Pensées diverses I – Fragment n° 1 / 37 – Papier original : RO 110-1 r° / v°

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 85 p. 325 à 327  / C2 : p. 275 à 277

Éditions de Port-Royal :

       Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 et janvier 1670 p. 338  / 1678 n° 34 p. 333

       Chap. XXXI - Pensées diverses : 1669 p. 293 (puis supprimé)

       Un § a été ajouté dans l’édition de 1678 : Chap. XXIX - Pensées morales : 1678 n° 21 p. 276

Éditions savantes : Faugère I, 250, XII ; I, 318, V ; I, 286, LXI ; II, 99, XXI ; II, 75, III ; II, 129, VI ; II, 98, XX ; II, 37 note ; I, 314, IX / Havet VII.21, XXIV.75, Prov. n° 109 p. 294, VI.14, IV.2 (note) / Brunschvicg 48, 880, 869, 378, 70, 375, 387, 140, 145, 853 / Tourneur p. 65-2 / Le Guern 468 / Lafuma 515 à 524 (série XXIII) / Sellier 452 et 453

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Sommaire

 

Bibliographie

Analyse des textes de RO 110-1 : Quand dans un discours se trouvent des mots répétés...

Analyse des textes barrés verticalement (RO 110-1 v°) : La nature nous a si bien mis au milieu...

 

 

Éclaircissements

 

 

Le mot Miscellanea, proposé comme titre dans les Copies, ne se trouve pas sur le manuscrit. Miscellanea signifie mélanges, choses diverses.

 

Quand dans un discours se trouvent des mots répétés et qu’essayant de les corriger on les trouve si propres qu’on gâterait le discours, il les faut laisser, c’en est la marque. Et c’est là la part de l’envie qui est aveugle et qui ne sait pas que cette répétition n’est pas faute en cet endroit,

 

 

Pensées, éd. Havet, I, Delagrave, 1866, p. 102. Pascal donne ici l’illustration de sa propre règle par la répétition du verbe trouver.

Fouquelin Antoine, La rhétorique française, in Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. Goyet, p. 388 sq.

Lamy Bernard, La rhétorique ou l’art de parler, Livre III, ch. IX, éd. Ch. Noille-Clauzade, Paris, Champion, 1998, p. 293 sq. La répétition d’un même mot, d’une même lettre, d’un même son, est désagréable ; mais lorsqu’elle se fait avec art, « elle ne choque point » : p. 294.

Bary, La rhétorique française où pour principale argumentation l’on trouve les secrets de notre langue, Lyon, Th. Amaulry, 1676, Troisième partie, p  307. De la répétition ou de l’anaphore. Cette figure consiste à commencer plusieurs périodes ou plusieurs phrases par un même mot.

Fontanier Pierre, Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1968, p. 329 sq.

Le Guern Michel, “La répétition chez les théoriciens de la seconde moitié du XVIIe siècle”, XVIIe siècle, 152, Juillet-septembre 1986, p. 269-278.

La rhétorique mondaine ne proscrit pas la répétition. Voir par exemple Méré, Conversations, IV, éd. Boudhors, Belles Lettres, p. 50. Les gens qui parlent bien vont directement au mot juste ; mais en corrigeant, ils ont du mal à s’en séparer. Ceux qui sont moins exigeants trouvent la variété sans peine.

Méré, Discours, Des agréments, éd. Boudhors, Belles Lettres, p. 48. Il est parfois bon de répéter une idée, de la toucher à diverses reprises, car un endroit peut en éclaircir un autre ; on ne peut pas tout dire la première fois, pour éviter d’ennuyer, et compléter par la suite.

Voir une défense de la répétition que Pascal a certainement connue, chez Stevin Simon, Principes de la géographie, in Œuvres mathématiques, tr. A. Girard, p. 126-127. De l’anaphore. Par opposition à la copia verborum des rhétoriciens, l’usage de l’anaphore, fréquent dans les mathématiques, n’est pas contre les règles de la rhétorique, puisque cela répond à la règle des règles, qui est d’obtenir le consentement de l’auditeur. Il faut user d’anaphores quand cela vient à point : p. 126. « Il est bien vrai que le contraire se pratique communément, et qu’on recherche autant que faire se peut divers noms d’une même signification, un chacun estimant, comme bon rhétoricien, suivre les règles de rhétorique en cette façon, voulant par là démontrer qu’il (copia verborum) abonde en mots et verbes : tellement qu’il faut tâcher d’user de l’anaphore quand c’est qu’il vient à point, comme aux mathématiques où elle se rencontre souvent. Et qu’aussi il ne faut estimer que son usage soit faute d’abondance de mots, puisque comme a été dit, je l’ai ainsi fait de guet à pend, ni aussi que ce soit contre les règles de rhétorique, puisque je fais cas de les avoir suivies : et où elles ne se trouvera avoir été pratiquée, comme l’on eût bien pu faire, cela est advenu ou bien par hâte, ou par inadvertance », p. 126.

Pascal use beaucoup de la répétition, qu’exige la digression. Il a sur ce point des idées qui ne sont pas les mêmes que certains doctes de son temps.

Sellier Philippe, Port-Royal et la littérature, I, 2e éd., p. 315 sq. L’esthétique de la répétition chez Pascal est contraire au vœu du grammairien Vaugelas, qui n’approuve que du bout des lèvres les répétitions stylistiques. Ce choix se révèle par diverses pratiques, comme le harcèlement par le même vocable, comme dans la fin de la quatorzième Provinciale. Les martèlements lexicaux sont parfois renforcés par la dureté des antithèses. Ils prennent la forme de la réversion, souvent considérée comme un paroxysme de l’antithèse.

Sellier Philippe, “Imaginaire et rhétorique”, in Essais sur l’imaginaire classique. Pascal, Racine, Précieuses et moralistes, Fénelon, p. 141-156. Voir p. 148, sur les redondances chez Pascal.

Pascal, Pensées, opuscules et lettres, éd. Sellier, Paris, Garnier, 2011, p. 77. Pascal multiplie les répétitions avec une sorte de jubilation, surtout dans les Provinciales. Répétition d’un même vocable sans la moindre transformation, ou ceux plus subtils qui invitent à ressusciter quelques dénominations des vieux traités. Polyptote dans le Mystère de Jésus : p. 77.

Sellier Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 563 sq. Sur l’abondance des reprises et des répétitions chez Pascal. Pascal marque ainsi son indépendance à l’égard des codes, mais il suit aussi les conseils de saint Augustin.

Mesnard Jean, “Discontinuité, contrariété, répétition : un modèle de l’écriture pascalienne”, in L’intelligence du passé : les faits, l’écriture et le sens. Mélanges offerts à Jean Lafond, Publications de l’Université de Tours, 1988, p. 409-427. Présence constante de la répétition avec la discontinuité et la contrariété. Il faut considérer la répétition des mots, et celle des schémas de phrase, mais aussi la répétition des ensembles plus complexes : p. 417 sq. Voir l’exemple du fragment Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339), dans lequel les versets se répètent, et engendrent une progression où chaque couple d’éléments est repris par le groupe suivant. Dans ce texte, la proposition initiale n’est pas reprise moins de huit fois : p. 418. D’autre part, dans ce fragment, la structure de répétition peut aussi comporter des interruptions ou des excroissances. Autre exemple de procédé de répétition, dans le fragment Raisons des effets 20 (Laf. 103, Sel. 135). Certaines formules répétées par Pascal peuvent avoir plusieurs sens différents : par exemple, l’expression selon laquelle la connaissance de Dieu doit passer par Jésus-Christ a un sens théologique selon lequel on ne peut aller à Dieu que par le Médiateur, et un sens apologétique, du fait que les seules preuves effectives de Dieu sont celles qu’apporte la révélation biblique, dont le Christ est le centre : p. 423. Sur la part de la répétition dans l’efficacité rhétorique, voir p. 426.

Mesnard Jean, “Le double Mystère de Jésus”, in Descotes Dominique, McKenna Antony et Thirouin Laurent (éd.), Le rayonnement de Port-Royal, Mélanges en l’honneur de Philippe Sellier, p. 280. L’ordre de la méditation, qui aurait pu venir de l’enchaînement logique des phrases, est donné par un recours constant à la répétition. Répétition comme celle du nom de Jésus dans le premier texte, répétition de la superposition de Jésus-Christ et de l’âme pénitente dans le second. La méditation vise à produire, comme la musique, une imprégnation, à faire ruminer les vérités plutôt qu’à les imposer par la raison ou l’autorité. Les ressources de la musique, rythme, mélodie, harmonie tendent à susciter l’adhésion intérieure.

Pascal pratique la répétition conforme à l’ordre du cœur dans plusieurs écrits.

L’ordre du cœur comporte des répétitions, qui font son efficacité. Voir la lettre de Pascal à Jacqueline du 5 novembre 1648, OC II, éd. J. Mesnard, p. 694 : cet ordre est proportionné au temps de la grâce : la répétition est un moyen de renouveler la compréhension ; le retour des vérités reproduit l’opération par laquelle la grâce rend la vérité toujours présente aux yeux des fidèles. Cet ordre est aussi progressif dans ses effets : il engendre l’échauffement : voir OC II, éd. J. Mesnard, p. 852, sur le « transport de grâce ».

Sellier Philippe, Pascal et le psaume 118, Port-Royal et la littérature, 2e édition, 2010, p. 211-220. L’usage des répétitions pour faire passer les appels divins de l’esprit dans le cœur ; à l’opposé du rabâchage païen de formules supposées magiques, la prière chrétienne consiste souvent en reprises pleinement présentes à l’esprit, en un long apprentissage de Dieu : p. 215.

Sur le rapport de la répétition et de la méditation, voir Belin Christian, La conversation intérieure. La méditation en France au XVIIe siècle, p. 235 sq. Le caractère litanique du texte sert à mieux mémoriser les différents points de la méditation. Litanies incantatoires destinées à nommer le mystère sans s’y appesantir : p. 235.

Sur cette pratique de la répétition dans le discours, dans la prière et dans la méditation, on peut avoir intérêt à se reporter au livre de Jousse Marcel, Le style oral. Rythmique et mnémotechnique, Fondation Marcel Jousse, 1981.

Susini Laurent, L’écriture de Pascal. La lumière et le feu, p. 584 sq., associe d’emblée la répétition à l’ordre du cœur, qui consiste en une digression sur chaque point qui a rapport à la fin : voir Preuves de Jésus-Christ 1 (Laf. 298, Sel. 329). L’auteur prend pour exemple le ressassement de l’idée de misère de l’homme dans les Pensées. Voir p. 596 sq., sur le « ressassement méditatif », la « reprise lancinante des mêmes motifs ». Voir aussi p. 600 sq., l’analyse des répétitions et des symétries dans les Pensées, répétition avec symétrie partielle, p. 600, et répétition avec symétrie totale, p. 602 sq. Pascal procède aussi par constructions parallèles (p. 602 sq.) et par organisation des constructions parallèles autour d’un centre (p. 604 sq.). Les répétitions ont pour fin d’engendrer une « rhétorique de la sentence » capable de s’inscrire dans les mémoires ; voir sur ce point le fragment Laf. 745, Sel. 618.

Vinet Alexandre, Études sur Pascal, 1848, p. 115, remarque qu’aucune rhétorique ne donne la même règle que Pascal.

Force Pierre, “La nature et la grâce dans les Pensées de Pascal”, Op. cit., 2, Publications de l’Université de Pau, novembre 1993, p. 55-62. Voir p. 59 : on peut interpréter les erreurs de la fausse éloquence comme des applications erronées du principe de diversité ou du principe de similitude. La règle selon laquelle il faut éviter les répétitions est une application du principe de diversité. Cependant, une règle tirée du principe de diversité ne peut que se détruire elle-même. Il faut donc tantôt éviter les répétitions et tantôt les autoriser.

Voir les analyses de Moreau Denis, Deux cartésiens. La polémique Arnauld-Malebranche, Vrin, Paris, 1999, p. 59 sq., sur la redite comme procédé polémique dans les écrits de controverse d’Arnauld. Arnauld se répète beaucoup. Il justifie le procédé dans La Morale pratique des jésuites, Avertissement, p. 3 : « il y a des redites qu’on ne peut blâmer avec raison, parce qu’elles sont nécessaires, ou pour éclaircir une vérité contestée, ou pour convaincre d’imposture ceux qui auraient employé le mensonge à soutenir leurs erreurs [...]. Quand on n’a pour but que l’avantage de la vérité et de l’Église, on méprise ce reproche pour les servir utilement. Car il est sans doute qu’on fait ainsi plus d’impression sur l’esprit d’un lecteur. »

Il ne faut pas que la seule considération de l’œuvre littéraire et religieuse de Pascal fasse oublier que la répétition est l’un des procédés les plus constants du mathématicien. L’ordre géométrique exclut la redondance, qui n’apporte rien de nouveau, mais il use abondamment de la répétition. La répétition des mêmes formes de propositions et des mêmes tournures dans de longs parallèles est très fréquente dans les traités des Lettres de A. Dettonville, notamment dans le Traité des trilignes, et les Traités des sinus du quart de cercle et des arcs de cercle. Elle sert à habituer l’esprit du lecteur à un type de proportion qui se répète, mutatis mutandis, mais en accroissant progressivement le nombre des dimensions des corps sommés. Le procédé sert à faire comprendre, à partir des cas simples de sommes de lignes et de sommes de surfaces, qui ont respectivement deux dimensions et trois dimensions, la manière dont on peut engendrer des sommes de carrés, de cubes et de carrés-carrés, qui ont respectivement quatre, cinq et six dimensions, ce qui dépasse de beaucoup les trois dimensions naturelles de la géométrie classique. Le parallélisme et la répétition des mêmes opérations facilite au lecteur la compréhension de la généralisation qui, à partir des cas les plus élémentaires conduit à des « incompréhensibles qui ne laissent pas d’être ».

Traité des Trilignes, Proposition I, p. 3, OC IV, p. 444. La somme des ordonnées à la base est la même que la somme des ordonnées à l’axe.

S (EG . EE) = S (DF . DD)                  (deux dimensions)

Traité des Trilignes, Proposition II, p. 3, OC IV, p. 444-445. La somme des carrés des ordonnées à la base est double des rectangles compris de chaque ordonnée à l’axe et de sa distance à la base.

S (EG2 . EE) = 2 S (DF . DA . DD)     (trois dimensions)

Traité des Trilignes, Proposition III, p. 4, OC IV, p. 445. La somme des cubes des ordonnées à la base est triple des solides compris de chaque ordonnée à l’axe et du carré de sa distance de la base.

S (EG3 . EE) = 3 S (DF . DA2 . DD)   (quatre dimensions)

Traité des Trilignes, Proposition IV, p. 4, OC IV, p. 446. On démontrera de même que la somme des carrés-carrés des ordonnées à la base est quadruple de la somme des ordonnées à l’axe, multipliées chacune par le cube de sa distance de la base, et ainsi toujours.

S (EG4 . EE) = 4 S (DF . DA3 . DD)   (cinq dimensions)

Et ainsi à l’infini. Les parallélismes permettent de faire comprendre que c’est, mutatis mutandis, une seule et même règle qui s’applique à tous les degrés.

On trouve des répétitions du même ordre dans les Traités de l’équilibre des liqueurs et de la pesanteur de la masse de l’air.

Il peut exister, par le biais de la répétition, une coopération entre l’ordre de l’esprit et l’ordre du cœur, malgré leur hétérogénéité essentielle. Voir Descotes Dominique, L’argumentation chez Pascal, Paris, P. U. F., 1993, p. 102. C’est pourquoi Pascal peut écrire dans le fragment Laf. 646, Sel. 531) : Sentiment. La mémoire, la joie sont des sentiments et même les propositions géométriques deviennent sentiments.

 

car il n’y a point de règle générale.

 

Pascal, Pensées, opuscules et lettres, éd. Sellier, Garnier, 2011, p. 77. Cette maxime ne contredit pas ce que dit Gilberte sur le fait que Pascal s’était forgé des règles de rhétorique. En fait, son jugement fustige la rigidité de certains critiques envieux, probablement certaines critiques des Provinciales.

Voir Géométrie-Finesse II (Laf. 513, Sel. 671). La vraie éloquence se moque de l’éloquence. La vraie morale se moque de la morale, c’est‑à‑dire que la morale du jugement se moque de la morale de l’esprit qui est sans règles.

 

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On aime la sûreté. On aime que le pape soit infaillible en la foi, et que les docteurs graves le soient dans les mœurs, afin d’avoir son assurance.

 

Sur l’infaillibilité du pape, voir le dossier thématique sur l’infaillibilité.

Voir Provinciale VI. Les docteurs graves sont les théologiens dont l’autorité garantit la probabilité des opinions qu’ils émettent.

On peut aussi mettre en cause le sérieux, la compétence et l’autorité des docteurs soi-disant graves. Le Quatrième écrit des curés de Paris, in Divers écrits des Curés..., p. 130, remarque que les jésuites traitent tous les autres d’ignorants, et eux seuls de doctes. Mais Pascal répond dans le fragment Laf. 722, Sel. 603 : Probable. Quand il serait vrai que les auteurs graves et les raisons suffiraient je dis qu’ils ne sont ni graves, ni raisonnables. Quoi! un mari peut profiter de sa femme, selon Molina! La raison qu’il en donne est-elle raisonnable et la contraire de Lessius l’est-elle encore ? Une note plus ample se trouve sous la plume de Nicole dans Wendrock, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique, p. 123 sq. (éd. de 1700), § X, Ce que c’est, selon les jésuites, qu’un homme docte. Quelle que soit l’habileté de ce docte, il faut qu’il soit ignorant en quelque chose, puisqu’il défend des opinions probables. Après avoir couvert ce docte d’éloges, les jésuites « donnent indifféremment cette qualité si glorieuse au moindre des casuistes » : « ainsi non seulement Lessius, Vasquès, Suarès, Molina, Reginaldus, Filiutius, Baldellus, Escobar, et les autres jésuites du premier ordre sont doctes, selon eux, mais encore le moindre jésuite doit être regardé comme tel, pourvu qu’il ait fait quelque livre, ou employé quelques temps à feuilleter ceux des casuistes. Enfin toute leur société, si on les en croit, n’est composée que de doctes » : p. 123. Voir Note III de la Lettre VI, p. 366. Sur Bonacina : c’est un pauvre homme, dont on ne doit pas tenir l’autorité pour beaucoup, pour n’en rien dire de plus fort. Les casuistes disent qu’un ou plusieurs auteurs graves ayant approuvé une opinion suffisent pour qu’elle soit probable pour tout le monde ; on n’a pas le droit, parce qu’un auteur juge probable une opinion, de la faire tenir probable par d’autres. Ce qu’est un homme docte pour les jésuites : c’est une image idéalisée, alors que dans la pratique, ils déclarent docte n’importe quel casuiste : p. 121. Voir Dissertation..., Section sixième, p. 260 sq., De l’autorité qu’ont les casuistes pour rendre leurs opinions probables. Qu’il y a des casuistes dont l’approbation rend plutôt leur opinion improbable que probable : p. 263 sq. Que les casuistes n’ont pas plus d’autorité, mais moins, pour avoir beaucoup écrit : p. 267 sq.

Pascal pense que certains fidèles sont très respectueux de l’autorité des casuistes, parce qu’ils mettent leur conscience à l’aise grâce aux opinions probables, grâce auxquelles on parvient toujours à justifier les actions les plus condamnables. Voir sur ce point les Provinciales V à X.

Il s’en prend fortement à cette confiance mal placée, qui aboutit à se soumettre à l’autorité des casuistes pour se mettre la conscience à l’aise. Voir la conclusion du Projet de mandement contre l’Apologie pour les casuistes composé par Pascal pour réfuter le jésuite Georges Pirot, qui s’achève sur un sévère avertissement aux fidèles qui se fient aux casuistes et aux jésuites :

Projet de Mandement, in Les Provinciales, éd. Cognet, Paris, Garnier, 1983, p. 467-468. « Nous déclarons donc hautement que ceux qui seraient dans ces erreurs seraient absolument inexcusables de recevoir la fausseté de ces mains étrangères, qui la leur offrent au préjudice de la vérité qui leur est présentée par les mains paternelles de leurs propres pasteurs ; et qu’ils soient doublement coupables dans ces impiétés, et pour avoir reçu des opinions qu’ils ne devaient jamais admettre, et pour les avoir reçues de ceux qu’ils ne devaient point écouter. Car comme ces personnes qui sont hors de la hiérarchie n’ont de pouvoir d’y exercer aucune fonction que sous nos ordres et selon nos règlements, tout ce qu’ils disent contre notre aveu doit être regardé comme suspect et irrecevable, et ainsi les fidèles en doivent demeurer exempts, et demander à Dieu la persévérance des pasteurs naturels de son Église ; afin que ce malheureux repos, et ce consentement général dans l’erreur qui doit attirer le dernier jugement de Dieu, n’arrive pas de nos jours comme il arriva à la fin de la Synagogue, lorsque les prophètes se relâchèrent. Les princes sont dans la corruption, les prêtres les y accompagnent. Les prophètes les y confirment, et tous ensemble, en cet état, se reposent encore sur le Seigneur, en disant : Dieu est au milieu de nous ; il ne nous arrivera pas de mal. C’est pour cette raison, dit le Seigneur, que Jérusalem sera totalement détruite, et que le Temple de Dieu sera renversé et anéanti. »

Dès la XIe Provinciale, § 16, Pascal a adressé un avertissement analogue :

« Quoi, mes Pères, il vous sera permis de dire, qu’on peut tuer pour éviter un soufflet et une injure, et il ne sera pas permis de réfuter publiquement une erreur publique d’une telle conséquence ? Vous aurez la liberté de dire, qu’un juge peut en conscience retenir ce qu’il a reçu pour faire une injustice, sans qu’on ait la liberté de vous contredire ? Vous imprimerez avec privilège et approbation de vos Docteurs, qu’on peut être sauvé sans avoir jamais aimé Dieu, et vous fermerez la bouche à ceux qui défendront la vérité de la foi, en leur disant qu’ils blesseraient la charité de frères en vous attaquant, et la modestie de chrétiens en riant de vos maximes. Je doute, mes Pères, qu’il y ait des personnes à qui vous ayez pu le faire accroire. Mais néanmoins s’il s’en trouvait qui en fussent persuadés, et qui crussent que j’aurais blessé la charité que je vous dois, en décriant votre Morale, je voudrais bien qu’ils examinassent avec attention d’où naît en eux ce sentiment. Car encore qu’ils s’imaginent qu’il part de leur zèle, qui n’a pu souffrir sans scandale de voir accuser leur prochain, je les prierais, de considérer, qu’il n’est pas impossible qu’il vienne d’ailleurs, et qu’il est même assez vraisemblable, qu’il vient du déplaisir secret et souvent caché à nous-mêmes que le malheureux fond qui est en nous ne manque jamais d’exciter contre ceux qui s’opposent au relâchement des mœurs. Et pour leur donner une règle qui leur en fasse reconnaître le véritable principe, je leur demanderai, si en même temps qu’ils se plaignent de ce qu’on a traité de la sorte des Religieux, ils se plaignent encore davantage de ce que des Religieux ont traité la vérité de la sorte. Que s’ils sont irrités non seulement contre les Lettres, mais encore plus contre les maximes qui y sont rapportées, j’avouerai qu’il se peut faire que leur ressentiment parte de quelque zèle, mais peu éclairé et alors les passages qui sont ici suffiront pour les éclaircir. Mais s’ils s’emportent seulement contre les répréhensions, et non pas contre les choses qu’on a reprises, en vérité, mes Pères, je ne m’empêcherai jamais de leur dire qu’ils sont grossièrement abusés, et que leur zèle est bien aveugle.

Étrange zèle qui s’irrite contre ceux qui accusent des fautes publiques, et non pas contre ceux qui les commettent ! Quelle nouvelle charité qui s’offense de voir confondre des erreurs manifestes par la seule exposition que l’on en fait ; et qui ne s’offense point de voir renverser la Morale par ces erreurs ? Si ces personnes étaient en danger d’être assassinées, s’offenseraient-elles de ce qu’on les avertirait de l’embûche qu’on leur dresse, et au lieu de se détourner de leur chemin pour l’éviter, s’amuseraient-elles à se plaindre du peu de charité qu’on aurait eu de découvrir le dessein criminel de ces assassins ? S’irritent-elles lorsqu’on leur dit de ne manger pas d’une viande, parce qu’elle est empoisonnée, ou de n’aller pas dans une ville, parce qu’il y a de la peste ?

D’où vient donc qu’ils trouvent qu’on manque de charité, quand on découvre des maximes nuisibles à la Religion ; et qu’ils croient au contraire qu’on manquerait de charité de ne pas découvrir les choses nuisibles à leur santé et à leur vie ; sinon parce que l’amour qu’ils ont pour la vie, leur fait recevoir favorablement tout ce qui contribue à la conserver ; et que l’indifférence qu’ils ont pour la vérité, fait que non seulement ils ne prennent aucune part à sa défense, mais qu’ils voient même avec peine qu’on s’efforce de détruire le mensonge ?

Qu’ils considèrent donc devant Dieu, combien la Morale que vos Casuistes répandent de toutes parts, est honteuse et pernicieuse à l’Église ! combien la licence qu’ils introduisent dans les mœurs, est scandaleuse et démesurée : combien la hardiesse avec laquelle vous les soutenez, est opiniâtre et violente. Et s’ils ne jugent qu’il est temps de s’élever contre de tels désordres, leur aveuglement sera aussi à plaindre que le vôtre, mes Pères, puisque et vous et eux avez un pareil sujet de craindre cette parole de S. Augustin sur celle de Jésus-Christ dans l’Évangile : Malheur aux aveugles qui conduisent, malheur aux aveugles qui sont conduits : Vae cæcis ducentibus : Vae cæcis sequentibus ! »

Nicole Pierre, De la connaissance de soi-même, II, ch. IV, éd. Thirouin, P. U. F., 1999, p. 350-351.

« Je dis seulement que ce repos où vivent ceux qui suivent des sentiments relâchés, sans les avoir jamais examinés sérieusement, est visiblement déraisonnable, et qu’il ne peut venir que de la corruption de leur cœur, du désir secret qu’ils ont de n’être pas troublés dans la jouissance des objets de leurs passions par les remords de leur conscience, et enfin de la crainte d’être obligés de se condamner à l’égard du passé, et de changer de conduite à l’avenir. C’est-là ce qui étouffe leur crainte, et les empêche d’avoir, à l’égard de leur salut, les mêmes sentiments qu’ils éprouvent à l’égard de toutes les autres choses. Car si des médecins habiles leur disaient qu’une certaine viande est empoisonnée, ils se garderaient bien d’en manger avant que de s’être assurés que ces médecins se trompent. Si on leur donnait avis qu’il y eût une entreprise formée contre leur vie, que le feu est à leur logis, ils ne se fieraient nullement aux discours de ceux qui leur diraient le contraire sans leur en apporter aucune preuve ; ils ne manqueraient point d’approfondir ces avis, et ils ne se tiendraient point en repos qu’ils ne se fussent parfaitement éclaircis de la vérité. D’où vient donc que quand ils entendent dire que des personnes éclairées sont convaincues, que des choses qu’ils pratiquent ne sont nullement permises, qu’elles sont capables de les perdre, qu’elles sont condamnées par la loi de Dieu comme des crimes, ils en sont pourtant si peu émus, que tout est capable de les rassurer ? D’où vient qu’ils ne prennent jamais la peine d’examiner à fond les raisons du sentiment qui ne leur est pas favorable, ni d’entretenir aucun de ceux qui en sont persuadés, mais qu’ils s’arrêtent à de certaines raisons superficielles, et que pourvu qu’ils se voient autorisés par une troupe de gens, dont ils estiment d’ailleurs très peu la lumière et la piété, ils s’imaginent n’avoir rien à craindre ? Qui ne voit que c’est leur passion qui suspend leur raison, et qui lui cache les plus communes règles du bon sens, qu’elle ne se pourrait empêcher de voir si elle n’était comme liée par le cœur qui appréhende d’être troublé dans ses inclinations ? »

 

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Si saint Augustin venait aujourd’hui et qu’il fût aussi peu autorisé que ses défenseurs, il ne ferait rien. Dieu conduit bien son Église de l’avoir envoyé devant avec autorité.

 

Ses défenseurs : les Messieurs de Port-Royal, qui se disent disciples de saint Augustin (et qui ont toujours récusé la dénomination de jansénistes, inventée par les ennemis de Port-Royal pour les mettre dans le même sac que les calvinistes, considérés comme hérétiques). Voir les Écrits sur la grâce, OC III, éd. J. Mesnard, p. 787.

Devant : avant les controverses du XVIIe siècle.

Avec autorité : saint Augustin était évêque d’Hippone. Son prestige lui a valu le surnom de docteur de la grâce.

 

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Pyrr[honisme].

 

L’abréviation de Pyrrhonisme est placée en titre. On la retrouve en tête du fragment Laf. 532, Sel. 457. Pyrr. J’écrirai ici mes pensées sans ordre et non pas peut-être dans une confusion sans dessein. C’est le véritable ordre et qui marquera toujours mon objet par le désordre même. Je ferais trop d’honneur à mon sujet si je le traitais avec ordre puisque je veux montrer qu’il en est incapable. Voir aussi Miracles III (Laf. 905, Sel. 450). Pyrrhonisme.

Sur le pyrrhonisme, voir Contrariétés 14 (Laf. 131, Sel. 164).

 

L’extrême esprit est accusé de folie comme l’extrême défaut. Rien que la médiocrité n’est bon :

 

Médiocrité : qualité de ce qui est médiocre, qui n’a ni excès ni défaut ; la raison et la justice veulent qu’on garde une honnête médiocrité entre toutes choses, entre la clémence et la sévérité (Furetière). L’adjectif médiocre n’a pas non plus le sens actuel : qui est au milieu de deux extrémités, qui n’a ni excès ni défaut. Un homme tempérant se contente d’un médiocre ordinaire ; cet ouvrage est d’un style médiocre, familier, qui n’est ni bas, ni relevé (Furetière). Le mot peut tendre vers le sens dépréciateur qui est celui de nos jours : Il n’a fait qu’une fortune bien médiocre, pour dire fort petite, qui ne doit point être enviée.

La Rochefoucauld, Maximes, éd. Plazenet, Maxime supprimée 23 (I, CXXXIV), Paris, Champion, p. 213 : « La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse ».

Heller Lane M., “La folie dans l’apologie pascalienne”, in Méthodes chez Pascal, p. 297-307. Voir p. 303-304, la liste des textes pauliniens sur la folie cités par Pascal.

Sur la folie, voir Preuves de Moïse 2 (Laf.  291, Sel. 323).

 

c’est la pluralité qui a établi cela et qui mord quiconque s’en échappe par quelque bout que ce soit.

 

La pluralité [...] qui mord : cette image audacieuse exprime sous forme figurative le fait que la pluralité est toujours, pour Pascal, associée à la force.

Laf. 711, Sel. 589. Force. Pourquoi suiton la pluralité ? estce à cause qu’ils ont plus de raison ? non, mais plus de force. Pourquoi suiton les anciennes lois et anciennes opinions ? estce qu’elles sont les plus saines ? non, mais elles sont uniques et nous ôtent la racine de la diversité.

Raisons des effets 2 (Laf. 81, Sel. 116). Les seules règles universelles sont les lois du pays aux choses ordinaires, et la pluralité aux autres. D’où vient cela ? De la force qui y est. Et de là vient que les rois, qui ont la force d’ailleurs, ne suivent pas la pluralité de leurs ministres. Sans doute l’égalité des biens est juste, mais ne pouvant faire qu’il soit force d’obéir à la justice, on a fait qu’il soit juste d’obéir à la force. Ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force, afin que la justice et la force fussent ensemble et que la paix fût, qui est le souverain bien.

Raisons des effets 4 (Laf. 85, Sel. 119). Summum jus, summa injuria.

La pluralité est la meilleure voie, parce qu’elle est visible et qu’elle a la force pour se faire obéir. Cependant c’est l’avis des moins habiles.

Si l’on avait pu, l’on aurait mis la force entre les mains de la justice, mais comme la force ne se laisse pas manier comme on veut, parce que c’est une qualité palpable au lieu que la justice est une qualité spirituelle dont on dispose comme on veut, on l’a mise entre les mains de la force et ainsi on appelle juste ce qu’il est force d’observer.

[De là] vient le droit de l’épée, car l’épée donne un véritable droit.

Autrement on verrait la violence d’un côté et la justice de l’autre. Fin de la 12e Provinciale.

De là vient l’injustice de la Fronde, qui élève sa prétendue justice contre la force. Il n’en est pas de même dans l’Église, car il y a une justice véritable et nulle violence.

Laf. 554, Sel. 463. La force est la reine du monde, et non pas l’opinion, mais l’opinion est celle qui use de la force. C’est la force qui fait l’opinion. La mollesse est belle selon notre opinion. Pourquoi ? parce que qui voudra danser sur la corde sera seul, et je ferai une cabale plus forte de gens qui diront que cela n’est pas beau.

 

Je ne m’y obstinerai pas. Je consens bien qu’on m’y mette et me refuse d’être au bas bout, non pas parce qu’il est bas, mais parce qu’il est bout, car je refuserais de même qu’on me mît au haut. C’est sortir de l’humanité que de sortir du milieu.

 

Milieu : voir le dossier thématique Milieu. Le milieu se définit ici comme aurea mediocritas. Mais on sait aussi que, dans Disproportion de l’homme, Transition 4 (Laf. 199, Sel. 230), la situation de l’homme entre deux infinis rend très difficile, voire impossible la juste détermination de ce milieu.

On appelle le haut bout, le bas bout, dans les séances et cérémonies où les rangs sont distingués, les places les plus ou les moins honorables. Les ambitieux veulent tenir le haut bout partout où ils sont, les humbles prennent toujours le bas bout (Furetière).

Montaigne, Essais, I, XLIX, Des coutumes anciennes, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 319. Le haut bout, c’est à table la place d’honneur. Chez les Romains, « le haut bout d’entre eux, c’était le milieu ».

Me refuse d’être au bas bout, non pas parce qu’il est bas, mais parce qu’il est bout : jeu de mots sur les sons ba-bou. Pascal aime ce genre de jeu sur les sonorités, dont la Provinciale V donne un exemple burlesque dans la liste des casuistes, éd. Cognet, p. 91-93 : « Villalobos, Coninck, Llamas, Achokier, Dealkozer, Dellacrux, Veracruz, Ugolin, Tambourin, Fernandez, Martinez, Suarez, Henriquez, Vasquez, Lopez, Gomez, Sanchez, de Vechis, de Grassis, de Grassalis, de Pitigianis, de Graphaeis, Squilanti, Bizozeri, Barcola, de Bobadilla, Simancha, Perez de Lara, Aldretta, Lorca de Scarcia, Quaranta, Scophra, Pedrezza, Cabrezza, Bisbe, Dias, de Clavasio, Villagut, Adam à Manden, Iribarne, Binsfeld, Volfangi à Vorberg, Vosthery, Strevesdorf. »

Mesnard Jean, “Pascal et la musique”, Pascal, textes du tricentenaire, p. 195-205.

 

La grandeur de l’âme humaine consiste à savoir s’y tenir, tant s’en faut que la grandeur soit à en sortir qu’elle est à n’en point sortir.

 

Dans le présent passage, médiocrité n’a évidemment pas le sens défavorable. Il renvoie à la médiocrité entendue comme aptitude à conserver le juste milieu entre des extrêmes, en quoi consiste selon Aristote la vertu ; voir Aristote, Éthique à Nicomaque, II, 7. « Quiconque s’y connaît fuit alors l’excès et le défaut. Il cherche au contraire le milieu, et c’est lui qu’il prend pour objectif. Et ce milieu n’est pas celui de la chose, mais celui qui se détermine relativement à nous [...]. Je parle de la vertu morale, car c’est elle qui concerne affections et actions. Or, dans ce domaine, il y a excès, défaut et milieu. Exemples : on peut s’effrayer, se montrer intrépide, nourrir des appétits, s’irriter, s’apitoyer, et en somme, éprouver du plaisir et du chagrin, tantôt plus, tantôt moins, et dans les deux cas, sans que ce soit à bon escient ; mais le faire quand on doit, pour les motifs, envers les personnes, dans le but et de la façon qu’on doit, constitue un milieu et une perfection ; ce qui précisément relève de la vertu ». Puis Aristote écrit que cette moyenne est une excellence : « la vertu concerne des affections et des actions où l’excès et le défaut sont égarements et objets de blâme, alors que le milieu appelle des louanges et une réussite. Or ces deux traits sont typiques de la vertu. Donc la vertu est une sorte de moyenne, puisqu’elle fait à tout le moins viser le milieu » (tr. R. Bodéüs, Garnier-Flammarion, p. 114-115).

Horace, Odes, II, 10, v. 5. Aurea mediocritas.

On retrouve des idées analogues chez Montaigne :

Montaigne, Essais, III, 2, Du repentir, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 850. « Le prix de l’âme ne consiste pas à aller haut, mais ordonnément. Sa grandeur ne s’exerce pas en la grandeur : c’est en la médiocrité. »

Montaigne, Essais, III, 13, De l’expérience, éd. Balsamo et alii, Pléiade, p. 1160. « La grandeur de l’âme n’est pas tant, tirer à mont, et tirer avant, comme savoir se ranger et circonscrire. Elle tient pour grand, tout ce qui est assez. Et montre sa hauteur, à aimer mieux les choses moyennes, que les éminentes. »

Molière, Le Misanthrope, v. 151-152.

« La parfaite raison fuit toute extrémité

Et veut que l’on soit sage avec sobriété ».

Cependant, si pour Pascal, seule la médiocrité est bonne, ce n’est pas que le milieu ait une valeur essentielle, mais seulement parce qu’il évite les maux qu’engendrent les extrêmes.