Mahomet pour faire subsister le sien a défendu de le lire, Moïse pour faire subsister le sien a ordonné à tout le monde de le lire. Et toute religion est de même. Car la chrétienne est bien différente dans les livres saints et dans les casuistes.

Notre religion est si divine qu’une autre religion divine n’en a que le fondement.

Loi figurative 19 (Laf. 264, Sel. 295). Les Juifs étaient accoutumés aux grands et éclatants miracles et ainsi ayant eu les grands coups de la mer Rouge et la terre de Canaan comme un abrégé des grandes choses de leur Messie ils en attendaient donc de plus éclatants, dont ceux de Moïse n’étaient que l’échantillon.

Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680). N’y a-t-il point une vérité substantielle, voyant tant de choses vraies qui ne sont point la vérité même ?

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Parce que cette religion nous oblige de les regarder toujours, tant qu’ils seront en cette vie, comme capables de la grâce qui peut les éclairer, et de croire qu’ils peuvent être dans peu de temps plus remplis de foi que nous ne sommes, et que nous pouvons au contraire tomber dans l’aveuglement où ils sont, il faut faire pour eux ce que nous voudrions qu’on fît pour nous si nous étions à leur place, et les appeler à avoir pitié d’eux-mêmes et à faire au moins quelques pas pour tenter s’ils ne trouveront pas de lumières.

Preuves par discours II (Laf. 432, Sel. 684). Je leur demanderais s’il n’est pas vrai qu’ils vérifient par eux-mêmes ce fondement de la foi qu’ils combattent, qui est que la nature des hommes est dans la corruption.

Pensées diverses (Laf. 540, Sel. 458). Toutes les bonnes maximes sont dans le monde ; on ne manque qu’à les appliquer. Par exemple, on ne doute pas qu’il ne faille exposer sa vie pour défendre le bien public, et plusieurs le font, mais pour la religion point.

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Il est nécessaire qu’il y ait de l’inégalité parmi les hommes, cela est vrai ; mais cela étant accordé voilà la porte ouverte non seulement à la plus haute domination mais à la plus haute tyrannie.

Il est nécessaire de relâcher un peu l’esprit, mais cela ouvre la porte aux plus grands débordements.

Qu’on en marque les limites. Il n’y a point de bornes dans les choses. Les lois en veulent mettre, et l’esprit ne peut le souffrir.

Pensées diverses (Laf. 571, Sel. 474). Il y a hérésie à expliquer toujours, omnes, de tous. Et hérésie à ne le pas expliquer quelquefois de tous, bibite ex hoc omnes. Les huguenots hérétiques en l’expliquant de tous. In quo omnes peccaverunt. Les huguenots, hérétiques en exceptant les enfants des fidèles. Il faut donc suivre les pères et la tradition pour savoir quand, puisqu’il y a hérésie à craindre de part et d’autre.

Pensées diverses (Laf. 573, Sel. 476). La Synagogue ne périssait point parce qu’elle était la figure. Mais parce qu’elle n’était que la figure elle est tombée dans la servitude. La figure a subsisté jusqu’à la vérité afin que l’Église fût toujours visible ou dans la peinture qui la promettait ou dans l’effet.

Miracles II (Laf. 840, Sel. 425). Jésus-Christ guérit l’aveugle-né et fit quantité de miracles au jour du sabbat par où il aveuglait les pharisiens qui disaient qu’il fallait juger des miracles par la doctrine.

Nous avons Moïse, mais celui-là nous ne savons d’où il est.

C’est ce qui est admirable que vous ne savez d’où il est et cependant il fait de tels miracles.

Miracles II (Laf. 846, Sel. 429). Jésus-Christ a vérifié qu’il était le Messie, jamais en vérifiant sa doctrine sur l’Écriture ou les prophéties, et toujours par ses miracles.

Miracles II (Laf. 855, Sel. 435). Jeh. 6. 26.

Non quia vidistis signum sed quia saturati estis.

Ceux qui suivent Jésus-Christ à cause de ses miracles honorent sa puissance dans tous les miracles qu’elle produit, mais ceux qui en faisant profession de le suivre pour ses miracles ne le suivent en effet que parce qu’il les console et les rassasie des biens du monde, ils déshonorent ses miracles quand ils sont contraires à leurs commodités.

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Jeh. 9.

non est hic homo a Deo quia sabbatum non custodit. Alii : quomodo potest homo peccator haec signa facere. Lequel est le plus clair ?

Cette maison est de Dieu, car il y fait d’étranges miracles.

Les autres : cette maison n’est point de Dieu, car on n’y croit pas que les cinq propositions soient dans Jansénius. Lequel est le plus clair ?

Tu quid dicis ? Dico quia propheta est, nisi esset hic a Deo non poterat facere quidquam.

Miracles III (Laf. 859, Sel. 438). La Synagogue était la figure et ainsi ne périssait point ; et n’était que la figure, et ainsi est périe. C’était une figure qui contenait la vérité et ainsi elle a subsisté jusqu’à ce qu’elle n’a plus eu la vérité.

Miracles III (Laf. 861, Sel. 439). Les deux fondements : l’un intérieur, l’autre extérieur, la grâce, les miracles, tous deux surnaturels.

Miracles III (Laf. 877, Sel. 441). Saint Hilaire, misérables qui nous obligez à parler des miracles. (texte barré verticalement)

Miracles III (Laf. 892, Sel. 446). Abraham, Gédéon : signes au dessus de la révélation.

Les Juifs s’aveuglaient en jugeant des miracles par l’Écriture.

Dieu n’a jamais laissé ses vrais adorateurs.

J’aime mieux suivre Jésus-Christ qu’aucun autre parce qu’il a le miracle, prophétie, doctrine, perpétuité, etc.

Donatistes, point de miracle qui oblige à dire que c’est le diable.

Plus on particularise Dieu, Jésus-Christ, l’Église.

 

RO 393-1 r° / v° (Laf. 960, Sel. 795). Conjecture, il ne sera pas difficile de faire descendre encore d’un degré et de la faire paraître ridicule. (texte barré verticalement)

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Qu’y a-t-il de plus absurde que de dire que des corps inanimés ont des passions, des craintes, des horreurs, que des corps insensibles sans vie, et même incapables de vie, aient des passions qui présupposent une âme au moins sensitive pour les recevoir. De plus que l’objet de cette horreur, fût le vide ? Qu’y a-t-il dans le vide qui leur puisse faire peur ? Qu’y a t-il de plus bas et de plus ridicule ?

Ce n’est pas tout qu’ils aient en eux-mêmes un principe de mouvement pour éviter le vide.

Ont-ils des bras, des jambes, des muscles, des nerfs ?

RO 397-1 r° / v° (Laf. 962, Sel. 796). Calomnier, haec est magna caecitas cordis.

N’en pas voir le mal, haec est major caecitas cordis.

Le défendre au lieu de s’en confesser comme d’un péché, tunc hominis concludit profunditas iniquitatis, etc. 230. Prosper.

Elidere. Caramuel.

2e ms Guerrier (Laf. 989, Sel. 809). Les Jésuites ont voulu joindre Dieu au monde, et n’ont gagné que le mépris de Dieu et du monde. Car, du côté de la conscience, cela est évident ; et, du côté du monde, ils ne sont pas de bons cabalistes. Ils ont du pouvoir, comme je l’ai dit souvent, mais c’est-à-dire à l’égard des autres religieux. Ils auront le crédit de faire bâtir une chapelle et d’avoir une station de jubilé, non de pouvoir faire avoir des évêchés, des gouvernements de place. C’est un sot poste dans le monde que celui de moines, qu’ils tiennent, par leur aveu même (P. Brisacier, Bénédictins). Cependant... vous ployez sous les plus puissants que vous, et vous opprimez de tout votre petit crédit ceux qui ont moins d’intrigue que vous dans le monde.

 

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