Fragment Prophéties n° 15 / 27  – Papier original : RO 167-4

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Prophéties n° 355 p. 167 v°-169 / C2 : p. 201-202

Éditions de Port-Royal : Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 114-115  / 1678 n° 1 p. 114-115

Éditions savantes : Faugère II, 270, II / Havet XVIII.1 / Brunschvicg 706 / Tourneur p. 285-5 / Le Guern 316 / Lafuma 335 / Sellier 368

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Bibliographie

 

 

CHÉDOZEAU Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Les Préfaces de l’Ancien Testament, Paris, Champion, 2013.

DESCOTES Dominique, L’argumentation chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1993.

GOYET Thérèse, “La méthode prophétique selon Pascal”, in Méthodes chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, p. 63-74.

JOLIVET R., “Pascal et l’argument prophétique”, Revue apologétique, 15 juillet et 1er août 1923.

MESNARD Jean, “Au cœur de l’apologétique pascalienne : Dieu par Jésus-Christ”, in La culture du XVIIe siècle, p. 414-425.

MESNARD Jean, Les Pensées de Pascal, Paris, SEDES-CDU, 1993, p. 275 sq.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin Paris, Colin, 1970.

SELLIER Philippe, “La Bible de Pascal”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 185-210.

SELLIER Philippe, “Le fondement prophétique”, in Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., Paris, Champion, 2010, p. 461-470.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, Paris, Nizet, 1977.

SHIOKAWA Tetsuya, “L’autorité”, in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 47-59.

SINOIR Michel, “L’argument de prophétie selon Pascal. Sa nature particulière. Sa valeur permanente”, Esprit et Vie, 83e année, 9e série, n° 51, 20 déc. 1973, p. 745-754.

 

 

Éclaircissements

 

La plus grande des preuves de Jésus-Christ sont les prophéties.

 

Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e éd., p. 217 sq.

Sur la nature de la prophétie, voir l’introduction au livre de Daniel composée par Chédozeau Bernard, L’univers biblique catholique au siècle de Louis XIV. La Bible de Port-Royal, I, Les Préfaces de l’Ancien Testament, p. 589 sq.

Voir la Préface du Livre de Daniel dans la Bible de Port-Royal, p. XI-XII. « Nous avons marqué auparavant que la prophétie est le propre caractère de la divinité ; et il est facile de le prouver. Car si un homme, par exemple, entreprend de faire voir l’existence du vrai Dieu par la création de l’univers, et par cet ordre admirable qui paraît dans toute la nature, un impie s’élèvera contre lui, en lui soutenant que le ciel et la terre sont de toute éternité, sans aucun principe qui les ait produits : et il n’est pas si aisé de le réduire au silence. Mais si l’on convient d’une prophétie, comme de celle de Daniel, et qu’on ne puisse raisonnablement la contester, si l’on demeure d’accord qu’elle a été proposée à tout un peuple plusieurs siècles avant que les choses qui y sont prédites se soient accomplies, et si enfin l’accomplissement de ces choses n’est pas moins incontestable, nul impie qui ne voudra pas renoncer à la raison ne pourra se dispenser de reconnaître qu’il y a nécessairement quelque être supérieur à tous les corps et à toutes les causes naturelles, qui gouverne toutes choses ; qui est le maître de toutes les révolutions humaines, à qui les plus grands empires sont absolument soumis, comme ils ne sont devenus grands que par un effet de sa volonté souveraine, et qui connaissant par conséquent avec certitude tout l’avenir, dont il dispose infailliblement par sa providence, peut seul le faire connaître à qui lui plaît, sans aucune distinction des temps et des siècles, parce qu’ils sont tous comme un instant aux yeux de celui à qui toute l’éternité est toujours présente. Or cet être souverain et éternel est ce que nous appelons le vrai Dieu. Saint Augustin a donc eu très grande raison de dire qu’il n’y a rien de si puissant pour établir notre foi et la véritable religion qui conduit à Dieu, que l’autorité des oracles et des divines prophéties ».

Goyet Thérèse, “La méthode prophétique selon Pascal”, in Méthodes chez Pascal, Paris, Presses Universitaires de France, 1979, p. 63-74.

Quoiqu’il estime la preuve de Jésus-Christ par les prophéties essentielle, Pascal est conscient des problèmes que peut poser :

Laf. 593, Sel. 493. Par le moyen de ce que ce peuple ne l’a pas reçu est arrivée cette merveille que voici : Les prophéties sont les seuls miracles subsistants qu’on peut faire, mais elles sont sujettes à être contredites. (texte barré verticalement)

Laf. 594, Sel. 491. Conduite générale du monde envers l’Église. Dieu voulant aveugler et éclairer.

L’événement ayant prouvé la divinité de ces prophéties le reste doit en être cru et par là nous voyons l’ordre du monde en cette sorte.

Les miracles de la création et du déluge s’oubliant Dieu envoya la loi et les miracles de Moïse, les prophètes qui prophétisent des choses particulières. Et pour préparer un miracle subsistant il prépare des prophéties et l’accomplissement. Mais les prophéties pouvant être suspectes il veut les rendre non suspectes, etc.

Ces deux fragments relient l’idée de la prophétie comme miracle subsistant à celle que Dieu veut aveugler et éclaircir. En effet, c’est l’aveuglement des Juifs qui ont refusé les prophéties qui sert à éclairer ceux qui ont assez de lumière pour les comprendre. Il y a là une dialectique de la clarté et de l’obscurcissement. Voir sur ce point l’analyse de Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 201 sq.

 

C’est aussi à quoi Dieu a le plus pourvu, car l’événement qui les a remplies est un miracle subsistant

 

Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 202 sq.

Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e éd., p. 217 sq. Il y a prophétie lorsque la chose prédite arrive, dans des conditions telles qu’on ne puisse pas invoquer le hasard.

Dans les textes dans lesquels il approfondit la nature des miracles, Pascal établit une distinction entre prophétie et miracle.

Miracles II (Laf. 846, Sel. 429). La prophétie n’est point appelée miracle. Comme saint Jean parle du premier miracle en Cana, et puis de ce que Jésus-Christ dit à la Samaritaine qui découvre toute sa vie cachée, et puis guérit le fils d’un seigneur. Et saint Jean appelle cela le deuxième signe.

Pourtant, dans le présent fragment, les prophéties sont définies comme un type particulier de miracle. Le fragment Prophéties 15 établit un rapport entre l’argument de la prophétie et celui du miracle : la prophétie est un miracle subsistant.

L’accent est mis sur subsistant ; ce qui fait le caractère décisif, ce n’est pas que les prophéties soient miraculeuses, car en soi le miracle n’est pas convaincant ; c’est qu’elles soient subsistantes, et donc convaincantes quelle que soit l’époque.

L’évolution de la réflexion de Pascal sur l’argument du miracle a été étudiée par Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, et par Shiokawa Tetsuya, Pascal et les miracles.

Si, suite au miracle de la sainte Épine, Pascal a pu penser à invoquer l’argument des miracles en faveur de la religion chrétienne, il y a finalement renoncé. Il est clair en effet que cet argument n’est pas convaincant. Quel que soit le miracle invoqué, il souffre des défauts suivants :

1. un miracle ponctuel, qui s’éloigne dans le temps, peut toujours être mis en doute par des historiens scrupuleux, et l’éloignement dans le temps donne aux hommes l’impression d’un événement non seulement douteux ou mal avéré, mais dépourvu de rapport avec eux, donc sans « intérêt » à leur égard.

2. Le miracle étant défini comme effet au-dessus de la force naturelle des moyens qu’on y emploie (Miracles I - Laf. 830, Sel. 419), il est toujours possible, pour un incrédule, d’alléguer que l’on ne peut connaître vraiment les forces de la Nature dans leur totalité, de sorte que l’on peut toujours prendre un phénomène simplement extraordinaire pour un phénomène miraculeux.

Cependant, quoiqu’il ait renoncé à l’argument ordinaire du miracle, Pascal ne l’a pas entièrement abandonné : il l’a déplacé de cas particuliers non convaincants pour le métamorphoser en un cas particulier auquel son ampleur donne une grande puissance de persuasion : la prophétie conçue comme miracle subsistant. Le critère de discernement n’est pas différent de celui des miracles particuliers (comme le miracle de la saint Épine) : c’est toujours un effet qui dépasse les moyens naturels mis en œuvre. Mais alors que, pour les miracles ponctuels, on peut toujours imaginer qu’ils sont produits par des causes naturelles inconnues, de sorte qu’ils peuvent toujours être récusés, dans le cas de la prophétie, on est devant un effet d’une telle ampleur dans le temps, dans l’espace et par rapport aux facultés de l’homme qu’aucune cause naturelle ne peut être invoquée pour son explication.

Les prophéties peuvent être prises comme des miracles. Voir Descotes Dominique, L’argumentation chez Pascal, p. 327 sq. Yahvé seul sait prédire l’avenir. Il est évident que la prédiction de l’avenir est au-dessus des forces de l’homme, et, conformément à la définition que Pascal donne du miracle, il est clair que lorsqu’un homme prédit des événements et sa prophétie se réalise, il n’y a pas de proportion entre les moyens naturels de l’esprit humain et la prophétie elle-même.

D’autre part, comme le fait prophétique englobe toute l’histoire humaine, il ne peut pas être considéré comme un effet sans rapport avec nous, et auquel nous pouvons demeurer indifférents.

La prophétie peut donc être considérée comme un miracle, mais c’est le seul miracle véritablement convaincant.

Mesnard Jean, “Au cœur de l’apologétique pascalienne : Dieu par Jésus-Christ”, in La culture du XVIIe siècle, p. 414-425. Voir p. 416 sq. Les miracles sont les signes par excellence qui traduisent l’insertion de Dieu dans l’histoire contemporaine. La réalisation des prophéties a une valeur probante quand on considère le fait prophétique pris dans son ensemble, comme miracle subsistant : p. 418. Sur l’extension de l’argument de la prophétie dans l’argument de la perpétuité, voir p. 418.

Pascal ne néglige pas pour autant l’importance des miracles particuliers. Il les interprète dans leur rapport de nécessité mutuelle avec les prophéties.

Gouhier Henri, Blaise Pascal. Commentaires, 2e éd., p. 218. Les prophéties ne sont probantes qu’après leur réalisation. Au temps des prophètes, ce ne sont des prophéties qu’en intention, et ne peuvent donc servir de preuves. Il a donc fallu que des miracles persuadent les hommes de la présence de Dieu.

Du temps de Jésus, les prophéties messianiques ne sont pas accomplies, et ne peuvent donc pas non plus servir de preuves. Il faut donc que le Christ opère des miracles, pour témoigner de sa divinité.

Mais après l’ascension du Christ, les prophéties sont accomplies et apparaissent comme un miracle qui englobe toute l’Histoire de l’humanité. Ce miracle dispense de tous les autres.

Laf. 594, Sel. 491. Les miracles de la création et du déluge s’oubliant, Dieu envoya la loi et les miracles de Moïse, les prophètes qui prophétisent des choses particulières. Et pour préparer un miracle subsistant il prépare des prophéties et l’accomplissement.

Soumission 14 (Laf. 180, Sel. 211). J.-C. a fait des miracles et les apôtres ensuite. Et les premiers saints en grand nombre, parce que les prophéties n’étant pas encore accomplies, et s’accomplissant par eux, rien ne témoignait que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût-elle accomplie sans la conversion des nations, et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent. Avant donc qu’il ait été mort, ressuscité et converti les nations tout n’était pas accompli et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps. Maintenant il n’en faut plus contre les Juifs, car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant.

Pascal n’a donc pas abandonné l’argument des miracles dans son projet d’apologie. Il a renoncé à invoquer des miracles ponctuels, particuliers, et qui ne demeurent pas sous les yeux des hommes en permanence, pour une preuve appuyée sur un miracle massif, parfaitement visible, et qui enveloppe toute l’histoire des hommes.

 

depuis la naissance de l’Église jusques à la fin. Aussi Dieu a suscité des prophètes durant 1 600 ans et pendant 400 ans après

 

Les Juifs, témoins de la religion chrétienne, ne sont pas seulement partout, ils sont aussi toujours. Voir sur ce point Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 494 sq.

Pour la chronologie du prophétisme, voir les indications fournies dans le dossier Prophéties 11 (Laf. 332, Sel. 364), ou dans la Chronologia sacra in qua certe quaedam annorum numerandorum formae explicantur, Mundi aetates demonstrantur, Christi mors ac nativitas examinantur, et antiqua historia ab orbe condito ad eversam Jerusalem deducitur et son Appendice que Lancelot a placés dans la Biblia sacra Vulgatae editionis, Paris, Vitré, 1662. Les Préfaces de la Bible de Port-Royal, notamment de la Genèse et des Douze petits prophètes, fournissent aussi des repères chronologiques utiles. Voir l’étude de Bernard Chédozeau, “l’histoire et la géographie sacrée à Port-Royal”, in Port-Royal et la Bible. Un siècle d’or de la Bible en France, 1650-1708, Paris, Nolin, 2007, p. 237-064. Philippe Sellier donne une chronologie du prophétisme telle que Pascal la conçoit dans sont étude sur “Le “fondement” prophétique”, in Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., p. 463 sq. On peut la compléter à l’aide de la chronologie générale proposée par N. Fontaine dans les dernières pages de son Histoire du Vieux et du Nouveau Testament avec des explications édifiantes tirées des saints Pères.

Les 4 000 ans vont de la création du monde à l’avènement du Christ.

Pascal affirme que Dieu a suscité des prophètes durant 1 600 ans, et pendant 400 ans après, il a dispersé avec tous les juifs qui les portaient dans tous les lieux du monde toutes leurs prophéties. Le total de 1 600 + 400, soit 2 000, renvoie à peu de chose près à l’époque à laquelle, selon la chronologie de la Bible de Port-Royal, Abraham naît, soit en 1 996 avant Jésus-Christ.

Selon les vues de Port‑Royal, le prophétisme proprement dit s’étend d’Abraham au « dernier des prophètes », Malachie, dont l’activité commence en 454. Après Malachie, la prophétie cesse. Voir ce qu’écrit Philippe Sellier, “Le “fondement” prophétique”, in Port-Royal et la littérature, Pascal, 2e éd., p. 461-470.

Brunschvicg 706 (Prophéties 15), GEF XIV, p. 140, interprète les nombres 1 600 et 400 comme suit : « de ces deux périodes, l’une commence à Abraham et l’autre finit à Jésus-Christ. L’événement qui les sépare serait la dispersion des Juifs, contemporaine de la captivité de Babylone ».

Preuves par les Juifs V (Laf. 456, Sel. 696). Ceci est effectif : Pendant que tous les philosophes se séparent en différentes sectes il se trouve en un coin du monde des gens qui sont les plus anciens du monde, déclarent que tout le monde est dans l’erreur, que Dieu leur a révélé la vérité, qu’elle sera toujours sur la terre. En effet toutes les autres sectes cessent ; celle-là dure toujours et depuis 4 000 ans ils déclarent qu’ils tiennent de leurs ancêtres que l’homme est déchu de la communication avec Dieu dans un entier éloignement de Dieu, mais qu’il a promis de les racheter que cette doctrine serait toujours sur la terre, que leur loi a double sens.

Que durant 1 600 ans ils ont eu des gens qu’ils ont crus prophètes qui ont prédit le temps et la manière.

Que 400 ans après ils ont été épars partout, parce que J.-C. devait être annoncé partout.

Que J.-C. est venu en la manière et au temps prédit.

Que depuis les juifs sont épars partout en malédiction, et subsistant néanmoins.

Preuves par les Juifs V (Laf. 457, Sel. 696). 2.000 : 1 600 prophètes / 400 épars.

Les prophéties distribuées en tous temps : voir Dossier de travail (Laf. 385, Sel. 4). Mais ce n’était pas assez que les prophéties fussent, il fallait qu’elles fussent distribuées par tous les lieux et conservées dans tous les temps. Et afin qu’on ne prenne point l’avènement pour un effet du hasard il fallait que cela fût prédit.

Laf. 793, Sel. 646. Je trouve d’effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple.

Il est annoncé constamment aux hommes qu’ils sont dans une corruption universelle, mais qu’il viendra un Réparateur.

Que ce n’est pas un homme qui le dit, mais une infinité d’hommes, et un peuple entier, prophétisant et fait exprès durant 4 000 ans ; leurs livres dispersés durant 400 ans.

 

il a dispersé toutes ces prophéties avec tous les Juifs qui les portaient dans tous les lieux du monde.

 

La Genèse, tr. Sacy, Préface, § V. Le peuple juif devenu comme un grand prophète.

Les prophéties distribuées en tous lieux : voir Dossier de travail (Laf. 385, Sel. 4). Mais ce n’était pas assez que les prophéties fussent, il fallait qu’elles fussent distribuées par tous les lieux et conservées dans tous les temps.

Et afin qu’on ne prenne point l’avènement pour un effet du hasard il fallait que cela fût prédit.

Il est bien plus glorieux au Messie qu’ils soient les spectateurs et même les instruments de sa gloire, outre que Dieu les ait réservés.

Il ne faut pas confondre cette dispersion dans tous les lieux du monde avec celle qui a suivi la destruction de Jérusalem par les Romains. Les 400 ans dont il est ici question se situent avant l’avènement du Christ, alors que la prise de Jérusalem date de 70 après Jésus-Christ.

La période de 400 ans dont parle Pascal correspond aux dominations successives des Perses, des souverains hellénistiques et des Romains. Beaucoup de Juifs restèrent dans les pays où on les avait déplacés. Ce temps de domination étrangère a paradoxalement contribué à renforcer la foi dans le Dieu d’Israël, fort ruinée durant les rois nationaux. D’autre part, beaucoup de Juifs partis en pays étrangers, ont fait pénétrer la notion du Dieu unique, préparant ainsi la voie de l’évangélisation. Voir Simon M. et Benoit A., Le judaïsme et le christianisme antique, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1968, p. 69 sq. La diaspora dans le judaïsme hellénistique est évaluée à plusieurs millions d’âmes. Sur la mentalité et la culture judéo-hellénistique, voir p. 70 sq.

Laf. 793, Sel. 646. Je trouve d’effectif que depuis que la mémoire des hommes dure, voici un peuple qui subsiste plus ancien que tout autre peuple.

Il est annoncé constamment aux hommes qu’ils sont dans une corruption universelle, mais qu’il viendra un Réparateur.

Que ce n’est pas un homme qui le dit, mais une infinité d’hommes, et un peuple entier, prophétisant et fait exprès durant 4 000 ans ; leurs livres dispersés durant 400 ans.

Cette dispersion des Juifs (diaspora) après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple était nécessaire pour répandre la connaissance du Christ. Sur les dispersions qui ont affligé le peuple juif, voir le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, article Galout, p. 425 sq. Le mot galout désigne en hébreu de la Bible l’exil, la captivité ; un synonyme est golah. Dans la Bible le mot galout n’est jamais un terme abstrait se référant à l’errance ou à l’esclavage, l’association avec ces concepts ne s’est faite qu’après la destruction du second temple, à l’époque talmudique. Avec le temps, le mot est devenu synonyme de diaspora (dispersion) : il désignait tout pays, hors d’Erets Israël, où vivaient des Juifs, sans tenir compte de la manière dot ils y étaient parvenus. La notion d’exil se trouve tôt dans le Bible : le séjour des Israéliens en Égypte représente le paradigme de la notion de galout ; ce sera toujours le cas dans la littérature rabbinique. Dans la littérature prophétique, l’exil est la punition qui sanctionne Israël pécheur ; mais il ne signifie pas que l’alliance entre Dieu et son peuple est révoquée. L’exil de Babylone : p. 426 sq.

 

Voilà quelle a été la préparation à la naissance de Jésus-Christ dont l’Évangile devant être cru de tout le monde, il a fallu non seulement qu’il y ait eu des prophéties pour le faire croire mais que ces prophéties fussent par tout le monde pour le faire embrasser par tout le monde.

 

Ordre 1 (Laf. 1, Sel. 37). Les psaumes chantés par toute la terre.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 492. Sur les « psaumes chantés par toute la terre ». La mention des Psaumes s’explique par saint Augustin, pour qui ils sont le livre prophétique par excellence. Voir La Cité de Dieu, XVCIII, 49 ; In Joh. tr. 45, n. 9, etc. Voir les Confessions, IX, IV, 8 : « a toto orbe terrarum cantantur ». La formule signifie que la terre entière entend les prophéties messianiques et se trouve ainsi préparée à entendre la vérité de la prédication catholique. De sorte que les témoins sont partout. Voir la discussion de ce point p. 492 sq. Pascal reprend sans hésitation une idée de saint Augustin, alors qu’il est beaucoup moins évident en son temps que les Juifs soient répandus dans le monde entier, qu’à l’époque d’Augustin, où les communautés juives se trouvaient dans la plupart des régions du monde connu.

Saint Augustin, Cité de Dieu, XVIII, Bibliothèque augustinienne, p. 651 sq. et surtout p. 653. Si les Juifs étaient restés avec ce témoignage des Écritures confinés dans leur propre pays, au lieu d’être partout, l’Église, qui, elle, est partout, ne pourrait assurément les avoir dans toutes les nations comme témoins des prophéties qui furent émises sur le Christ.

Prophéties 11 (Laf. 332, Sel. 364). Prophéties. Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions de J.-C. pour le temps et pour la manière et que J.-C. serait venu conformément à ces prophéties ce serait une force infinie. Mais il y a bien plus ici. C’est une suite d’hommes durant quatre mille ans qui constamment et sans variations viennent l’un ensuite de l’autre prédire ce même avènement. C’est un peuple tout entier qui l’annonce et qui subsiste depuis 4 000 années pour rendre en corps témoignage des assurances qu’ils en ont, et dont ils ne peuvent être divertis par quelques menaces et persécutions qu’on leur fasse. Ceci est tout autrement considérable.