Pensées diverses I – Fragment n° 8 / 37 – Papier original : RO 127-1

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 92 p. 333 v°-335  / C2 : p. 285-286

Éditions de Port-Royal :

    Chap. XXVIII - Pensées chrestiennes : 1669 et janvier 1670 p. 263 / 1678 n° 50 p. 255

    Deux notes ont été ajoutées dans l’édition de 1678 : Chap. XXV - Faiblesse de l’homme : n° 12 p. 192 et Chap. XXXI - Pensées diverses : n° 20 p. 324-325

Éditions savantes : Faugère II, 317, XI ; I, 200, LXIV et LXV / Havet XXV.209.10, XXIV.29, III.11, VI.47 / Brunschvicg 744, 84, 107  / Tourneur p. 74 / Le Guern 475 / Lafuma 550 à 552  (série XXIII) / Sellier 461

 

 

 

Priez, de peur d’entrer en tentation. Il est dangereux d’être tenté. Et ceux qui le sont c’est parce qu’ils ne prient pas.

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Et tu conversus confirma fratres tuos, mais auparavant, conversus Jesus respexit Petrum.

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Saint Pierre demande permission de frapper Malchus, et frappe devant que d’ouïr la réponse, et Jésus-Christ répond après.

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Le mot de Galilée que la foule des Juifs prononça comme par hasard en accusant Jésus-Christ devant Pilate donna sujet à Pilate d’envoyer Jésus-Christ à Hérode. En quoi fut accompli le mystère qu’il devait être jugé par les Juifs et les gentils. Le hasard en apparence fut la cause de l’accomplissement du mystère.

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L’imagination grossit les petits objets jusqu’à en remplir notre âme par une estimation fantastique, et par une insolence téméraire elle amoindrit les grands jusqu’à sa mesure, comme en parlant de Dieu.

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Lustravit lampade terras. Le temps et mon humeur ont peu de liaison : j’ai mes brouillards et mon beau temps au-dedans de moi. Le bien et le mal de mes affaires mêmes y fait peu. Je m’efforce quelquefois de moi‑même contre la fortune. La gloire de la dompter me la fait dompter gaiement, au lieu que je fais quelquefois le dégoûté dans la bonne fortune.

 

 

Ce papier propose des remarques de genre différent : les unes touchent des épisodes significatifs de la vie du Christ, et deux d’entre elles appartiennent plutôt au genre de la littérature de moraliste (allusion à l’imagination, et à l’humeur). Cependant, même dans ces dernières, l’origine religieuse de la pensée est sensible dans le style et l’expression. Les deux sources ne sont presque jamais disjointes chez Pascal.

 

Et tu conversus confirma fratres tuos : « Lorsque vous serez converti, ayez soin d’affermir vos frères ».

conversus Jesus respexit Petrum : « Et le Seigneur se retournant regarda Pierre. »

Lustravit lampade terras : « [le père lui-même, Jupiter,] a baigné la terre d’une lumière féconde. »

 

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Fragments connexes

 

Vanité 23 (Laf. 36, Sel. 70). Qui ne voit pas la vanité du monde est bien vain lui-même.

Aussi qui ne la voit, excepté de jeunes gens qui sont tous dans le bruit, dans le divertissement et dans la pensée de l’avenir ?

Mais ôtez leur divertissement, vous les verrez se sécher d’ennui.

Ils sentent alors leur néant sans le connaître, car c’est bien être malheureux que d’être dans une tristesse insupportable, aussitôt qu’on est réduit à se considérer, et à n’en être point diverti.

Vanité 31 (Laf. 44, Sel. 78). Imagination.

Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230). Disproportion de l’homme.

[...] Si notre vue s’arrête là que l’imagination passe outre, elle se lassera plutôt de concevoir que la nature de fournir. Tout ce monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nulle idée n’en approche, nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n’enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée.

Pensées diverses (Laf. 531, Sel. 456). Ces choses qui nous tiennent le plus, comme de cacher son peu de bien, ce n’est souvent presque rien, c’est un néant que notre imagination grossit en montagne, un autre tour d’imagination nous le fait découvrir sans peine.

Miracles II (Laf. 850, Sel. 431). Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur. Dieu tente mais il n'induit pas en erreur. Tenter est procurer les occasions qui n'imposant point de nécessité, si on n'aime pas Dieu, on fera une certaine chose. Induire en erreur est mettre l'homme dans la nécessité de conclure et suivre une fausseté.

 

Mots-clés : BienDieuFortuneGalilée – Gentils – GloireHasardHumeurImaginationJésus-ChristJugementJuifsMalMalchusMoiMystèreSaint PierrePilatePrièreTéméritéTempsTentation.