Règle de la créance  – Fragment n° 1 / 8 – Papier original : RO 273-2

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 79 p. 313  / C2 : p. 405-405 v°

Éditions savantes : Faugère II, 351, VIII ; I, 291, LXX / Havet XXV.49  / Brunschvicg 260 / Tourneur p. 61-1 / Le Guern 457 / Lafuma 504 et 505 (série XX) / Sellier 672

 

 

 

Ils se cachent dans la presse et appellent le nombre à leur secours.

Tumulte.

L’autorité.

 

Tant s’en faut que d’avoir ouï dire une chose soit la règle de votre créance, que vous ne devez rien croire sans vous mettre en l’état comme si jamais vous ne l’aviez ouï.

C’est le consentement de vous à vous‑même et la voix constante de votre raison, et non des autres, qui vous doit faire croire.

Le croire est si important.

Cent contradictions seraient vraies.

Si l’antiquité était la règle de la créance, les anciens étaient donc sans règle.

Si le consentement général, si les hommes étaient péris.

Fausse humilité, orgueil.

Punition de ceux qui pèchent : erreur.

Levez le rideau.

Vous avez beau faire, si faut‑il ou croire, ou nier, ou douter.

N’aurons‑nous donc pas de règle ?

Nous jugeons des animaux qu’ils font bien ce qu’ils font. N’y aura‑t‑il point une règle pour juger des hommes ?

Nier, croire et douter bien, sont à l’homme ce que le courir est au cheval.

 

 

Le présent texte devait selon toute apparence servir à étoffer un ouvrage relatif à l’autorité. Il doit donc être lu en liaison avec les textes qui se rapportent au même sujet, notamment la Préface au Traité du vide, que Pascal n’a jamais achevée. Cependant, le point de vue est différent de celui de la Préface en question : alors que Pascal, préoccupé par ses recherches sur le vide, insistait sur la différence entre les sciences de raison et les sciences soumises à l’autorité, il porte ici l’accent sur la nécessité de l’adhésion personnelle dans le jugement, et de l’accord avec soi-même qui doit accompagner l’acquisition d’une opinion, et particulièrement de la foi.

Ce fragment doit être lu en parallèle de la Préface au traité du vide et du dossier thématique sur l’Autorité.

 

Analyse détaillée...

 

Fragments connexes

 

Fragment écrit au verso de Raisons des effets 3 (Laf. 84, Sel. 118). Il faut dire en gros : cela se fait par figure et mouvement. Car cela est vrai, mais de dire quelles et composer la machine, cela est ridicule. Car cela est inutile et incertain et pénible. Et quand cela serait vrai, nous n’estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de peine. (texte barré verticalement)

Contrariétés 10 (Laf. 127, Sel. 160). La nature de l’homme se considère en deux manières, l’une selonsa fin, et alors il est grand et incomparable ; l’autre selon la multitude, comme on juge de la nature du cheval et du chien par la multitude, d’y voir la course et animum arcendi, et alors l’homme est abject et vil. Et voilà les deux voies qui en font juger diversement et qui font tant disputer les philosophes.

Contrariétés 14 (Laf. 131, Sel. 164). Que fera donc l’homme en cet état ? doutera-t-il de tout ? Doutera-t-il s’il veille, si on le pince, si on le brûle ? Doutera-t-il s’il doute ? Doutera-t-il s’il est ?

Commencement 14 (Laf. 164, Sel. 196). Commencement.

Cachot.

Je trouve bon qu’on n’approfondisse pas l’opinion de Copernic. Mais ceci...

Il importe à toute la vie de savoir si l’âme est mortelle ou immortelle.

Soumission 4 (Laf. 170, Sel. 201). Soumission.

Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, en se soumettant où il faut. Qui ne fait ainsi n’entend pas la force de la raison. Il y en a qui faillent contre ces trois principes, ou en assurant tout comme démonstratif, manque de se connaître en démonstration, ou en doutant de tout, manque de savoir où il faut se soumettre, ou en se soumettant en tout, manque de savoir où il faut juger.

Soumission 8 (Laf. 174, Sel. 205). Saint Augustin. La raison ne se soumettrait jamais si elle ne jugeait qu’il y a des occasions où elle se doit soumettre.

Il est donc juste qu’elle se soumette quand elle juge qu’elle se doit soumettre.

Soumission 10 (Laf. 176, Sel. 207). Ceux qui n’aiment pas la vérité prennent le prétexte de la contestation et de la multitude de ceux qui la nient, et ainsi leur erreur ne vient que de ce qu’ils n’aiment pas la vérité ou la charité. Et ainsi ils ne s’en sont pas excusés.

Soumission 11 (Laf. 177, Sel. 208). Contradiction est une mauvaise marque de vérité.

Plusieurs choses certaines sont contredites.

Plusieurs fausses passent sans contradiction.

Ni la contradiction n’est marque de fausseté ni l’incontradiction n’est marque de vérité.

Soumission 16 (Laf. 182, Sel. 213). Il n’y a rien de si conforme à la raison que ce désaveu de la raison.

Preuves par discours II (Laf. 427, Sel. 681). L’immortalité de l’âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu’il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l’indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu’il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu’il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu’en les réglant par la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet.

Prophéties VII (Laf. 491, Sel. 736). Nature corrompue.

L’homme n’agit point par la raison, qui fait son être.

Pensées diverses (Laf. 655, Sel. 539). Les discours d’humilité sont matière d’orgueil aux gens glorieux et d’humilité aux humbles. Ainsi ceux du pyrrhonisme sont matière d’affirmation aux affirmatifs. Peu parlent de l’humilité humblement, peu de la chasteté chastement, peu du pyrrhonisme en doutant. Nous ne sommes que mensonge, duplicité, contrariété et nous cachons et nous déguisons à nous‑mêmes.

Pensées diverses (Laf. 729, Sel. 611). Casuistes.

[...] Leur grand nombre loin de marquer leur perfection marque le contraire.

Pensées diverses (Laf. 817, Sel. 659). On a beau dire : il faut avouer que la religion chrétienne a quelque chose d’étonnant. C’est parce que vous y êtes né, dira-t-on. Tant s’en faut je me roidis contre par cette raison-là même, de peur que cette prévention ne me suborne, mais quoique j’y sois né je ne laisse pas de le trouver ainsi.

 

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