Preuves par discours II - Fragment n° 5 / 7  – Le papier original est perdu

Copies manuscrites du XVIIe s. : C1 : n° 35’ p. 221-221 v° / C2 : p. 433 v°-435

Éditions de Port-Royal : Chap. XV - Preuves de Jésus-Christ par les prophéties : 1669 et janvier 1670 p. 119-121  / 1678 n° 7 p. 119-120

Éditions savantes : Faugère II, 318, XIV / Havet XVIII.12 / Brunschvicg 783 / Le Guern 404 / Lafuma 433 (série IV) / Sellier 685

 

 

 

Alors Jésus‑Christ vient dire aux hommes qu’ils n’ont point d’autres ennemis qu’eux‑mêmes, que ce sont leurs passions qui les séparent de Dieu, qu’il vient pour les détruire et pour leur donner sa grâce afin de faire d’eux tous une Église sainte.

Qu’il vient ramener dans cette Église les païens et les Juifs, qu’il vient détruire les idoles des uns et la superstition des autres. À cela s’opposent tous les hommes, non seulement par l’opposition naturelle de la concupiscence, mais par‑dessus tous les rois de la terre s’unissent pour abolir cette religion naissante comme cela avait été prédit.

Prophétie : Quare fremuerunt gentes... reges terrae... adversus Christum.

 

Tout ce qu’il y a de grand sur la terre s’unit : les savants, les sages, les rois. Les uns écrivent, les autres condamnent, les autres tuent. Et nonobstant toutes ces oppositions, ces gens simples et sans force résistent à toutes ces puissances et se soumettent même ces rois, ces savants, ces sages, et ôtent l’idolâtrie de toute la terre. Et tout cela se fait par la force qui l’avait prédit.

 

 

Ce fragment résume une partie de l’argumentation de Pascal sur les prophéties, pour souligner la puissance des ennemis qui se sont opposés à la naissance et au développement du christianisme, en quoi il voit une réalité historique si extraordinaire qu’elle ne peut s’expliquer par des causes naturelles. Il faut se reporter à la liasse Prophéties des papiers classés pour replacer ce fragment dans l’ensemble de son contexte.

Quare fremuerunt gentes [et populi meditati sunt inania ? Astiteruntreges terrae [et principes convenerunt in unum, adversus Dominum et] adversus Christum [ejus] : « Pourquoi les nations se sont-elles soulevées avec un grand bruit, et les peuples ont-ils formé de vains desseins ? Les rois de la terre se sont opposés, et les princes se sont assemblés contre le Seigneur et contre son Christ et son oint » (Ps. II, v. 1 et 2 ; traduction de la Bible de Port-Royal). Pascal ne retient que : « Pourquoi se sont soulevés les nations,… les rois de la terre… contre le Christ ».

 

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Fragments connexes

 

A P. R. 1 (Laf. 149, Sel. 182). Les grandeurs et les misères de l’homme sont tellement visibles qu’il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu’il y a quelque grand principe de grandeur en l’homme et qu’il y a un grand principe de misère. Il faut encore qu’elle nous rende raison de ces étonnantes contrariétés. Il faut que pour rendre l’homme heureux elle lui montre qu’il y a un Dieu, qu’on est obligé de l’aimer, que notre vraie félicité est d’être en lui, et notre unique mal d’être séparé de lui, qu’elle reconnaisse que nous sommes pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connaître et de l’aimer, et qu’ainsi nos devoirs nous obligeant d’aimer Dieu et nos concupiscences nous en détournant nous sommes pleins d’injustice. Il faut qu’elle nous rende raison de ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre bien. Il faut qu’elle nous enseigne les remèdes à ces impuissances et les moyens d’obtenir ces remèdes. Qu’on examine sur cela toutes les religions du monde et qu’on voie s’il y en a une autre que la chrétienne qui y satisfasse.

Loi figurative 15 (Laf. 260, Sel. 291). Combien doit-on donc estimer ceux qui nous découvrent le chiffre et nous apprennent à connaître le sens caché, et principalement quand les principes qu’ils en prennent sont tout à fait naturels et clairs ? C’est ce qu’a fait Jésus-Christ et les apôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit. Ils nous ont appris pour cela que les ennemis de l’homme sont ses passions, que le rédempteur serait spirituel et son règne spirituel, qu’il y aurait deux avènements, l’un de misère pour abaisser l’homme superbe, l’autre de gloire pour élever l’homme humilié, que Jésus-Christ serait Dieu et homme.

Loi figurative 24 (Laf. 269, Sel. 300). Il y en a qui voient bien qu’il n’y a pas d’autre ennemi de l’homme que la concupiscence qui les détourne de Dieu, et non pas des [ennemis], ni d’autre bien que Dieu, et non pas une terre grasse. Ceux qui croient que le bien de l’homme est en la chair et le mal en ce qui le détourne des plaisirs des sens qu’ils s’en soûlent et qu’ils y meurent. Mais ceux qui cherchent Dieu de tout leur cœur, qui n’ont de déplaisir que d’être privés de sa vue, qui n’ont de désir que pour le posséder et d’ennemis que ceux qui les en détournent, qui s’affligent de se voir environnés et dominés de tels ennemis, qu’ils se consolent, je leur annonce une heureuse nouvelle ; il y a un Libérateur pour eux ; je le leur ferai voir ; je leur montrerai qu’il y a un Dieu pour eux ; je ne le ferai pas voir aux autres. Je ferai voir qu’un Messie a été promis pour délivrer des ennemis, et qu’il en est venu un pour délivrer des iniquités, mais non des ennemis.

Loi figurative 25 (Laf. 270, Sel. 301). Le monde ayant vieilli dans ces erreurs charnelles. Jésus-Christ est venu dans le temps prédit, mais non pas dans l’éclat attendu, et ainsi ils n’ont pas pensé que ce fût lui. Après sa mort saint Paul est venu apprendre aux hommes que toutes ces choses étaient arrivées en figure, que le royaume de Dieu ne consistait pas en la chair, mais en l’esprit, que les ennemis des hommes n’étaient pas leurs Babyloniens, mais leurs passions, que Dieu ne se plaisait pas aux temples faits de main, mais en un cœur pur et humilié, que la circoncision du corps était inutile, mais qu’il fallait celle du cœur, que Moïse ne leur avait pas donné le pain du ciel, etc.

Preuves de Jésus-Christ 11 (Laf. 308, Sel. 339). Ordres des corps, de l’esprit et de la sagesse.

Prophéties 1 (Laf. 323, Sel. 354). Ruine des Juifs et des païens par JésusChrist.

Omnes gentes venient et adorabunt eum.

Parum est ut, etc. Is.

Postula a me...

Adorabunt eum omnes reges.

Prophéties 2 (Laf. 324, Sel. 355). Qu’alors l’idolâtrie serait renversée, que ce Messie abattrait toutes les idoles et ferait entrer les hommes dans le culte du vrai Dieu. Que les temples des idoles seraient abattus et que parmi toutes les nations et en tous les lieux du monde lui serait offerte une hostie pure, non point des animaux.

Prophéties 4 (Laf. 324, Sel. 357). Qu’il serait roi des Juifs et des gentils, et voilà ce roi des Juifs et des gentils opprimé par les uns et les autres qui conspirent à sa mort dominant des uns et des autres, et détruisant et le culte de Moïse dans Jérusalem, qui en était le centre, dont il fait sa première Église et le culte des idoles dans Rome qui en était le centre et dont il fait sa principale Église.

Prophéties 6 (Laf. 327, Sel. 359). Après que bien des gens sont venus devant il est venu enfin Jésus-Christ dire : me voici et voici le temps. Ce que les prophètes ont dit devoir advenir dans la suite des temps je vous dis que mes apôtres le vont faire. Les Juifs vont être rebutés. Jérusalem sera bientôt détruite et les païens vont entrer dans la connaissance de Dieu. Mes apôtres le vont faire après que vous aurez tué l’héritier de la vigne. Et puis les apôtres ont dit aux Juifs : Vous allez être maudits. Celsus s’en moquait. Et aux païens : Vous allez entrer dans la connaissance de Dieu., et cela est arrivé alors.

Prophéties 17 (Laf. 338, Sel. 370). Prédictions. [...] Ce que Platon n’a pu persuader à quelque peu d’hommes choisis et si instruits une force secrète le persuade à cent milliers d’hommes ignorants, par la vertu de peu de paroles.

Preuves par discours I (Laf. 418, Sel. 680). Apprenez au moins que votre impuissance à croire, puisque la raison vous y porte et que néanmoins vous ne le pouvez, vient de vos passions. Travaillez donc, non pas à vous convaincre par l’augmentation des preuves de Dieu, mais par la diminution de vos passions.

Pensées diverses (Laf. 564, Sel. 471). La vraie et unique vertu est donc de se haïr, car on est haïssable par sa concupiscence, et de chercher un être véritablement aimable pour l’aimer. Mais comme nous ne pouvons aimer ce qui est hors de nous, il faut aimer un être qui soit en nous, et qui ne soit pas nous. Et cela est vrai d’un chacun de tous les hommes.

Pensées diverses (Laf. 597, Sel. 494). Le moi est haïssable.

Pensées diverses (Laf. 609, Sel. 504). Prophéties.

Transfixerunt. Zach. 12. 10.

Qu’il devait venir un libérateur qui écraserait la tête au démon, qui devait délivrer son peuple de ses péchés, ex omnibus iniquitatibus. Qu’il devait y avoir un nouveau testament qui serait éternel, qu’il devait y avoir une autre prêtrise selon l’ordre de Melchisédech, que celle‑là serait éternelle, que le Christ devait être glorieux, puissant, fort, et néanmoins si misérable, qu’il ne serait point reconnu, qu’on ne le prendrait point pour ce qu’il est, qu’on le rebuterait, qu’on le tuerait, que son peuple qui l’aurait renié ne serait plus son peuple, que les idolâtres le recevraient et auraient recours à lui, qu’il quitterait Sion pour régner au centre de l’idolâtrie, que néanmoins les Juifs subsisteraient toujours, qu’il devait être de Juda quand il n’y aurait plus de roi.

Pensées diverses (Laf. 797, Sel. 650). Le propre de la puissance est de protéger.

 

Pensée n° 12M (Laf. 926, Sel. 755). On se fait une idole de la vérité même, car la vérité hors de la charité n’est pas Dieu, et est son image et une idole qu’il ne faut point aimer ni adorer, et encore moins fautil aimer ou adorer son contraire, qui est le mensonge.

 

Mots-clés : Concupiscence – Condamner – DétruireDieu – Écrire – Église – EnnemiForceGrâceGrandeurHommeIdoleJésus-ChristJuifOppositionPaïenPassionPrédictionReligionRoiSageSavant – Simple – SoumissionSuperstitionTerreTuer.