Dossier de travail - Fragment n° 12 / 35  – Papier original : RO 481-3

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 10 et 11 p. 193-193 v° / C2 : p. 4

Éditions de Port-Royal :

     Premier § : Chap. XVIII - Dessein de Dieu de se cacher aux uns, et de se découvrir aux autres : 1669 et janvier 1670 p. 143  / 1678 n° 16 p. 141-142

     Le deuxième § a été ajouté dans l’édition de 1678 : Chap. XXVIII - Pensées chrétiennes : 1678 n° 26 p. 240-241

Éditions savantes : Faugère II, 179, IV / Havet XXIV.19 / Brunschvicg 288 / Tourneur p. 302-2 / Le Guern 373 / Lafuma 394 / Sellier 13

 

 

 

Au lieu de vous plaindre de ce que Dieu s’est caché, vous lui rendrez grâces de ce qu’il s’est tant découvert, et vous lui rendrez grâces encore de ce qu’il ne s’est pas découvert aux sages superbes indignes de connaître un Dieu si saint.

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Deux sortes de personnes connaissent : ceux qui ont le cœur humilié et qui aiment la bassesse, quelque degré d’esprit qu’ils aient, haut ou bas, ou ceux qui ont assez d’esprit pour voir la vérité, quelques oppositions qu’ils y aient.

 

 

L’idée du Dieu caché peut paraître choquante, voire contradictoire : pourquoi Dieu se cache-t-il, alors qu’il est censé se révéler aux hommes par l’Écriture et la venue du Christ ? Pascal répond que paradoxalement, non seulement il n’y a pas lieu de s’en plaindre, mais qu’il y a toutes raisons de l’en louer.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Voir les fragments cités dans le dossier Dieu caché, ainsi que la lettre de Pascal à Melle de Roannez du 29 octobre 1656, OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1035 sq.

Ordre 3 (Laf. 5, Sel. 39). Ordre.

Une lettre d’exhortation à un ami pour le porter à chercher. Et il répondra : mais à quoi me servira de chercher, rien ne paraît. Et lui répondre : ne désespérez pas. Et il répondrait qu’il serait heureux de trouver quelque lumière. Mais que selon cette religion même quand il croirait ainsi cela ne lui servirait de rien. Et qu’ainsi il aime autant ne point chercher. Et à cela lui répondre : La Machine.

Contrariétés 1 (Laf. 119, Sel. 151). Après avoir montré la bassesse et la grandeur de l’homme.

Que l’homme maintenant s’estime son prix. Qu’il s’aime, car il y a en lui une nature capable de bien ; mais qu’il n’aime pas pour cela les qui y sont. Qu’il se méprise, parce que cette capacité est vide ; mais qu’il ne méprise pas pour cela cette capacité naturelle. Qu’il se haïsse, qu’il s’aime : il a en lui la capacité de connaître la vérité et d’être heureux ; mais il n’a point de vérité, ou constante, ou satisfaisante.

Commencement 8 (Laf. 158, Sel. 190). Par les partis vous devez vous mettre en peine de rechercher la vérité, car si vous mourez sans adorer le vrai principe vous êtes perdu. Mais, dites-vous, s’il avait voulu que je l’adorasse il m’aurait laissé des signes de sa volonté. Aussi a-t-il fait, mais vous les négligez. Cherchez les donc ; cela le vaut bien.

Soumission 12 (Laf. 178, Sel. 209). Voyez les deux sortes d’hommes dans le titre Perpétuité.

Fondement 5 (Laf. 228, Sel. 260). Que disent les prophètes de Jésus-Christ ? Qu’il sera évidemment Dieu ? non mais qu’il est un Dieu véritablement caché, qu’il sera méconnu, qu’on ne pensera point que ce soit lui, qu’il sera une pierre d’achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc.

Qu’on ne nous reproche donc plus le manque de clarté puisque nous en faisons profession. Mais, dit-on, il y a des obscurités et sans cela on ne serait pas aheurté à Jésus-Christ. Et c’est un des desseins formels des prophètes : excaeca.

Fondement 19 (Laf. 242, Sel. 275). Que Dieu s’est voulu cacher.

S’il n’y avait qu’une religion Dieu y serait bien manifeste.

S’il n’y avait des martyrs qu’en notre religion de même.

Dieu étant ainsi caché toute religion qui ne dit pas que Dieu est caché n’est pas véritable, et toute religion qui n’en rend pas la raison n’est pas instruisante. La nôtre fait tout cela. Vere tu es deus absconditus.

Morale chrétienne 16 (Laf. 366, Sel. 398). Deux sortes d’hommes en chaque religion. Voyez Perpétuité.

Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680). N’y a-t-il point moyen de voir le dessous du jeu ? oui, l’Écriture et le reste, etc.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). Qu’ils apprennent au moins quelle est la religion qu’ils combattent avant que de la combattre. Si cette religion se vantait d’avoir une vue claire de Dieu, et de le posséder à découvert et sans voile, ce serait la combattre que de dire qu’on ne voit rien dans le monde qui le montre avec cette évidence. Mais puisqu’elle dit au contraire, que les hommes sont dans les ténèbres et dans l’éloignement de Dieu, qu’il s’est caché à leur connaissance, que c’est même le nom qu’il se donne dans les Écritures, Deus absconditus ; et, enfin, si elle travaille également à établir ces deux choses : que Dieu a établi des marques sensibles dans l’Église pour se faire reconnaître à ceux qui le chercheraient sincèrement ; et qu’il les a couvertes néanmoins de telle sorte qu’il ne sera aperçu que de ceux qui le cherchent de tout leur cœur, quel avantage peuvent-ils tirer, lorsque dans la négligence où ils font profession d’être de chercher la vérité, ils crient que rien ne la leur montre, puisque cette obscurité où ils sont, et qu’ils objectent à l’Église, ne fait qu’établir une des choses qu’elle soutient, sans toucher à l’autre, et établit sa doctrine, bien loin de la ruiner ?

Preuves par discours III (Laf. 444, Sel. 690). Il est donc vrai que tout instruit l’homme de sa condition, mais il le faut bien entendre : car il n’est pas vrai que tout découvre Dieu, et il n’est pas vrai que tout cache Dieu. Mais il est vrai tout ensemble qu’il se cache à ceux qui le tentent, et qu’il se découvre à ceux qui le cherchent, parce que les hommes sont tout ensemble indignes de Dieu et capables de Dieu : indignes par leur corruption, capables par leur première nature.

Preuves par discours III (Laf. 446, Sel. 690). S’il n’y avait point d’obscurité l’homme ne sentirait point sa corruption, s’il n’y avait point de lumière l’homme n’espérerait point de remède, ainsi il est non seulement juste, mais utile pour nous que Dieu soit caché en partie et découvert en partie puisqu’il est également dangereux à l’homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître Dieu.

Pensées diverses (Laf. 562, Sel. 469). Il n’y a que deux sortes d’hommes, les uns justes qui se croient pécheurs, les autres pécheurs qui se croient justes.

Pensées diverses (Laf. 781, Sel. 644). En adressant leurs discours aux impies leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de la nature. Je ne m’étonnerais pas de leur entreprise s’ils adressaient leurs discours aux fidèles, car il est certain que ceux qui ont la foi vive dedans le cœur voient incontinent que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent, mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte et dans lesquels on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi et de grâce, qui recherchant de toute leur lumière tout ce qu’ils voient dans la nature qui les peut mener à cette connaissance ne trouvent qu’obscurité et ténèbres, dire à ceux-là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent et qu’ils y verront Dieu à découvert et leur donner pour toute preuve de ce grand et important sujet le cours de la lune et des planètes et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours, c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles et je vois par raison et par expérience que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris. Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus-Christ, hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée. Nemo novit patrem nisi filius et cui filius voluit revelare. C’est ce que l’Écriture nous marque quand elle dit en tant d’endroits que ceux qui cherchent Dieu le trouvent. Ce n’est point de cette lumière qu’on parle comme le jour en plein midi. On ne dit point que ceux qui cherchent le jour en plein midi ou de l’eau dans la mer en trouveront et ainsi il faut bien que l’évidence de Dieu ne soit pas telle dans la nature. Aussi elle nous dit ailleurs : vere tu es deus absconditus.

Pensées diverses (Laf. 793, Sel. 646). Il est juste qu’un Dieu si pur ne se découvre qu’à ceux dont le cœur est purifié. Dieu est caché, veut se cacher, et ne se découvre qu’aux purifiés.

 

Pensée n° 9I (Laf. 921, Sel. 752). Deus absconditus.

 

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