Fragment Prophéties n° 7 / 27  – Papier original : RO 221-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 352 p. 165 v° / C2 : p. 199

Éditions savantes : Faugère II, 271, IV / Havet XXV.160 / Brunschvicg 732 / Tourneur p. 284-1 / Le Guern 309 / Lafuma 328 / Sellier 360

 

 

 

Qu’alors on n’enseignera plus son prochain disant : « Voici le Seigneur », car Dieu se fera sentir à tous. Vos fils prophétiseront. Je mettrai mon esprit et ma crainte en votre cœur.

Tout cela est la même chose.

Prophétiser c’est parler de Dieu, non par preuves du dehors, mais par sentiment intérieur et immédiat.

 

 

Ce fragment résume la pensée de Pascal sur la nature de la prophétie, dont il donne ici une définition générale, en partant de l’histoire prophétique. Comme l’écrit Philippe Sellier, Pascal et saint Augustin, p. 448, Pascal considère que l’avènement du Messie fut marqué par un accroissement soudain du nombre des élus. Il ne lie pas ce changement à la réussite d’une pédagogie de Dieu, mais à la seule réalisation des prophéties annonçant la conversion de l’univers. Ce fragment fait pendant à Preuves de Jésus-Christ 4 (Laf. 301, Sel. 332) : Sainteté. Effundam spiritum meum. Tous les peuples étaient dans l’infidélité et dans la concupiscence, toute la terre fut ardente de charité : les princes quittent leurs grandeurs, les filles souffrent le martyre. D’où vient cette force ? c’est que le Messie est arrivé. Voilà l’effet et les marques de sa venue : à l’accroissement de la charité au temps de la loi nouvelle répond celui de l’esprit prophétique, que Pascal attribue aussi à une nouvelle disposition du cœur.

 

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Fragments connexes

 

Grandeur 6 (Laf. 110, Sel 142). Nous connaissons la vérité non seulement par la raison mais encore par le cœur. C’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes et c’est en vain que le raisonnement, qui n’y a point de part essaie de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point Quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l’incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent.

Car la connaissance des premiers principes : comme qu’il y aespace, temps, mouvement, nombres, aussi ferme qu’aucune de celles que nos raisonnements nous donnent et c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle y fonde tout son discours. Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis et la raison démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit double de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent, et le tout avec certitude quoique par différentes voies – et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes. Pour vouloir y consentir qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre pour vouloir les recevoir.

Cette impuissance ne doit donc servir qu’à humilier la raison - qui voudrait juger de tout - mais non pas à combattre notre certitude. Comme s’il n’y avait que la raison capable de nous instruire, plût à Dieu que nous n’en eussions au contraire jamais besoin et que nous connussions toutes choses par instinct et par sentiment, mais la nature nous a refusé ce bien ; elle ne nous a au contraire donné que très peu de connaissances de cette sorte ; toutes les autres ne peuvent être acquises que par raisonnement.

Et c’est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés, mais ceux qui ne l’ont pas nous ne pouvons la donner que par raisonnement, en attendant que Dieu la leur donne par sentiment du cœur, sans quoi la foi n’est qu’humaine et inutile pour le salut.

Preuves de Jésus-Christ 4 (Laf. 301, Sel. 332). Sainteté.

Effundam spiritum meum. Tous les peuples étaient dans l’infidélité et dans la concupiscence, toute la terre fut ardente de charité : les princes quittent leurs grandeurs, les filles souffrent le martyre. D’où vient cette force ? c’est que le Messie est arrivé. Voilà l’effet et les marques de sa venue.

Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370). Prédictions.

Qu’en la 4e monarchie, avant la destruction du 2e temple, avant que la domination des Juifs fût ôtée en la 70e semaine de Daniel, pendant la durée du 2e temple les païens seraient instruits et amenés à la connaissance du Dieu adoré par les Juifs, que ceux qui l’aiment seraient délivrés de leurs ennemis, remplis de sa crainte et de son amour.

Et il est arrivé qu’en la 4e monarchie avant la destruction du 2e temple, etc. les païens en foule adorent Dieu et mènent une vie angélique.

Les filles consacrent à Dieu leur virginité et leur vie, les hommes renoncent à tous plaisirs. Ce que Platon n’a pu persuader à quelque peu d’hommes choisis et si instruits une force secrète le persuade à cent milliers d’hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles.

Les riches quittent leurs biens, les enfants quittent la maison délicate de leurs pères pour aller dans l’austérité d’un désert, etc. Voyez Philon juif.

Qu’est-ce que tout cela ? c’est ce qui a été prédit si longtemps auparavant ; depuis 2 000 années aucun païen n’avait adoré le Dieu des Juifs et dans le temps prédit la foule des païens adore cet unique Dieu. Les temples sont détruits, les rois mêmes se soumettent à la croix. Qu’est-ce que tout cela ? C’est l’esprit de Dieu qui est répandu sur la terre.

Prophéties 25 (Laf. 346, Sel. 378). Prédictions.

Il est prédit qu’au temps du Messie il viendrait établir une nouvelle alliance qui ferait oublier la sortie d’Égypte - Jér. 23. 5. - Is. 43. 16 - qui mettrait sa loi non dans l’extérieur mais dans le cœur, qu’il mettrait sa crainte qui n’avait été qu’au dehors, dans le milieu du cœur.

Qui ne voit la loi chrétienne en tout cela ?

Conclusion 6 (Laf. 382, Sel. 414). Ceux que nous voyons chrétiens sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. Ils en jugent par le cœur comme les autres en jugent par l’esprit. C’est Dieu lui-même qui les incline à croire et ainsi ils sont très efficacement persuadés. J’avoue bien qu’un de ces chrétiens qui croient sans preuves n’aura peut-être pas de quoi convaincre un infidèle, qui en dira autant de soi, mais ceux qui savent les preuves de la religion prouveront sans difficulté que ce fidèle est véritablement inspiré de Dieu, quoiqu’il ne peut le prouver lui-même. Car Dieu ayant dit dans ses prophètes, (qui sont indubitablement prophètes) que dans le règne de J.-C. il répandrait son esprit sur les nations et que les fils, les filles et les enfants de l’Église prophétiseraient, il est sans doute que l’esprit de Dieu est sur ceux-là et qu’il n’est point sur les autres.

Preuves par discours I (Laf. 424, Sel. 680). C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.

Miracles II (Laf. 832, Sel. 421). Commencement.

Les miracles discernent la doctrine et la doctrine discerne les miracles. Il y a de faux et de vrais. Il faut une marque pour les connaître, autrement ils seraient inutiles. [...] Moïse en a donné deux : que la prédiction n’arrive pas, Deut.18. et qu’ils ne mènent point à l’idolâtrie, Deut. 13,et J.-C. une.

 

Mots-clés : Cœur – Crainte – Dieu – Enseigner – Esprit – Immédiat – Intérieur – ParlerPreuveProchainProphèteSentiment.