Dossier de travail - Fragment n° 16 / 35  – Papier original : RO 481-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 14 p. 195 / C2 : p. 5-6

Éditions de Port-Royal : Chap. III - Veritable Religion prouvée par les contrarietez : 1669 et janvier 1670 p. 44  / 1678 n° 21 p. 46-47

Éditions savantes : Faugère II, 91, I / Havet XII.17 / Brunschvicg 525 / Tourneur p. 302-4 / Le Guern 377 / Lafuma 398 / Sellier 17

 

 

 

Les philosophes ne prescrivaient point des sentiments proportionnés aux deux états.

Ils inspiraient des mouvements de grandeur pure et ce n’est pas l’état de l’homme.

Ils inspiraient des mouvements de bassesse pure et ce n’est point l’état de l’homme.

Il faut des mouvements de bassesse, non de nature, mais de pénitence, non pour y demeurer mais pour aller à la grandeur. Il faut des mouvements de grandeur, non de mérite mais de grâce, et après avoir passé par la bassesse.

 

 

Une note de L. Brunschvicg, GEF XIII, p. 419, rappelle que « c’est une idée fondamentale de l’Entretien avec M. de Sacy que non seulement les philosophes sont partagés en dogmatiques et sceptiques, entre stoïciens et épicuriens, mais que du point de vue purement humain, il est impossible de concilier ces deux thèses qui doivent représenter pourtant chacune la moitié de la vérité. La religion seule peut allier ce que pour l’homme purement homme, il est à la fois nécessaire et impossible d’unir. »

Dans ce fragment, Pascal montre comment l’affirmation conjointe de la grandeur et de la misère, incohérente tant que l’on se place dans le cadre de la philosophie humaine, prend un nouveau sens dans la perspective chrétienne.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Voir les liasses Vanité, Misère, Grandeur et Contrariétés.

 

Misère 1 (Laf. 53, Sel. 86). Bassesse de l’homme jusqu’à se soumettre aux bêtes, jusques à les adorer.

Contrariétés 1 (Laf. 119, Sel. 151). Après avoir montré la bassesse et la grandeur de l’homme.

Que l’homme maintenant s’estime son prix. Qu’il s’aime, car il y a en lui une nature capable de bien ; mais qu’il n’aime pas pour cela les bassesses qui y sont. Qu’il se méprise, parce que cette capacité est vide ; mais qu’il ne méprise pas pour cela cette capacité naturelle.

Contrariétés 3 (Laf. 121, Sel. 153). Il est dangereux de trop faire voir à l’homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Et il est encore dangereux de lui trop faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l’un et l’autre, mais il est très avantageux de lui représenter l’un et l’autre.

Contrariétés 13 (Laf. 130, Sel. 163). S’il se vante je l’abaisse

S’il s’abaisse je le vante.

Et le contredis toujours

Jusquà ce qu’il comprenne

Qu’il est un monstre incompréhensible.

A P. R. 1 (Laf. 149, Sel. 182). Les grandeurs et les misères de l’homme sont tellement visibles qu’il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu’il y a quelque grand principe de grandeur en l’homme et qu’il y a un grand principe de misère. Il faut encore qu’elle nous rende raison de ces étonnantes contrariétés.

 

Voir aussi L’entretien avec Monsieur de Sacy, éd. P. Mengotti et J. Mesnard, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.

 

Mots-clés : BassesseDemeurerÉtatGrâceGrandeurHommeMériteNaturePénitencePhilosopheSentiment.