Fragment Fausseté des autres religions n° 15 / 18  – Papier original : RO 459-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Fausseté n° 272 p. 109 / C2 : p. 134-135

Éditions de Port-Royal : Chap. XII - Figures : 1669 et janvier 1670 p. 93-94  / 1678 n° 1 p. 92

     et Chap. XVII - Contre Mahomet : 1669 et janvier 1670 p. 134-135  / 1678 n° 4 p. 134 (une phrase)

Éditions savantes : Faugère II, 248, X / Havet XVI.1 / Brunschvicg 650 / Tourneur p. 248-2 / Le Guern 203 / Lafuma 217 / Sellier 250

 

Avertissement : nous conservons les textes barrés verticalement par Pascal. Ces textes sont signalés ci-dessous sur un fond bleuté plus foncé. Celui-ci est proposé par Pascal en marge du texte principal, sans lien direct et matériel avec ce texte.

 

 

Il y a des figures claires et démonstratives, mais il y en a d’autres qui semblent un peu tirées par les cheveux, et qui ne prouvent qu’à ceux qui sont persuadés d’ailleurs. Celles‑là sont semblables aux apocalyptiques.

Mais la différence qu’il y a c’est qu’ils n’en ont point d’indubitables, tellement qu’il n’y a rien de si injuste que quand ils montrent que les leurs sont aussi bien fondées que quelques‑unes des nôtres. Car ils n’en ont pas de démonstratives comme quelques-unes des nôtres.

La partie n’est donc pas égale. Il ne faut pas égaler et confondre ces choses parce qu’elles semblent être semblables par un bout, étant si différentes par l’autre. Ce sont les clartés qui méritent, quand elles sont divines, qu’on révère les obscurités.

C’est comme ceux entre lesquels il y a un certain langage obscur ;

ceux qui n’entendraient pas cela n’y comprendraient qu’un sot sens.

 

Pascal amorce dans ce fragment l’un des thèmes majeurs de la deuxième partie de son apologie, l’interprétation des Écritures et le déchiffrement des figuratifs, qui conduiront à présenter l’ancien testament comme un ensemble de textes annonçant la venue du Messie Jésus-Christ en termes métaphoriques. Mais il ne l’aborde encore ici que de manière indirecte, pour affirmer que si plusieurs religions s’expriment en termes figurés, toutes ne proposent pas des figures claires et démonstratives, alors que la religion chrétienne, elle, en a d’indubitables. L’essentiel est pour le moment de faire comprendre que, sur ce point, toutes les religions ne sont pas à mettre sur un pied d’égalité. Mais Pascal n’aborde pas pour le moment la question essentielle de la nature de ces figures et de leur intelligibilité. Ce n’est que dans la marge du fragment principal qu’il trace un premier dessin de la manière dont il va poser le problème de l’interprétation des figures bibliques.

 

Analyse détaillée...

Fragments connexes

 

Fausseté 16 (Laf. 218, Sel. 251). Ce n’est pas par ce qu’il y a d’obscur dans Mahomet et qu’on peut faire passer pour un sens mystérieux que je veux qu’on en juge, mais par ce qu’il y a de clair, par son paradis et par le reste. C’est en cela qu’il est ridicule. Et c’est pourquoi il n’est pas juste de prendre ses obscurités pour des mystères, vu que ses clartés sont ridicules. Il n’en est pas de même de l’Écriture. Je veux bien qu’il y ait des obscurités qui soient aussi bizarres que celles de Mahomet, mais il y a des clartés admirables et des prophéties manifestes et accomplies. La partie n’est donc pas égale. Il ne faut pas confondre et égaler les choses qui ne se ressemblent que par l’obscurité et non pas par la clarté qui mérite qu’on révère les obscurités.

Loi figurative 13 (Laf. 257, Sel. 289). Contradiction.

On ne peut faire une bonne physionomie qu’en accordant toutes nos contrariétés et il ne suffit pas de suivre une suite de qualités accordantes sans accorder les contraires ; pour entendre le sens d’un auteur il faut accorder tous les passages contraires.

Ainsi pour entendre l’Écriture il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s’accordent ; il ne suffit pas d’en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants, mais d’en avoir un qui accorde les passages même contraires.

Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s’accordent ou il n’a point de sens du tout. On ne peut pas dire cela de l’Écriture et des prophètes : ils avaient assurément trop de bon sens. Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les contrariétés.

Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291). Le chiffre a deux sens. Quand on surprend une lettre importante où l’on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens en est voilé et obscurci, qu’il est caché en sorte qu’on verra cette lettre sans la voir et qu’on l’entendra sans l’entendre, que doit-on penser sinon que c’est un chiffre à double sens.

Loi figurative 31 (Laf. 276, Sel. 307). De deux personnes qui disent de sots contes, l’un qui voit double sens entendu dans la cabale, l’autre qui n’a que ce sens, si quelqu’un n’étant pas du secret entend discourir les deux en cette sorte il en fera même jugement. Mais si ensuite dans le reste du discours l’un dit des choses angéliques et l’autre toujours des choses plates et communes il jugera que l’un parlait avec mystère et non pas l’autre, l’un ayant assez montré qu’il est incapable de telles sottises et capable d’être mystérieux, l’autre qu’il est incapable de mystère et capable de sottise. Le vieux testament est un chiffre.

Pensées diverses (Laf. 575, Sel. 478). Extravagances des apocalyptiques et préadamites, millénaires, etc.

Qui voudra fonder des opinions extravagantes sur l’Écriture en fondera par exemple sur cela.

Il est dit que cette génération ne passera point jusqu’à ce que tout cela se fasse. Sur cela je dirai qu’après cette génération il viendra une autre génération et toujours successivement.

Il est parlé dans le II Paralipomènes. de Salomon et de roi comme si c’étaient deux personnes diverses. Je dirai que c’en étaient deux.

 

Mots-clés : Apocalyptiques – Clarté – Démonstration – Différence – Divin – ÉgalerFigureFondementInjusticeLangageObscuritéPersuasionPreuveSemblableSottise.