Fragment Soumission et usage de la raison n° 14 / 23  – Papier original : RO 193-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : Soumission n° 234 p. 83 / C2 : p. 109-110

Éditions de Port-Royal : Chap. XVI - Diverses preuves de Jésus-Christ : 1669 et janv. 1670 p. 129 / 1678 n° 4 p. 128-129

Éditions savantes : Faugère II, 214, V / Havet XIX.3 / Michaut 423 / Brunschvicg 838 / Tourneur p. 230-3 / Le Guern 169 / Lafuma 180 / Sellier 211

 

 

 

Jésus-Christ a fait des miracles et les apôtres ensuite. Et les premiers saints en grand nombre, parce que les prophéties n’étant pas encore accomplies, et s’accomplissant par eux, rien ne témoignait que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût‑elle accomplie sans la conversion des nations, et comment les nations se fussent‑elles converties, au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent. Avant donc qu’il ait été mort, ressuscité et converti les nations tout n’était pas accompli et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps. Maintenant il n’en faut plus contre les Juifs et les impies, car les prophéties accomplies sont un miracle subsistant.

 

 

Ce fragment se rattache aux premières recherches de Pascal en vue de la composition d’une apologie. On sait que le miracle de la sainte Épine (24 mars 1656) a été cause d’une grande joie pour lui, et qu’il a suscité chez lui « plusieurs pensées très importantes sur les miracles en général, tant de l’ancien que du nouveau Testament » (La vie de Monsieur Pascal, 2e version, § 39, OC I, éd. J. Mesnard, p. 618). Les réflexions que Pascal a notées sur ce sujet se trouvent dans les dossiers XXXII, XXXIII et XXXIV de l’édition Lafuma (dossiers que nous désignons par Miracles I, II et III). Elles ont été exclues du projet d’apologie. Le présent fragment semble en être un vestige, dont Pascal a jugé qu’il était nécessaire à sa démonstration.

D’autre part, la présence de ce fragment dans la liasse Soumission et usage de la raison peut aussi avoir quelque chose de surprenant, du fait qu’il traite des prophéties : pourquoi aborder dès ce moment cette question des prophéties, alors que la table des titres indique que Pascal comptait lui consacrer une liasse ultérieure ?

Pol Ernst, Approches pascaliennes, p. 233 sq., a posé la question, et tente de la résoudre en soulignant que les miracles sont des signes dont le Christ lui-même a signalé l’importance. Mais il laisse « de côté les considérations par lesquelles Pascal explique pourquoi les miracles ont précédé les prophéties », qui forment l’essentiel du texte.

 

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Fragments connexes

 

Soumission 3 (Laf. 169, Sel. 200). Je ne serais pas chrétien sans les miracles, dit saint Augustin.

Soumission 18 (Laf. 184, Sel. 215). On n’aurait point péché en ne croyant pas Jésus-Christ sans les miracles.

Religion aimable 1 (Laf. 221, Sel. 254). J. C. pour tous. Moïse pour un peuple.

Les Juifs bénis en Abraham. Je bénirai ceux qui te béniront, mais toutes nations bénies en sa semence.

Parum est ut etc. Isaïe. / Lumen ad revelationem gentium.

Non fecit taliter omni nationi, disait David, en parlant de la loi. Mais en parlant de J. C. il faut dire : Fecit taliter omni nationi, parum est ut etc. Isaïe.

Aussi c’est à J. C. d’être universel. L’Église même n’offre le sacrifice que pour les fidèles. J. C. a offert celui de la croix pour tous.

Prophéties 15 (Laf. 335, Sel. 367). La plus grande des preuves de J.-C. sont les prophéties. C’est à quoi Dieu a le plus pourvu, car l’événement qui les a remplies est un miracle subsistant depuis la naissance de l’Église jusques à la fin. Aussi Dieu a suscité des prophètes durant 1.600 ans et pendant 400 ans après il a dispersé toutes ces prophéties avec tous les juifs qui les portaient dans tous les lieux du monde. Voilà quelle a été la préparation à la naissance de J.-C. dont l’Évangile devant être cru de tout le monde, il a fallu non seulement qu’il y ait eu des prophéties pour le faire croire mais que ces prophéties fussent par tout le monde pour le faire embrasser par tout le monde.

Pensées diverses (Laf. 594, Sel. 491). Conduite générale du monde envers l’Église. Dieu voulant aveugler et éclairer.

L’événement ayant prouvé la divinité de ces prophéties le reste doit en être cru et par là nous voyons l’ordre du monde en cette sorte.

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Les miracles de la Création et du déluge s’oubliant Dieu envoya la loi et les miracles de Moïse, les prophètes qui prophétisent des choses particulières. Et pour préparer un miracle subsistant il prépare des prophéties et l’accomplissement. Mais les prophéties pouvant être suspectes il veut les rendre non suspectes, etc.

Miracles II (Laf. 846, Sel. 429). La prophétie n’est point appelée miracle. Comme saint Jean parle du premier miracle en Cana, et puis de ce que Jésus-Christ dit à la Samaritaine qui découvre toute sa vie cachée, et puis guérit le fils d’un seigneur. Et saint Jean appelle cela le 2e signe.

 

Mots-clés : Apôtre – Conversion – Jésus-ChristJuifMessieMiracle – Nation – PreuveProphétieRésurrectionSaint – Subsistant.