Pensées diverses V – Fragment n° 5 / 7 – Papier original : RO 169-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 171 p. 403-403 v° / C2 : p. 377 v°-379

Éditions de Port-Royal : Chap. XXIX - Pensées morales : 1669 et janvier 1670 p. 288 / 1678 n° 40 p. 285-286

Éditions savantes : Faugère I, 222, CXLII ; II, 88, XXII / Havet VI.32, XXIV.96 et 96 bis / Michaut 414 et 415 / Brunschvicg 68 et 88 / Tourneur p. 122-2 / Le Guern 652 / Lafuma 778 et 779 (série XXVII) / Sellier 643

 

 

 

On n’apprend point aux hommes à être honnêtes hommes et on leur apprend tout le reste. Et ils ne se piquent jamais tant de savoir rien du reste comme d’être honnêtes hommes. Ils ne se piquent de savoir que la seule chose qu’ils n’apprennent point.

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Les enfants qui s’effraient du visage qu’ils ont barbouillé. Ce sont des enfants, mais le moyen que ce qui est si faible étant enfant soit bien fort étant plus âgé ? On ne fait que changer de fantaisie. Tout ce qui se perfectionne par progrès périt aussi par progrès. Tout ce qui a été faible ne peut jamais être absolument fort. On a beau dire : il est crû, il est changé. Il est aussi le même.

 

 

Deux textes relatifs à la faiblesse et à l’inconstance de l’homme, considérées sous l’angle de l’éducation des enfants.

 

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Fragments connexes

 

Misère 13 (Laf. 64, Sel. 98). Mien, tien.

Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants. C’est là ma place au soleil. Voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre.

Raisons des effets 2 (Laf. 82, Sel. 116). La Sagesse nous envoie à l’enfance. Nisi efficiamini sicut parvuli.

Contrariétés 9 (Laf. 126, Sel. 159)Les pères craignent que l’amour naturel des enfants ne s’efface. Quelle est donc cette nature sujette à être effacée.

La coutume est une seconde nature qui détruit la première.

Mais qu’est-ce que nature ? Pourquoi la coutume n’est-elle pas naturelle ?

J’ai grand peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature.

Divertissement 4 (Laf. 136, Sel. 168). Tel homme passe sa vie sans ennui en jouant tous les jours peu de chose. Donnez-lui tous les matins l’argent qu’il peut gagner chaque jour, à la charge qu’il ne joue point, vous le rendez malheureux. On dira peutêtre que c’est qu’il recherche l’amusement du jeu et non pas le gain. Faites-le donc jouer pour rien, il ne s’y échauffera pas et s’y ennuiera. Ce n’est donc pas l’amusement seul qu’il recherche, un amusement languissant et sans passion l’ennuiera, il faut qu’il s’y échauffe et qu’il se pipe luimême en s’imaginant qu’il serait heureux de gagner ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui donnât à condition de ne point jouer, afin qu’il se forme un sujet de passion et qu’il excite sur cela son désir, sa colère, sa crainte pour l’objet qu’il s’est formé, comme les enfants qui s’effraient du visage qu’ils ont barbouillé.

Conclusion 6 (Laf. 382, Sel. 414). Car Dieu ayant dit dans ses prophètes, (qui sont indubitablement prophètes) que dans le règne de Jésus-Christ il répandrait son esprit sur les nations et que les fils, les filles et les enfants de l’église prophétiseraient il est sans doute que l’esprit de Dieu est sur ceux-là et qu’il n’est point sur les autres.

Pensées diverses (Laf. 634, Sel. 527). La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier, le hasard en dispose. La coutume fait les maçons, soldats, couvreurs, C’est un excellent couvreur, dit-on, et en parlant des soldats : ils sont bien fous, dit-on, et les autres au contraire : il n’y a rien de grand que la guerre, le reste des hommes sont des coquins. À force d’ouïr louer en l’enfance ces métiers et mépriser tous les autres on choisit. Car naturellement on aime la vertu et on hait la folie ; ces mots mêmes émeuvent ; on ne pèche qu’en l’application. Tant est grande la force de la coutume que de ceux que la nature n’a fait qu’hommes on fait toutes les conditions des hommes.

Car des pays sont tout de maçons, d’autres tout de soldats etc. Sans doute que la nature n’est pas si uniforme ; c’est la coutume qui fait donc cela, car elle contraint la nature, et quelquefois la nature la surmonte et retient l’homme dans son instinct malgré toute coutume bonne ou mauvaise.

Pensées diverses (Laf. 673, Sel. 552). Il n’aime plus cette personne qu’il aimait il y a dix ans. Je crois bien : elle n’est plus la même ni lui non plus. Il était jeune et elle aussi ; elle est tout autre. Il l’aimerait peut-être encore telle qu’elle était alors.

 

Mots-clés : EnfantFaiblesseFantaisieForceHommeHonnête.