Pensées diverses IV – Fragment n° 23 / 23 – Papier original : RO 221-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 168 p. 397-397 v° / C2 : p. 373

Éditions de Port-Royal : Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 269-270 /

1678 n° 67 p. 262-263

Éditions savantes : Faugère I, 265, I / Havet XXIV.41 / Brunschvicg 903 / Tourneur p. 120-2 / Le Guern 644 / Lafuma 769 (série XXVI) / Sellier 634

 

Avertissement : nous présentons les textes barrés verticalement par Pascal sur un fond bleuté plus foncé.

 

 

State super vias et interrogate de semitis antiquis et ambulate in eis. Et dixerunt : Non ambulabimus, sed post cogitationem nostram ibimus. ils ont dit aux peuples : Venez avec nous, suivons les opinions des nouveaux auteurs ; la raison sera notre guide ; nous serons comme les autres peuples qui suivent chacun sa lumière naturelle. Les philosophes ont...

 

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Toutes les religions et les sectes du monde ont eu la raison naturelle pour guide. Les seuls chrétiens ont été astreints à prendre leurs règles hors d’eux‑mêmes et à s’informer de celles que Jésus-Christ a laissées aux anciens pour être transmises aux fidèles. Cette contrainte lasse ces bons Pères, ils veulent avoir comme les autres peuples la liberté de suivre leurs imaginations. C’est en vain que nous leur crions, comme les prophètes disaient autrefois aux Juifs : Allez au milieu de l’Église, informez‑vous des voies que les anciens lui ont laissées et suivez ces sentiers. Ils ont répondu comme les Juifs : Nous n’y marcherons point mais nous suivrons les pensées de notre cœur. Et ils ont dit : Nous serons comme les autres peuples.

 

 

À partir du texte de la Bible, Pascal établit dans ce fragment une comparaison entre les Juifs désobéissant à Dieu et à son prophète, et les mauvais chrétiens des temps modernes, que l’esprit propre conduit à suivre les imaginations déréglées des casuistes.

 

State super vias et interrogate de semitis antiquis et ambulate in eis. Et dixerunt : non ambulabimus, sed post cogitationem nostram ibimus : Tenez-vous sur les voies, considérez et demandez quels sont les anciens sentiers pour connaître la bonne voie ; et marchez-y, et vous trouverez la paix et le rafraîchissement de vos âmes. Mais ils m’ont répondu : Nous n’y marcherons point.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Dossier de travail (Laf. 392, Sel. 11). Dieu voulant se former un peuple saint, qu’il séparerait de toutes les autres nations, qu’il délivrerait de ses ennemis, qu’il mettrait dans un lieu de repos a promis de le faire et a prédit par ses prophètes le temps et la manière de sa venue.

Preuves par les Juifs I (Laf. 451, Sel. 691). Mais cette loi est en même temps la plus sévère et la plus rigoureuse de toutes en ce qui regarde le culte de leur religion obligeant ce peuple pour le retenir dans son devoir, à mille observations particulières et pénibles sur peine de la vie, de sorte que c’est une chose bien étonnante, qu’elle se soit toujours conservée constamment durant tant de siècles, par un peuple rebelle et impatient comme celui-ci pendant que tous les autres États ont changé de temps en temps leurs lois quoique tout autrement faciles.

Preuves par les Juifs IV (Laf. 454, Sel. 694). Je vois la religion chrétienne fondée sur une religion précédente, où voici ce que je trouve d’effectif.

[...]

Il est certain que nous voyons en plusieurs endroits du monde, un peuple particulier séparé de tous les autres peuples du monde qui s’appelle le peuple juif.

[...]

Je trouve donc ce peuple grand et nombreux sorti d’un seul homme, qui adore un seul Dieu, et qui se conduit par une loi qu’ils disent tenir de sa main ils soutiennent qu’ils sont les seuls du monde auxquels Dieu a révélé ses mystères. [...] Que Dieu ne laissera point éternellement les autres peuples dans ces ténèbres, qu’il viendra un libérateur, pour tous, qu’ils sont au monde pour l’annoncer aux hommes, qu’ils sont formés exprès pour être les avant-coureurs et les hérauts de ce grand avènement, et pour appeler tous les peuples à s’unir à eux dans l’attente de ce libérateur. La rencontre de ce peuple m’étonne, et me semble digne de l’attention.

Preuves par les Juifs V (Laf. 456, Sel. 696). Ceci est effectif :

Pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarent que tout le monde est dans l’erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu’elle sera toujours sur la terre. En effet toutes les autres sectes cessent ; celle-là dure toujours et depuis quatre mille ans ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter, que cette doctrine serait toujours sur la terre, que leur loi a double sens.

 

Mots-clés : Auteur (voir Autorité)ChrétienImaginationJésus-ChristJuifsOpinionsPeupleRaisonReligion.