Fragment Soumission et usage de la raison n° 13 / 23  – Papier original : RO 244-5

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 233 p. 81 v°-83 / C2 : p. 109

Éditions savantes : Faugère II, 350, V / Havet XXV.47 / Brunschvicg 256 / Tourneur p. 230-2 / Le Guern 168 / Lafuma 179 / Sellier 210

 

 

 

Il y a peu de vrais chrétiens. Je dis même pour la foi. Il y en a bien qui croient mais par superstition. Il y en a bien qui ne croient pas, mais par libertinage ; peu sont entre deux.

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Je ne comprends pas en cela ceux qui sont dans la véritable piété de mœurs et tous ceux qui croient par un sentiment du cœur.

 

 

Pascal oppose ici la vraie foi, celle qui touche le cœur, à deux extrêmes également caricaturaux, la superstition, qui est la caricature de la véritable soumission, et le libertinage, qui est la caricature du libre usage de la raison. La véritable foi est celle dont parle la seconde partie du fragment, la foi par sentiment du cœur, qui conjugue la soumission à la Révélation, et l’usage libre de la raison, à partir des principes fournis par la parole de Dieu.

 

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Fragments connexes

 

Divertissement 5 (Laf. 137, Sel. 169). Je ne parle point en tout cela des rois chrétiens comme chrétiens, mais seulement comme rois.

Soumission 15 (Laf. 181, Sel. 212). La piété est différente de la superstition.

Soutenir la piété jusqu’à la superstition c’est la détruire.

Soumission 22 (Laf. 187, Sel. 219). Ce n’est pas une chose rare qu’il faille reprendre le monde de trop de docilité.

C’est un vice naturel comme l’incrédulité et aussi pernicieux.

Superstition.

Morale chrétienne 16 (Laf. 366, Sel. 398-399). Deux sortes d’hommes en chaque religion. Voyez Perpétuité. Superstition, concupiscence.

Conclusion 4 (Laf. 380, Sel. 412). Ne vous étonnez pas de voir des personnes simples croire sans raisonnement, Dieu leur donne l’amour de soi et la haine d’eux-mêmes, il incline leur cœur à croire ; on ne croira jamais d’une créance utile et de foi si Dieu n’incline le cœur et on croira dès qu’il l’inclinera.

Conclusion 5 (Laf. 381, Sel. 413). Ceux qui croient sans avoir lu les Testaments c’est parce qu’ils ont une disposition intérieure toute sainte et que ce qu’ils entendent dire de notre religion y est conforme. Ils sentent qu’un Dieu les a faits. Ils ne veulent aimer que Dieu, ils ne veulent haïr qu’eux-mêmes. Ils sentent qu’ils n’en ont pas la force d’eux-mêmes, qu’ils sont incapables d’aller à Dieu et que si Dieu ne vient à eux ils sont incapables d’aucune communication avec lui et ils entendent dire dans notre religion qu’il ne faut aimer que Dieu et ne haïr que soi-même, mais qu’étant tous corrompus et incapables de Dieu, Dieu s’est fait homme pour s’unir à nous. Il n’en faut pas davantage pour persuader des hommes qui ont cette disposition dans le cœur et qui ont cette connaissance de leur devoir et de leur incapacité.

Conclusion 6 (Laf. 382, Sel. 414). Ceux que nous voyons chrétiens sans la connaissance des prophéties et des preuves ne laissent pas d’en juger aussi bien que ceux qui ont cette connaissance. Ils en jugent par le cœur comme les autres en jugent par l’esprit. C’est Dieu lui-même qui les incline à croire et ainsi ils sont très efficacement persuadés.

Preuves par discours I (Laf. 424, Sel. 680). C’est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c’est que la foi. Dieu sensible au cœur, non à la raison.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Il faut qu’il y ait un étrange renversement dans la nature de l’homme pour faire gloire d’être dans cet état, dans lequel il semble incroyable qu’une seule personne puisse être. Cependant l’expérience m’en fait voir un si grand nombre, que cela serait surprenant si nous ne savions que la plupart de ceux qui s’en mêlent se contrefont et ne sont pas tels en effet. Ce sont des gens qui ont ouï dire que les belles manières du monde consistent à faire ainsi l’emporté. C’est ce qu’ils appellent avoir secoué le joug, et qu’ils essayent d’imiter. Mais il ne serait pas difficile de leur faire entendre combien ils s’abusent en cherchant par là de l’estime.

Miracles III (Laf. 908, Sel. 451). Superstition et concupiscence.

Scrupules, désirs mauvais.

Crainte mauvaise.

Crainte, non celle qui vient de ce qu’on croit Dieu, mais celle de ce qu’on doute s’il est ou non. La bonne crainte vient de la foi, la fausse crainte du doute ; la bonne crainte jointe à l’espérance, parce qu’elle naît de la foi et qu’on espère au Dieu que l’on croit ; la mauvaise jointe au désespoir parce qu’on craint le Dieu auquel on n’a point eu foi. Les uns craignent de le perdre, les autres de le trouver.

 

Laf. 954, Sel. 789. On ne vit pas longtemps dans l’impiété ouverte, ni naturellement dans les grandes austérités.

Une religion accommodée est propre à durer.

On les cherche par libertinage.

 

Mots-clés : ChrétienCœurEntre-deuxFoiLibertinage – Piété – SentimentSuperstition.