Prophéties VIII – Fragment n° 1 / 2 – Papier original : RO 382-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 74 p. 305  / C2 : p. 527

Le texte a été ajouté dans l’édition de Port-Royal de 1678 : Chap. XIII - Que la loy estoit figurative n° 3 p. 96-97

Éditions savantes : Faugère II, 253, XVI ; II, 310, XXXV / Havet XVI.5 / Brunschvicg 659 et 700 / Tourneur p. 350 / Le Guern 455 / Lafuma 500 et 501 (série XIX) / Sellier 737

 

Avertissement : nous conservons les textes barrés verticalement par Pascal. Ces textes sont signalés ci-dessous sur un fond bleuté plus foncé.

 

 

Beau de voir des yeux de la foi l’histoire d’Hérode, de César.

 

Vrai.

In electis, Deus promptus est.

 

Figures.

 

Pour montrer que l’Ancien Testament est, n’est que, figuratif et que les prophètes entendaient par les biens temporels d’autres biens, c’est 1. que cela serait indigne de Dieu ; 2. que leurs discours expriment très clairement la promesse des biens temporels et qu’ils disent néanmoins que leurs discours sont obscurs et que leur sens ne sera point entendu. D’où il paraît que ce sens secret n’était point celui qu’ils exprimaient à découvert et que, par conséquent, ils entendaient parler d’autres sacrifices, d’un autre libérateur, etc. Ils disent qu’on ne l’entendra qu’à la fin des temps. Jér., 33, ult.

La troisième preuve est que leurs discours sont contraires et se détruisent. De sorte que si on pose qu’ils n’aient entendu par les mots de loi et de sacrifice autre chose que celle de Moïse, il y a contradiction manifeste et grossière. Donc ils entendaient autre chose, se contredisant quelquefois dans un même chapitre.

Or pour entendre le sens d’un auteur...

 

 

Troisième preuve : nous corrigeons le « 2 » porté sur le manuscrit pour préserver la cohérence littérale du texte.

 

Ce fragment, que Philippe Sellier classe parmi les « développements de juillet 1658 à juillet 1662 », développe des idées qui ont été exposées dans les liasses Loi figurative, Prophéties et Perpétuité, sur la doctrine des figures et du sens spirituel des Écritures. Il forme un couple avec le fragment suivant, Prophéties VIII, 2 (Laf. 502-503, Sel. 738) : le présent fragment fait un bilan des preuves du caractère figuratif des prophéties vétérotestamentaires, le suivant en approfondit la raison et la fin, comme l’indique son en-tête : Raison pourquoi figures. L’intérêt particulier de cet ensemble est qu’il montre Pascal en train d’esquisser de nouvelles preuves et d’amplifier celles qu’il avait ébauchées avant la première mise en ordre de ses papiers.

 

In electis, Deus promptus est : En ses élus, Dieu est prompt.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Loi figurative 4 (Laf. 248, Sel. 280). Les prophètes prophétisaient par figures, de ceinture, de barbe et cheveux brûlés, etc.

Loi figurative 8 (Laf. 252, Sel. 284). Deux erreurs : 1. prendre tout littéralement. 2. prendre tout spirituellement.

Loi figurative 13 (Laf. 257, Sel. 289). Contradiction.

On ne peut faire une bonne physionomie qu’en accordant toutes nos contrariétés et il ne suffit pas de suivre une suite de qualités accordantes sans accorder les contraires ; pour entendre le sens d’un auteur il faut accorder tous les passages contraires.

Ainsi pour entendre l’Écriture il faut avoir un sens dans lequel tous les passages contraires s’accordent ; il ne suffit pas d’en avoir un qui convienne à plusieurs passages accordants, mais d’en avoir un qui accorde les passages même contraires.

Tout auteur a un sens auquel tous les passages contraires s’accordent ou il n’a point de sens du tout. On ne peut pas dire cela de l’Ecriture et des prophètes : ils avaient assurément trop de bon sens. Il faut donc en chercher un qui accorde toutes les contrariétés.

Le véritable sens n’est donc pas celui des Juifs, mais en Jésus-Christ toutes les contradictions sont accordées.

Les juifs ne sauraient accorder la cessation de la royauté et principauté prédite par Osée, avec la prophétie de Jacob.

Si on prend la loi, les sacrifices et le royaume pour réalités on ne peut accorder tous les passages ; il faut donc par nécessité qu’ils ne soient que figures. On ne saurait pas même accorder les passages d’un même auteur, ni d’un même livre, ni quelquefois d’un même chapitre, ce qui marque trop quel était le sens de l’auteur ; comme quand Ezéchiel, ch. 20 dit qu’on vivra dans les commandements de Dieu et qu’on n’y vivra pas.

Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291)Pour savoir si la loi et les sacrifices sont réalité ou figure il faut voir si les prophètes en parlant de ces choses y arrêtaient leur vue et leur pensée, en sorte qu’ils n’y vissent que cette ancienne alliance, ou s’ils y voient quelque autre chose dont elle fût la peinture. Car dans un portrait on voit la chose figurée. Il ne faut pour cela qu’examiner ce qu’ils en disent.

Quand ils disent qu’elle sera éternelle entendent-ils parler de l’alliance de laquelle ils disent qu’elle sera changée et de même des sacrifices, etc.

Le chiffre a deux sens. Quand on surprend une lettre importante où l’on trouve un sens clair, et où il est dit néanmoins que le sens en est voilé et obscurci, qu’il est caché en sorte qu’on verra cette lettre sans la voir et qu’on l’entendra sans l’entendre, que doit-on penser sinon que c’est un chiffre à double sens.

Les prophètes ont dit clairement qu’Israël serait toujours aimé de Dieu et que la loi serait éternelle et ils ont dit que l’on n’entendrait point leur sens et qu’il était voilé.

Et d’autant plus qu’on y trouve des contrariétés manifestes dans le sens littéral. Combien doit‑on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connaître le sens caché, et principalement quand les principes qu’ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs ? C’est ce qu’a fait Jésus-Christ et les apôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l’homme sont ses passions, que le rédempteur serait spirituel et son règne spirituel, qu’il y aurait deux avènements, l’un de misère pour abaisser l’homme superbe, l’autre de gloire pour élever l’homme humilié, que Jésus-Christ serait Dieu et homme.

Loi figurative 20 (Laf. 265, Sel. 296). Figure porte absence et présence, plaisir et déplaisir.

Chiffre a double sens. Un clair et où il est dit que le sens est caché.

Loi figurative 23 (Laf. 268, Sel. 299). Figures.

Voilà le chiffre que saint Paul nous donne.

La lettre tue.

Tout arrivait en figures.

Il fallait que le Christ souffrît.

Un Dieu humilié.

Circoncision du cœur, vrai jeûne, vrai sacrifice, vrai temple, les prophètes ont indiqué qu’il fallait que tout cela fût spirituel.

Non la viande qui périt, mais celle qui ne périt point.

Vous seriez vraiment libre ; donc l’autre liberté n’est qu’une figure de liberté.

Je suis le vrai pain du ciel.

Loi figurative 24 (Laf. 269, Sel. 300). Quand David prédit que le Messie délivrera son peuple de ses ennemis on peut croire charnellement que ce sera des Egyptiens. Et alors je ne saurais montrer que la prophétie soit accomplie, mais on peut bien croire aussi que ce sera des iniquités. Car dans la vérité les Egyptiens ne sont point ennemis, mais les iniquités le sont.

Ce mot d’ennemis est donc équivoque, mais, s’il dit ailleurs comme il fait qu’il délivrera son peuple de ses péchés, aussi bien qu’Isaïe et les autres, l’équivoque est ôtée, et le sens double des ennemis réduit au sens simple d’iniquités. Car s’il avait dans l’esprit les péchés il les pouvait bien dénoter par ennemis mais s’il pensait aux ennemis il ne les pouvait pas désigner par iniquités.

Or Moïse et David et Isaïe usaient de mêmes termes. Qui dira donc qu’ils n’avaient pas même sens et que le sens de David qui est manifestement d’iniquités lorsqu’il parlait d’ennemis, ne fût pas le même que Moïse en parlant d’ennemis.

Loi figurative 27 (Laf. 272, Sel. 303). Figures.

Quand la parole de Dieu qui est véritable est fausse littéralement elle est vraie spirituellement. Sede a dextris meis : cela est faux littéralement, donc cela est vrai spirituellement.

En ces expressions il est parlé de Dieu à la manière des hommes. Et cela ne signifie autre chose sinon que l’intention que les hommes ont en faisant asseoir à leur droite Dieu l’aura aussi. C’est donc une marque de l’intention de Dieu, non de sa manière de l’exécuter.

Ainsi quand il dit : Dieu a reçu l’odeur de vos parfums et vous donnera en récompense une terre grasse, c’est-à-dire la même intention qu’aurait un homme qui, agréant vos parfums, vous donnerait en récompense une terre grasse, Dieu aura la même intention pour vous parce que vous avez eu pour lui même intention qu’un homme a pour celui à qui il donne des parfums.

Ainsi iratus est, Dieu jaloux, etc. Car les choses de Dieu étant inexprimables elles ne peuvent être dites autrement et l’Église d’aujourd’hui en use encore, quia confortavit seras, etc.

Il n’est pas permis d’attribuer à l’Écriture les sens qu’elle ne nous a pas révélé qu’elle a. Ainsi de dire que le ם d’Isaïe signifie 600 cela n’est pas révélé. Il n’est pas dit que les צ et les ח deficientes signifieraient des mystères. Il n’est donc pas permis de le dire. Et encore moins de dire que c’est la manière de la pierre philosophale. Mais nous disons que le sens littéral n’est pas le vrai parce que les prophètes l’ont dit eux-mêmes.

Loi figurative 29 (Laf. 274, Sel. 305). Preuve des deux testaments à la fois.

Pour prouver tout d’un coup les deux il ne faut que voir si les prophéties de l’un sont accomplies en l’autre.

Pour examiner les prophéties il faut les entendre.

Car si on croit qu’elles n’ont qu’un sens il est sûr que le Messie ne sera point venu, mais si elles ont deux sens il est sûr qu’il sera venu en Jésus-Christ.

Toute la question est donc de savoir si elles ont deux sens.

Perpétuité 9 (Laf. 287, Sel. 319). Qui jugera de la religion des Juifs par les grossiers la connaîtra mal. Elle est visible dans les saints livres et dans la tradition des prophètes, qui ont assez fait entendre qu’ils n’entendaient pas la loi à la lettre. Ainsi notre religion est divine dans l’Evangile, les apôtres et la tradition, mais elle est ridicule dans ceux qui la traitent mal.

Le Messie selon les Juifs charnels doit être un grand prince temporel. Jésus-Christ selon les chrétiens charnels est venu nous dispenser d’aimer Dieu, et nous donner des sacrements qui opèrent tout sans nous ; ni l’un ni l’autre n’est la religion chrétienne, ni juive.

Les vrais juifs et les vrais chrétiens ont toujours attendu un Messie qui les ferait aimer Dieu et par cet amour triompher de leurs ennemis.

Preuves de Jésus-Christ 17 (Laf. 315, Sel. 346). Moïse d’abord enseigne la Trinité, le péché originel, le Messie.

David grand témoin.

Roi, bon, pardonnant, belle âme, bon esprit, puissant. Il prophétise et son miracle arrive. Cela est infini.

Preuves de Jésus-Christ 19 (Laf. 317, Sel. 348). Qu’il est beau de voir par les yeux de la foi, Darius et Cyrus, Alexandre, les Romains, Pompée et Hérode, agir sans le savoir pour la gloire de l’Évangile.

Prophéties 23 (Laf. 344, Sel. 376). Que peut-on avoir sinon de la vénération d’un homme qui prédit clairement des choses qui arrivent et qui déclare son dessein et d’aveugler et d’éclaircir et qui mêle des obscurités parmi des choses claires qui arrivent.

 

Mots-clés : Auteur (voir Autorité)BienCésar – Contraire – Dieu – Discours – FigureHérode – Histoire – JérémieLibérateurLoiMoïsePreuveProphèteSacrificeSecretSensTemporelAncien TestamentVoir.